Dès la première Église et même auparavant en Israël, on s’est adressé aux défunts comme à des vivants auprès de Dieu : dans la communion des saints, nous prions pour eux et ils prient pour nous car nous avons le souci les uns des autres. C’est dans cette charité que la prière des saints prend tout son sens.
La prière pour les autres est une des formes de la charité fraternelle : Jésus en donne l’exemple et on retrouve cet usage dans toute la liturgie des Églises. Jésus prie pour Pierre « afin que sa foi ne défaille pas ». Dans le Sermon sur la Montagne, il donne ce commandement : « Aimez vos ennemis, priez pour vos persécuteurs » (Mt 5,44). L’amour et la prière sont donc liés. Le chapitre 17 de l’évangile de Jean est appelé « prière sacerdotale », parce que Jésus ne prie pas seulement pour lui-même (« Père, glorifie ton Fils »), mais aussi pour ses disciples, « ceux que tu m’as donnés » (Jn 17,9). À l’imitation du Notre Père, les prières liturgiques s’expriment toujours au pluriel : priant ensemble, nous prions les uns pour les autres.
Prier les uns pour les autres : un devoir de charité
Dans presque toutes ses lettres, saint Paul assure ses correspondants de sa prière, où se rencontrent l’action de grâce et l’intercession : qu’ils deviennent parfaits, que grandisse leur charité. Dans l’épître aux Romains, au cœur des trois chapitres qu’il consacre au mystère d’Israël, Paul écrit : « L’élan de mon cœur et ma prière à Dieu pour eux, c’est qu’ils soient sauvés » (Rm 10,1). Il demande que l’on prie pour lui. Les communautés prient les unes pour les autres. Ainsi la prière des Églises de Macédoine pour celle de Corinthe « manifeste la tendresse qu’ils vous portent » (2 Co 9,14). La première épître à Timothée élargit encore l’horizon : « Qu’on fasse des demandes, des prières, des supplications, des actions de grâce pour tous les hommes » (1 Tm 2,1), en particulier pour ceux qui exercent l’autorité, afin que chacun puisse vivre dans la dignité et la paix.
Prier pour les défunts
Cette communion dans la prière franchit les frontières de la mort. Sinon, quel sens aurait la prière pour les défunts, déjà attestée dans le judaïsme peu avant l’ère chrétienne ? Il ne faut cependant pas confondre communion et communication. L’Ancien Testament interdit vigoureusement d’invoquer les morts : Saül pécha gravement en demandant à une sorcière d’invoquer pour lui l’esprit du prophète Samuel (1 S, 28). Cet interdit demeure et l’Église considère ce genre de pratiques comme des pièges sataniques.
La mort est une séparation : il faut faire le deuil de celui qui est parti. Mais la séparation n’est pas le néant. Créé à l’image et ressemblance de Dieu, l’Éternel, la source de l’Être et de la Vie, l’homme ne peut pas disparaître comme s’il n’avait jamais existé. En Dieu notre Créateur et notre Père, dans le Fils qui s’est fait homme, les êtres humains de tous les temps constituent une famille. « Dieu d’Abraham, d’Isaac et de Jacob, non des morts mais des vivants », dit Jésus, parlant de la résurrection (Mt 22, 22-23) : s’ils se relèvent, s’ils se réveillent, c’est qu’ils n’ont pas fini d’exister, morts à nos yeux, mais pas à ceux de Dieu.La charité comporte de prier pour ceux qui en ont besoin »
La théologie traditionnelle parle de l’Église triomphante (au « ciel »), souffrante (en « purgatoire ») et militante (en pèlerinage sur terre). « Tous, cependant, à des degrés divers et sous des formes diverses, nous communions dans la même charité envers Dieu et envers le prochain » (Concile Vatican II, Constitution sur l’Église, n° 49). Or la charité comporte de prier pour ceux qui en ont besoin.
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Mgr Jacques Perrier