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Jacques Berthier, une vie au service de la liturgie
Invité- Invité
Jacques Berthier, la musique liturgique sous un nouveau jour
Cet organiste de formation, décédé il y a tout juste vingt ans, a créé l’essentiel des « chants de Taizé » et a largement contribué au répertoire des paroisses.
« Au cœur de ce monde, Que tes œuvres sont belles, Écoute la voix du Seigneur… » Ces quelques titres, parmi les 500 chants liturgiques composés par Jacques Berthier, suffisent à dire l’importance et l’influence de ce compositeur français dans l’Église depuis plusieurs décennies.
Fils de l’organiste et chef de chœur Paul Berthier, le fondateur des Petits Chanteurs à la croix de bois à Auxerre, il fut dès son plus jeune âge imprégné de musique ecclésiale. « Depuis ma chambre d’enfant, juste à côté de la salle de musique de mon père, je l’entendais jouer la nuit », évoquait-il avant d’expliquer qu’il avait commencé très tôt l’étude du piano, puis de l’orgue, de l’harmonie et de la composition. Il suivit ensuite une année de cours à l’école César-Franck, fondée à Paris et dirigée par Guy de Lioncourt.
Dès 1955, soit deux ans après avoir repris la charge d’organiste de son père à Auxerre, Jacques Berthier commence à composer pour la toute jeune communauté de Taizé. « À l’époque, il n’était pas question pour un catholique de participer au culte protestant et encore moins de composer de la musique pour leur liturgie », racontait-il encore, précisant qu’il avait demandé la permission à l’archevêque de Sens. Les frères de Taizé, qui n’étaient alors qu’une quinzaine, lui demandèrent d’abord d’écrire l’ordinaire de la messe, puis l’office de la nuit de Noël, le propre de l’Épiphane et les répons pour la semaine de Noël…
« DES MOTS CHEMIN DE CONTEMPLATION »
Puis, à partir de 1974 pour le « concile des jeunes », Frère Roger lui demande de créer des chants compréhensibles par des milliers de jeunes de toutes langues… Ainsi sont nés Ubi caritas,Nada te turbe, Bless the Lord my soul ou Dans nos obscurités… Autant de « tubes » internationaux que Berthier appelaient « ostinatos » et qui sont des phrases en latin de huit mesures reprises en canon, avec des solos superposés en différentes langues pour apporter diversité et nouveauté mélodiques. Le livret de Taizé répertorie ainsi 71 chants de Jacques Berthier.
< Lire aussi L’âme d’un poète, par Dominique Pierre
« Quelques mots repris et encore repris, comme à l’infini, ont été un chemin de contemplation pour de nombreux chrétiens au long des siècles ; quand ces mots sont chantés, peut-être pénètrent-ils davantage jusqu’aux profondeurs de l’être humain », écrivait Frère Roger en juin 2004 dans une lettre à l’une des trois filles des époux Berthier. « Jacques venait souvent ici travailler avec Frère Robert, le musicien de la communauté, mais aussi pour sentir la situation », se souvient Frère Alois, prieur de la communauté œcuménique, en soulignant sa « grande disponibilité pastorale et musicale ». À Taizé, Berthier rencontra aussi des musiciens japonais ou des pasteurs tchèques qui lui commandèrent ensuite des musiques…
« UN ACTEUR À PART ENTIÈRE DE LA LITURGIE »
Avant même le Concile et l’accès du français comme langue de culte, Jacques Berthier avait compris qu’il fallait renouveler le patrimoine musical. Mais à la différence d’autres compositeurs des années 1960-1970 qui rejetèrent brutalement le grégorien et l’ancienne liturgie, Jacques Berthier sut s’en inspirer. « Il n’était pas un homme de rupture et refusait d’entrer dans les querelles et les polémiques de l’époque », résume Daniel Hameline, spécialiste de sciences de l’éducation mais aussi parolier liturgique, arrangeur et compositeur.
En tant qu’organiste à l’église Saint-Ignace à Paris, Berthier put suivre également pendant une trentaine d’années les évolutions ecclésiales. « Il accompagnait vraiment la liturgie, il en était acteur à part entière », souligne Philippe Malidin, ingénieur du son qui a bien connu Jacques Berthier en tant que chef de chœur à Saint-Ignace de 1979 à 1985. Resté en relation avec lui jusqu’à sa mort, il aime rappeler son sens de l’humour : « Le jour de la mort de Georges Brassens, il avait fait un pot-pourri de son répertoire de manière modale. ».
Pendant toutes ces années, Jacques Berthier est sollicité pour divers grands rassemblements ecclésiaux. Ainsi, pour le congrès « Musique et célébration » de 1977, et à la demande du jésuite liturgiste Joseph Gelineau, il compose l’hymne Fais paraître ton jour. Il composera également La Cantate en forme de croix, commande de Jean-François Duchamp pour les Petits Chanteurs de Lyon, ainsi qu’une cantate pour la fête de sainte Cécile.
« QUE LA MUSIQUE SERVE HUMBLEMENT LE TEXTE »
En parallèle, Jacques Berthier est sollicité par diverses communautés monastiques pour écrire leur Livre d’Heures. C’est le cas des bénédictins d’En-Calcat (Tarn), de Landévennec (Finistère) ou de Maredsous (Belgique), mais aussi des cisterciennes d’Échourgnac (Dordogne), de Chambarand (Isère) et de Chaux-lès-Passavant (Doubs), ou encore des bénédictines du Sacré-Cœur de Montmartre qui chantent toujours ses hymnes, tropaires, antiennes et autres refrains de prières litaniques…
« Jacques admirait profondément la vie des moines et passait de longs séjours chez eux, tant pour son travail de composition que pour des retraites spirituelles », rappelait son épouse en 1996. De fait, le compositeur prenait le temps de s’immerger dans les monastères pour lesquels il écrivait, afin de comprendre leur spiritualité et d’évaluer les capacités musicales de la communauté. « Jacques tenait à ce que la musique chorale serve humblement le texte et demeure accessible à la sensibilité et aux capacités de tous », explique Sœur Marie-Pierre Faure, cistercienne de Chambarand ayant travaillé avec Jacques Berthier dans le cadre de la Commission francophone cistercienne (CFC).
Enfin, c’est aussi sur les pupitres des organistes que le nom de Jacques Berthier apparaît tous les dimanches ou presque. Car il a composé une centaine de pièces d’orgue qui forment, selon Sylvain Pluyaut, organiste et professeur au conservatoire de Dijon, « un corpus unique, original, incroyablement personnel et inattendu ». Un corpus que ce dernier jouera en concert ces prochains mois, pour marquer le vingtième anniversaire de la mort de Berthier qu’il estime de « même niveau que ceux de Gaston Litaize, Jean Langlais, Jean-Jacques Grünenwald et Jehan Alain », autres grands compositeurs organistes du XXe siècle.
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L’année Jacques Berthier
1923 : naissance à Auxerre (Yonne) dans une famille de musiciens ; il commence très tôt l’étude du piano, puis de l’orgue, de l’harmonie et de la composition.
1930 : accompagne, pour la première fois, la messe sur l’orgue de la cathédrale d’Auxerre.
1944-1945 : engagé dans l’armée puis dans la musique militaire.
1946 : école César-Franck de Paris ; épouse la fille de son professeur, Guy de Lioncourt.
1953 : succède à son père Paul Berthier comme titulaire des orgues de la cathédrale Saint-Étienne d’Auxerre.
1954 : commence à travailler pour le P. Joseph Gelineau.
1955 : commence à composer pour la communauté œcuménique de Taizé.
1960 : arrive à Paris pour travailler au secteur disque des Éditions Fleurus.
1961 : organiste de Saint-Ignace-de-Loyola, église des jésuites à Paris.
1976 : contribue à l’écriture du Livre d’Heures de l’abbaye d’En-Calcat.
1986 : écrit la messe pour la venue du pape Jean-Paul II à Lyon, en collaboration avec Didier Rimaud.
1994 : meurt le 27 juin.
2006 : le prix de musique sacrée Jubilate Deo Award lui est décerné à titre posthume.
Discographie
Jacques Berthier anthologie, coffret 6 CD, ADF Bayard Musique, 49 €.
CLAIRE LESEGRETAIN
La Croix
Cet organiste de formation, décédé il y a tout juste vingt ans, a créé l’essentiel des « chants de Taizé » et a largement contribué au répertoire des paroisses.
« Au cœur de ce monde, Que tes œuvres sont belles, Écoute la voix du Seigneur… » Ces quelques titres, parmi les 500 chants liturgiques composés par Jacques Berthier, suffisent à dire l’importance et l’influence de ce compositeur français dans l’Église depuis plusieurs décennies.
Fils de l’organiste et chef de chœur Paul Berthier, le fondateur des Petits Chanteurs à la croix de bois à Auxerre, il fut dès son plus jeune âge imprégné de musique ecclésiale. « Depuis ma chambre d’enfant, juste à côté de la salle de musique de mon père, je l’entendais jouer la nuit », évoquait-il avant d’expliquer qu’il avait commencé très tôt l’étude du piano, puis de l’orgue, de l’harmonie et de la composition. Il suivit ensuite une année de cours à l’école César-Franck, fondée à Paris et dirigée par Guy de Lioncourt.
Dès 1955, soit deux ans après avoir repris la charge d’organiste de son père à Auxerre, Jacques Berthier commence à composer pour la toute jeune communauté de Taizé. « À l’époque, il n’était pas question pour un catholique de participer au culte protestant et encore moins de composer de la musique pour leur liturgie », racontait-il encore, précisant qu’il avait demandé la permission à l’archevêque de Sens. Les frères de Taizé, qui n’étaient alors qu’une quinzaine, lui demandèrent d’abord d’écrire l’ordinaire de la messe, puis l’office de la nuit de Noël, le propre de l’Épiphane et les répons pour la semaine de Noël…
« DES MOTS CHEMIN DE CONTEMPLATION »
Puis, à partir de 1974 pour le « concile des jeunes », Frère Roger lui demande de créer des chants compréhensibles par des milliers de jeunes de toutes langues… Ainsi sont nés Ubi caritas,Nada te turbe, Bless the Lord my soul ou Dans nos obscurités… Autant de « tubes » internationaux que Berthier appelaient « ostinatos » et qui sont des phrases en latin de huit mesures reprises en canon, avec des solos superposés en différentes langues pour apporter diversité et nouveauté mélodiques. Le livret de Taizé répertorie ainsi 71 chants de Jacques Berthier.
< Lire aussi L’âme d’un poète, par Dominique Pierre
« Quelques mots repris et encore repris, comme à l’infini, ont été un chemin de contemplation pour de nombreux chrétiens au long des siècles ; quand ces mots sont chantés, peut-être pénètrent-ils davantage jusqu’aux profondeurs de l’être humain », écrivait Frère Roger en juin 2004 dans une lettre à l’une des trois filles des époux Berthier. « Jacques venait souvent ici travailler avec Frère Robert, le musicien de la communauté, mais aussi pour sentir la situation », se souvient Frère Alois, prieur de la communauté œcuménique, en soulignant sa « grande disponibilité pastorale et musicale ». À Taizé, Berthier rencontra aussi des musiciens japonais ou des pasteurs tchèques qui lui commandèrent ensuite des musiques…
« UN ACTEUR À PART ENTIÈRE DE LA LITURGIE »
Avant même le Concile et l’accès du français comme langue de culte, Jacques Berthier avait compris qu’il fallait renouveler le patrimoine musical. Mais à la différence d’autres compositeurs des années 1960-1970 qui rejetèrent brutalement le grégorien et l’ancienne liturgie, Jacques Berthier sut s’en inspirer. « Il n’était pas un homme de rupture et refusait d’entrer dans les querelles et les polémiques de l’époque », résume Daniel Hameline, spécialiste de sciences de l’éducation mais aussi parolier liturgique, arrangeur et compositeur.
En tant qu’organiste à l’église Saint-Ignace à Paris, Berthier put suivre également pendant une trentaine d’années les évolutions ecclésiales. « Il accompagnait vraiment la liturgie, il en était acteur à part entière », souligne Philippe Malidin, ingénieur du son qui a bien connu Jacques Berthier en tant que chef de chœur à Saint-Ignace de 1979 à 1985. Resté en relation avec lui jusqu’à sa mort, il aime rappeler son sens de l’humour : « Le jour de la mort de Georges Brassens, il avait fait un pot-pourri de son répertoire de manière modale. ».
Pendant toutes ces années, Jacques Berthier est sollicité pour divers grands rassemblements ecclésiaux. Ainsi, pour le congrès « Musique et célébration » de 1977, et à la demande du jésuite liturgiste Joseph Gelineau, il compose l’hymne Fais paraître ton jour. Il composera également La Cantate en forme de croix, commande de Jean-François Duchamp pour les Petits Chanteurs de Lyon, ainsi qu’une cantate pour la fête de sainte Cécile.
« QUE LA MUSIQUE SERVE HUMBLEMENT LE TEXTE »
En parallèle, Jacques Berthier est sollicité par diverses communautés monastiques pour écrire leur Livre d’Heures. C’est le cas des bénédictins d’En-Calcat (Tarn), de Landévennec (Finistère) ou de Maredsous (Belgique), mais aussi des cisterciennes d’Échourgnac (Dordogne), de Chambarand (Isère) et de Chaux-lès-Passavant (Doubs), ou encore des bénédictines du Sacré-Cœur de Montmartre qui chantent toujours ses hymnes, tropaires, antiennes et autres refrains de prières litaniques…
« Jacques admirait profondément la vie des moines et passait de longs séjours chez eux, tant pour son travail de composition que pour des retraites spirituelles », rappelait son épouse en 1996. De fait, le compositeur prenait le temps de s’immerger dans les monastères pour lesquels il écrivait, afin de comprendre leur spiritualité et d’évaluer les capacités musicales de la communauté. « Jacques tenait à ce que la musique chorale serve humblement le texte et demeure accessible à la sensibilité et aux capacités de tous », explique Sœur Marie-Pierre Faure, cistercienne de Chambarand ayant travaillé avec Jacques Berthier dans le cadre de la Commission francophone cistercienne (CFC).
Enfin, c’est aussi sur les pupitres des organistes que le nom de Jacques Berthier apparaît tous les dimanches ou presque. Car il a composé une centaine de pièces d’orgue qui forment, selon Sylvain Pluyaut, organiste et professeur au conservatoire de Dijon, « un corpus unique, original, incroyablement personnel et inattendu ». Un corpus que ce dernier jouera en concert ces prochains mois, pour marquer le vingtième anniversaire de la mort de Berthier qu’il estime de « même niveau que ceux de Gaston Litaize, Jean Langlais, Jean-Jacques Grünenwald et Jehan Alain », autres grands compositeurs organistes du XXe siècle.
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L’année Jacques Berthier
1923 : naissance à Auxerre (Yonne) dans une famille de musiciens ; il commence très tôt l’étude du piano, puis de l’orgue, de l’harmonie et de la composition.
1930 : accompagne, pour la première fois, la messe sur l’orgue de la cathédrale d’Auxerre.
1944-1945 : engagé dans l’armée puis dans la musique militaire.
1946 : école César-Franck de Paris ; épouse la fille de son professeur, Guy de Lioncourt.
1953 : succède à son père Paul Berthier comme titulaire des orgues de la cathédrale Saint-Étienne d’Auxerre.
1954 : commence à travailler pour le P. Joseph Gelineau.
1955 : commence à composer pour la communauté œcuménique de Taizé.
1960 : arrive à Paris pour travailler au secteur disque des Éditions Fleurus.
1961 : organiste de Saint-Ignace-de-Loyola, église des jésuites à Paris.
1976 : contribue à l’écriture du Livre d’Heures de l’abbaye d’En-Calcat.
1986 : écrit la messe pour la venue du pape Jean-Paul II à Lyon, en collaboration avec Didier Rimaud.
1994 : meurt le 27 juin.
2006 : le prix de musique sacrée Jubilate Deo Award lui est décerné à titre posthume.
Discographie
Jacques Berthier anthologie, coffret 6 CD, ADF Bayard Musique, 49 €.
CLAIRE LESEGRETAIN
La Croix
Claire- Admin
- Messages : 13597
Date d'inscription : 19/07/2009
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Localisation : NORD
Quelle belle oeuvre pour le Seigneur !
Tous ses chants sont magnifiques !
Qu'il soit béni dans les cieux !
Tous ses chants sont magnifiques !
Qu'il soit béni dans les cieux !