Portrait de Mgr Léonard
Le site catholique conservateur <First Things> voit en lui un exemple de leader catholique capable de ranimer la foi en Occident, et déplore qu'il ait manqué la barrette cardinalice au dernier consistoire (5/11/2014)
EN BELGIQUE, DEUX TYPES D’ÉVÊQUES
Filip Mazurczac
www.firstthings.com
30 octobre 2014
Traduction de Anna
-------
La reprise du catholicisme dans ses régions traditionnelles a été pendant au moins un demi-siècle une priorité pastorale de l'Eglise. De ce point de vue, la Belgique représente un cas de figure révélateur. Pendant des décennies elle était connue pour son dynamisme théologique pendant que les paroisses et les séminaires se vidaient à une allure vertigineuse.
En revanche, durant la primatie de l'Archevêque André-Joseph Léonard depuis 2010, les vocations sacerdotales y ont bondi et l'Eglise est sortie des catacombes; il a résolument rompu avec l'histoire récente de l'Eglise en son pays. On se demande à présent: est-ce que son style de leadership n'est pas le remède contre la déchristianisation de l'Occident?
Jadis une des nations catholiques les plus ardentes du monde, la Belgique gagna son indépendance des Hollandais en 1830, avec la langue française et le Catholicisme comme indicateurs principaux de son identité nationale. Pendant longtemps la Belgique a été parmi les sociétés les plus catholiques du monde, produisant des figures comme Saint Damien de Molokai, le prêtre missionnaire qui mourut en soignant les lépreux, et le Père Georges Lemaître, le prêtre et physicien qui inventa la théorie du Big Bang.
Cet héritage catholique s'éroda après la Deuxième Guerre Mondiale; le bien-être grandissant faisait concurrence à la foi. Pendant ce temps, comme dans la plus grande partie de l'Europe Occidentale, le clergé belge interpréta mal Vatican II, suggérant de manière incorrecte que l'aggiornamento du Saint Pape Jean XXIII signifiait que les notions traditionnelles de moralité étaient mutables. Cela conduisit au chaos, à la confusion, à l'erreur doctrinale. Par exemple, après que le Pape Paul VI eût défendu l'enseignement de l'Eglise sur la sexualité dans Humane Vitae (1968), les évêques belges affirmèrent que la conscience personnelle pouvait conduire à des conclusions opposées. Dans le même temps, des pratiques traditionnelles comme les processions eucharistiques et le rosaire furent abandonnées comme des reliques du passé.
Le Cardinal Godfried Danneels, primat de Belgique (1979-2010), aggrava le déclin. Il mit publiquement en discussion l'enseignement de l'Eglise au sujet de l'ordination des femmes, de l'homosexualité et de la contraception. Pendant le conclave de 2005, Danneels était le premier des papabili que les catholiques "progressistes" rêvaient de voir vêtu de blanc au balcon de la Basilique de Saint Pierre. Toutefois, deux ans plus tard, sa réputation se dégrada lorsqu'il fut révélé qu'il était au courant des abus sexuels perpétrés sur des enfants par des prêtres de son diocèse, et qu'il n'avait rien fait.
Pendant cette période, la fréquentation à la messe en Belgique tomba à entre 5 et 10 pour cent. La Belgique fut parmi les premières nations à légaliser l'avortement sur demande, l'euthanasie et les mariages homosexuels, avec une faible opposition catholique. La pénurie de prêtres devint endémique. L'Université Catholique de Louvain, jadis capitale mondiale de l'enseignement catholique, fait ressembler aujourd'hui Georgetown à Ave Maria (deux universités américaines, sans doute aux deux extrémités de l'échiquiier catholique?).
Lorsqu'en 2010 l'Archevêque André-Joseph Léonard succéda à Danneels comme primat de Belgique, il apporta des changements immédiats. Depuis 1960, l'Eglise belge n'avait plus été aussi bruyante. Quand récemment la Belgique a légalisé l'euthanasie des enfants, l'archevêque implora ses fidèles de prier et jeûner contre la mesure. Le 6 février, jour où le Parlement belge devait voter la mesure, Léonard organisa des veillées de prière dans chaque ville du pays, dans l'espoir que la vue de milliers de gens priant contre cette mascarade toucherait les consciences des députés.
Léonard ressuscita aussi la piété catholique traditionnelle, introduisant très vite la première procession Eucharistique à l'occasion du Corpus Christi à Liège depuis 1970. Il célèbre régulièrement la Messe latine, l'offrant comme un remède aux abus liturgiques de l'histoire récente.
Il a érigé la Fraternité des Saint Apôtres, composée de trois prêtres et de sept séminaristes dont la philosophie est fondée sur la spiritualité du Père Michel-Marie Zanotti-Sorkine, une lumière française de la nouvelle évangélisation. Ils portent la soutane (une vue rare dans l'église belge de l'après-Concile) et parlent aux Belges de Dieu. Le mois dernier la Fraternité a sauvé de la dé-consécration la paroisse de Sainte Catherine au centre de Bruxelles, destinée à devenir un marché aux poissons; elle est à présent le siège d'un des groupes d'évangélisateurs les plus dynamiques de l'Europe d'aujourd'hui.
Beaucoup restent froids vis-à-vis de Léonard.
Quand il devint primat du pays, le ministre de la santé de Belgique souligna la différence entre lui et l' «ouvert » et «tolérant » Danneels, affirmant que cette élection représentait une menace pour la séparation entre l'Eglise et l'Etat (paradoxalement, le fait qu'un fonctionnaire du gouvernement veuille imposer le genre d'évêque à élire a des relents de joséphinisme). Des activistes homosexuels ont entarté Mgr Léonard pendant une conférence en 2011 et, l'an dernier, alors qu'il donnait une conférence contre l'avortement à l'Université de Bruxelles, des femen l'ont aspergé d'eau; Léonard se mit à prier et bénit ses attaquantes (voir ici).
Malgré ces attaques, le catholicisme belge a commencé à donner des signes de croissance pour la première fois depuis plusieurs décennies. Les chiffres parlent d'eux-mêmes: dans l'année académique 2012-2013 le nombre de séminaristes a augmenté de 67 à 89. Quand Léonard était évêque de Namur, le nombre des vocations avait bourgeonné là aussi.
Il est regrettable que le Pape François n'ait pas fait cardinal l'Archevêque Léonard au consistoire de cette année. Vu l'état de délabrement dans lequel est tombé le catholicisme belge, Bruxelles ne doit pas être un siège cardinalice automatique, mais le spectaculaire redressement accompli par Léonard aurait dû lui mériter la barrette rouge. Il n'est qu’à un an à peine de l'âge de la retraite pour les évêques, il n'y aura donc plus beaucoup d'autres occasions de le faire cardinal (électeur).
Malheureusement François a préféré le Cardinal Danneels, le nommant Père synodal au Synode Extraordinaire pour la Famille, un choix curieux puisqu' à 81 ans Danneels a non seulement dépassé l'âge de la retraite des évêques, mais ne peut plus participer aux conclaves (Léonard a participé au synode juste parce qu' il est chef de la conférence des évêques belges; ses homologues de tous les autres pays du monde ont fait ainsi automatiquement).
Malgré cette omission, André-Joseph Léonard mérite toutefois d'être étudié sérieusement par les leaders catholiques qui s'interrogent sur les moyens de rallumer la foi en Occident.
Le site catholique conservateur <First Things> voit en lui un exemple de leader catholique capable de ranimer la foi en Occident, et déplore qu'il ait manqué la barrette cardinalice au dernier consistoire (5/11/2014)
EN BELGIQUE, DEUX TYPES D’ÉVÊQUES
Filip Mazurczac
www.firstthings.com
30 octobre 2014
Traduction de Anna
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La reprise du catholicisme dans ses régions traditionnelles a été pendant au moins un demi-siècle une priorité pastorale de l'Eglise. De ce point de vue, la Belgique représente un cas de figure révélateur. Pendant des décennies elle était connue pour son dynamisme théologique pendant que les paroisses et les séminaires se vidaient à une allure vertigineuse.
En revanche, durant la primatie de l'Archevêque André-Joseph Léonard depuis 2010, les vocations sacerdotales y ont bondi et l'Eglise est sortie des catacombes; il a résolument rompu avec l'histoire récente de l'Eglise en son pays. On se demande à présent: est-ce que son style de leadership n'est pas le remède contre la déchristianisation de l'Occident?
Jadis une des nations catholiques les plus ardentes du monde, la Belgique gagna son indépendance des Hollandais en 1830, avec la langue française et le Catholicisme comme indicateurs principaux de son identité nationale. Pendant longtemps la Belgique a été parmi les sociétés les plus catholiques du monde, produisant des figures comme Saint Damien de Molokai, le prêtre missionnaire qui mourut en soignant les lépreux, et le Père Georges Lemaître, le prêtre et physicien qui inventa la théorie du Big Bang.
Cet héritage catholique s'éroda après la Deuxième Guerre Mondiale; le bien-être grandissant faisait concurrence à la foi. Pendant ce temps, comme dans la plus grande partie de l'Europe Occidentale, le clergé belge interpréta mal Vatican II, suggérant de manière incorrecte que l'aggiornamento du Saint Pape Jean XXIII signifiait que les notions traditionnelles de moralité étaient mutables. Cela conduisit au chaos, à la confusion, à l'erreur doctrinale. Par exemple, après que le Pape Paul VI eût défendu l'enseignement de l'Eglise sur la sexualité dans Humane Vitae (1968), les évêques belges affirmèrent que la conscience personnelle pouvait conduire à des conclusions opposées. Dans le même temps, des pratiques traditionnelles comme les processions eucharistiques et le rosaire furent abandonnées comme des reliques du passé.
Le Cardinal Godfried Danneels, primat de Belgique (1979-2010), aggrava le déclin. Il mit publiquement en discussion l'enseignement de l'Eglise au sujet de l'ordination des femmes, de l'homosexualité et de la contraception. Pendant le conclave de 2005, Danneels était le premier des papabili que les catholiques "progressistes" rêvaient de voir vêtu de blanc au balcon de la Basilique de Saint Pierre. Toutefois, deux ans plus tard, sa réputation se dégrada lorsqu'il fut révélé qu'il était au courant des abus sexuels perpétrés sur des enfants par des prêtres de son diocèse, et qu'il n'avait rien fait.
Pendant cette période, la fréquentation à la messe en Belgique tomba à entre 5 et 10 pour cent. La Belgique fut parmi les premières nations à légaliser l'avortement sur demande, l'euthanasie et les mariages homosexuels, avec une faible opposition catholique. La pénurie de prêtres devint endémique. L'Université Catholique de Louvain, jadis capitale mondiale de l'enseignement catholique, fait ressembler aujourd'hui Georgetown à Ave Maria (deux universités américaines, sans doute aux deux extrémités de l'échiquiier catholique?).
Lorsqu'en 2010 l'Archevêque André-Joseph Léonard succéda à Danneels comme primat de Belgique, il apporta des changements immédiats. Depuis 1960, l'Eglise belge n'avait plus été aussi bruyante. Quand récemment la Belgique a légalisé l'euthanasie des enfants, l'archevêque implora ses fidèles de prier et jeûner contre la mesure. Le 6 février, jour où le Parlement belge devait voter la mesure, Léonard organisa des veillées de prière dans chaque ville du pays, dans l'espoir que la vue de milliers de gens priant contre cette mascarade toucherait les consciences des députés.
Léonard ressuscita aussi la piété catholique traditionnelle, introduisant très vite la première procession Eucharistique à l'occasion du Corpus Christi à Liège depuis 1970. Il célèbre régulièrement la Messe latine, l'offrant comme un remède aux abus liturgiques de l'histoire récente.
Il a érigé la Fraternité des Saint Apôtres, composée de trois prêtres et de sept séminaristes dont la philosophie est fondée sur la spiritualité du Père Michel-Marie Zanotti-Sorkine, une lumière française de la nouvelle évangélisation. Ils portent la soutane (une vue rare dans l'église belge de l'après-Concile) et parlent aux Belges de Dieu. Le mois dernier la Fraternité a sauvé de la dé-consécration la paroisse de Sainte Catherine au centre de Bruxelles, destinée à devenir un marché aux poissons; elle est à présent le siège d'un des groupes d'évangélisateurs les plus dynamiques de l'Europe d'aujourd'hui.
Beaucoup restent froids vis-à-vis de Léonard.
Quand il devint primat du pays, le ministre de la santé de Belgique souligna la différence entre lui et l' «ouvert » et «tolérant » Danneels, affirmant que cette élection représentait une menace pour la séparation entre l'Eglise et l'Etat (paradoxalement, le fait qu'un fonctionnaire du gouvernement veuille imposer le genre d'évêque à élire a des relents de joséphinisme). Des activistes homosexuels ont entarté Mgr Léonard pendant une conférence en 2011 et, l'an dernier, alors qu'il donnait une conférence contre l'avortement à l'Université de Bruxelles, des femen l'ont aspergé d'eau; Léonard se mit à prier et bénit ses attaquantes (voir ici).
Malgré ces attaques, le catholicisme belge a commencé à donner des signes de croissance pour la première fois depuis plusieurs décennies. Les chiffres parlent d'eux-mêmes: dans l'année académique 2012-2013 le nombre de séminaristes a augmenté de 67 à 89. Quand Léonard était évêque de Namur, le nombre des vocations avait bourgeonné là aussi.
Il est regrettable que le Pape François n'ait pas fait cardinal l'Archevêque Léonard au consistoire de cette année. Vu l'état de délabrement dans lequel est tombé le catholicisme belge, Bruxelles ne doit pas être un siège cardinalice automatique, mais le spectaculaire redressement accompli par Léonard aurait dû lui mériter la barrette rouge. Il n'est qu’à un an à peine de l'âge de la retraite pour les évêques, il n'y aura donc plus beaucoup d'autres occasions de le faire cardinal (électeur).
Malheureusement François a préféré le Cardinal Danneels, le nommant Père synodal au Synode Extraordinaire pour la Famille, un choix curieux puisqu' à 81 ans Danneels a non seulement dépassé l'âge de la retraite des évêques, mais ne peut plus participer aux conclaves (Léonard a participé au synode juste parce qu' il est chef de la conférence des évêques belges; ses homologues de tous les autres pays du monde ont fait ainsi automatiquement).
Malgré cette omission, André-Joseph Léonard mérite toutefois d'être étudié sérieusement par les leaders catholiques qui s'interrogent sur les moyens de rallumer la foi en Occident.