L'ARC-EN-CIEL DES RACHETES

Vous souhaitez réagir à ce message ? Créez un compte en quelques clics ou connectez-vous pour continuer.
L'ARC-EN-CIEL DES RACHETES

Forum Catholique Romain pour l'unité des chrétiens

-50%
Le deal à ne pas rater :
-50% Baskets Nike Air Huarache
64.99 € 129.99 €
Voir le deal

    «Le but de la vie spirituelle, c’est de dilater notre cœur»

    Claire
    Claire
    Admin


    Messages : 13449
    Date d'inscription : 19/07/2009
    Age : 73
    Localisation : NORD

    «Le but de la vie spirituelle, c’est de dilater notre cœur» Empty «Le but de la vie spirituelle, c’est de dilater notre cœur»

    Message par Claire Ven 19 Mai 2017 - 20:03

    «Le but de la vie spirituelle, c’est de dilater notre cœur»


    Bénédictin italien de la communauté Koinonia de la Visitation, dans le Val d’Aoste, le Père Michael Davide Semeraro esquisse un nouveau visage de moine aujourd’hui. 
    Entretien avec Céline Hoyeau. Publié le 19 mai 2017.



    Depuis dix ans, vous vivez avec deux autres bénédictins une expérience monastique modeste dans le Val d’Aoste. Quel est le sens d’une telle vie communautaire ?

    Père Michael Davide Semeraro : À la différence de nombreux monastères, notre rêve quotidien n’est pas que surviennent des vocations – d’autant plus que nous n’avons pas de place ! (rires) Nous essayons simplement d’être fidèles à notre vie monastique, sans peur de l’avenir. Ce peut être un signe aujourd’hui, dans un contexte de grande fragilisation de la vie consacrée. Cette précarité est parfois vécue de manière négative, dans un sentiment d’échec – «On n’a pas été capables de transmettre aux jeunes». Mais elle peut aussi devenir un appel à penser différemment la vie monastique.
    Il me semble que la fidélité à l’Évangile doit passer, aujourd’hui, par de petites réalités. C’était l’intuition spirituelle de Thomas Merton (1915-1968), il y a un demi-siècle. Pour lui, les moines des temps modernes étaient appelés à ne pas être trop visibles. Le concile Vatican II a suscité des intuitions de ce type, mais nous avons encore trop peur de changer. Ce que nous demande le pape François va aussi dans le sens d’une certaine discrétion, ne pas chercher à retrouver une visibilité, une certaine honorabilité mondaine.

    Pourtant, la société n’est-elle pas en attente de repères, de visibilité ?
    P. M. D. S. : On le dit, mais qu’entend-on par visibilité ? Parfois, il y a un peu d’agressivité spirituelle dans notre témoignage, lorsqu’on regarde le monde de manière négative, en déplorant de ne plus y trouver la foi. Ceux qui ne fréquentent pas l’église ont à peine parlé que, déjà, on veut leur donner la réponse. Nos contemporains ont besoin de témoignage plus que de visibilité. Un témoignage humble, discret. Témoigner, ce n’est pas s’imposer, mais être toujours repérables. Sans nous soucier trop d’être repérés…
    Qu’est-ce qui vous a conduit à cette spiritualité ?
    P. M. D. S. : La réflexion de Charles de Foucauld m’a beaucoup aidé à repenser ma vie monastique. Avec François d’Assise, il représente un tournant dans l’histoire de la vie consacrée. Ce qu’il a vécu était prophétique pour témoigner de la beauté et de la bonté de l’Évangile dans le monde. Nos dogmes et nos rites sont la voie pour faire une expérience de la transcendance, mais ce qui permet l’unité, c’est avant tout de partager la présence de Dieu dans la vie des hommes, qui n’est pas toujours consciente. Les dogmes sont importants, mais toujours pour donner place à la vie. Si l’on commence à avoir peur des surprises de la vie, on devient comme des scribes et des pharisiens. C’est la différence entre rigueur et rigidité : le Christ est toujours rigoureux, jamais rigide.

    Vous insistez, dans votre dernier livre (1), sur la compassion et les attitudes du cœur. Qu’est-ce qui vous y a rendu sensible ?
    P. M. D. S. : Mon arrière-grand-mère, qui m’a appris à prier, me demandait de l’accompagner dans ses visites aux pauvres et aux malades. Aussi, dans mon cœur et mon inconscient peut-être, prière et charité vont de pair. Ma prière de moine est indissociable de la mémoire de la souffrance des autres. Le prieur de Bouaké, en Côte d’Ivoire, dit que les moines deviennent moines parce qu’ils acceptent de gérer leur souffrance. C’est pour cela que les gens aiment venir au monastère, car ils y trouvent des hommes n’ayant pas peur des souffrances des autres.
    Moi-même j’ai dû gérer beaucoup de souffrances et de crises personnelles. La psychanalyse que j’ai suivie m’a ouvert le regard sur un autre versant du monde qui m’était inconnu, dont j’avais peur. J’ai découvert que celui qui avait été à la racine de mes désirs spirituels était aussi à la racine de l’homme que j’étais. Ce fut un chemin de réconciliation. Le cœur devient plus large.

    Élargir le cœur, c’est le but de la vie spirituelle ?
    P. M. D. S. : Oui, et c’est la caractéristique de la vie bénédictine. Saint Benoît donne pour but spirituel au moine de « dilater le cœur ». À travers la fidélité aux règles, il s’agit de renoncer à nos idoles, y compris spirituelles, pour amplifier notre cœur. Parfois, on risque d’en rester aux moyens – les règles – en manquant le but.
    La psyché, dont parlent les Pères de l’Église, veut dire, en grec, l’âme et le papillon. L’âme, pour les Anciens, est le lieu de la transformation, comme le papillon. La vie spirituelle doit être capable d’assumer les changements, les morts. Ainsi on démarre avec des idéaux, des programmes pour sa vie, mais les souffrances, les crises, les accidents de parcours aussi, nous permettent de renoncer à nous-mêmes pour nous ouvrir à quelque chose qui nous dépasse.
    Dans les Évangiles, le Christ permet à l’autre de ne pas avoir peur ni honte de ses limites, de ses fragilités et de ses péchés. Il libère la parole et cela change tout : pouvoir se dire, se manifester, c’est le salut. Bien souvent, nous oublions que nous sommes créés comme des créatures, donc non seulement limités par le péché, mais limités par nature. Nous pouvons avoir une idée de nous-mêmes qui ne correspond pas au réel et, surtout, que Dieu n’a pas voulue. Il avait la possibilité de nous créer comme des anges mais il ne l’a pas fait. L’incarnation du Verbe, Dieu qui se fait homme en Jésus, c’est la manifestation pleine de cette attitude divine : le Dieu qui se fait chair nous réconcilie avec notre limite, notre pauvreté comme lieu de vérité.

    La vie spirituelle, c’est s’accepter dans sa pauvreté ?
    P. M. D. S. : La spiritualité est toujours sur le fil : idéaliste, désincarnée, elle peut devenir dangereuse. La vie spirituelle chrétienne ne peut pas décoller, elle doit toujours atterrir (rire). Elle se donne dans ce qu’il y a de plus réel et incarné. Pour Tertullien, le Christ est l’homme «le plus sûr et le plus vrai». Aussi sommes-nous appelés à repartir des sentiments de Jésus, décrits par Paul dans l’hymne aux Philippiens : la douceur, la bonté, l’humilité, la tendresse…

    Quelle différence y a-t-il, au fond, entre un chrétien et un humaniste généreux ?
    P. M. D. S. : Le chrétien travaille pour le Royaume de Dieu. Son horizon n’est pas fermé à cette terre, une œuvre plus profonde le dépasse. Il y collabore mais en ne se donnant jamais trop d’importance. En se relativisant lui-même, au profit d’un dessein beaucoup plus large, celui de Dieu.

    -----------------------------------------
    (1) Guérir. 10 gestes de Jésus qui sauvent, Éd. Salvator, 192 p., 17,50 €.
    Recueilli par Céline Hoyeau
    «Le but de la vie spirituelle, c’est de dilater notre cœur» La-croix
    http://croire.la-croix.com/Definitions/Lexique/Vie-spirituelle/Le-but-de-la-vie-spirituelle-c-est-de-dilater-notre-caeur

      La date/heure actuelle est Ven 19 Avr 2024 - 19:37