Péguy immortel : 10 pensées pour le découvrir
A l'occasion du 100e anniversaire de sa mort, les Cahiers Libres vous proposent de redécouvrir Charles Péguy.
05.09.2014
DR / Cahiers Libres
A l'occasion du 100e anniversaire de sa mort, les Cahiers Libres vous proposent de redécouvrir Charles Péguy.
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Péguy est un auteur dangereux, car il dérange les idées reçues, menace les conformismes. C’est pourquoi aussi bien à droite qu’à gauche, par une espèce d’accord tacite, on s’est efforcé de le rendre inoffensif ou tout au moins d’en limiter les dégâts. La droite l’a réduit aux dimensions d’un petit soldat en pantalon garance mourant pour son pays, un crucifix à la main. La gauche a fait mieux encore elle l’a escamoté. Qu’on l’ait élevé sur les autels clérico-chauvins ou précipité dans les oubliettes de la lutte des classes, un même résultat a été atteint, une même trahison consommée. Péguy a une revanche à prendre : celle de la vérité de sa personne et de son œuvre. (Jean Bastaire) Si Charles Péguy a, en premier lieu, révolutionné l’art de la prose, il a aussi et surtout révolutionné l’art de la révolution. Et cent ans après sa disparition au champ d’honneur, le 5 septembre 1914, il continue de révolutionner nos cœurs, bousculant nos certitudes. Nous n’aurons pas la prétention de vouloir jeter ici la vérité sur son œuvre ou sa personne. Nous le tenterions que nous nous rangerions de fatco dans le camp des récupérateurs. Ce qui serait, pour nous qui l’aimons tant, la pire des trahisons. Mais par dix pensées piochées au hasard de son œuvre, sauvagement coupées, arbitrairement tronquées de leur contexte littéraire pour les besoins de l’exercice, nous voudrions souligner la modernité de son regard. Voici donc dix extraits de ses écrits, avec un premier volet portant sur une critique de la société : l’Etat, la politique, le journalisme, l’éducation, l’argent. Puis un second, consacré au regard lucide, brillant et théologique de Péguy sur le monde moderne, la déchristianisation, la situation actuelle de l’Eglise, le péché et l’espérance. Que ces miettes tombées de la table de Charles Péguy soient autant d’occasions d’aller vous y asseoir, un bon bouquin à la main. Bonne lecture ! I- Du rôle de l’Etat « Les intellectuels modernes, le parti intellectuel moderne a infiniment le droit d’avoir une métaphysique, une philosophie, une religion, une superstition tout aussi grossière et aussi bête qu’il est nécessaire pour leur faire plaisir… Mais ce qui est en cause… c’est de savoir si l’État moderne a le droit et si c’est son métier… d’adopter cette métaphysique, de ce l’assimiler, de l’imposer au monde en mettant à son service tous les énormes moyens de la gouvernementale force. Quand donc aurons-nous enfin la séparation de la métaphysique de l’État. Quand donc nos français ne demanderont-ils à l’État et n’accepteront-ils de l’État que le gouvernement de valeurs temporelles ? Ce qui est déjà beaucoup, et peut-être trop. » (Situation faite… Part intellectuel, 1906) II- De la mystique et de la politique « Tout commence en mystique et finit en politique. Tout commence par la mystique, par une mystique, par sa (propre) mystique et tout finit par de la politique. La question, importante, n’est pas, il est important, il est intéressant que, mais l’intérêt, la question n’est pas que telle politique l’emporte sur telle ou telle autre et de savoir qui l’emportera de toutes les politiques. L’intérêt, la question, l’essentiel est que dans chaque ordre, dans chaque système la mystique ne soit point dévorée par la politique à laquelle elle a donné naissance. En d’autres termes il importe peut-être, il importe évidemment que les républicains l’emportent sur les royalistes ou les royalistes sur les républicains, mais cette importance est infiniment peu, cet intérêt n’est rien en comparaison de ceci : que les républicains demeurent des républicains ; que les républicains soient des républicains. Et j’ajouterai, et ce ne sera pas seulement pour la symétrie, complémentairement j’ajoute : que les royalistes soient, demeurent royalistes (…).
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