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SYLVAIN DORIENT (241)
18.12.2014
La rue au quotidien diffuse les témoignages des SDF recueillis dans un atelier d’écriture. Une fenêtre sur leur monde, devant nos portes.
SYLVAIN DORIENT (241)
18.12.2014
© Public Domain
« Nous sommes des gens bien. Pas pires, pas mieux que vous qui êtes en train de me lire... », annonce d'emblée Véronique, qui s’est retrouvée à la rue il y a quatre mois après un drame ; elle a en effet perdu son fils, puis son travail. La série de témoignages à découvrir sur La Rue au quotidien nous met le nez dans la misère concrète, vécue, au cœur de nos sociétés d’abondance.
La rue fait irruption dans la vie de ces auteurs d'un nouveau genre souvent à l’improviste, comme pour Véronique ou l’un de ses compagnons d’infortune, Paco, qui a perdu sa femme et son fils dans un accident de voiture. Les sans-abri qui témoignent voudraient que le regard porté sur eux change. « Il ne faut pas rentrer dans les clichés, explique Véronique. Nous avons notre dignité, nous nous lavons, nous cherchons du travail [...]. Je n’ai plus rien. Mais, ne me jugez pas. Ma vie a été très compliquée. J’ai bossé 30 ans dans les hôpitaux. Et je me suis retrouvée seule et sans emploi. »
La lecture de leurs aventures qui sont pour eux une routine est hypnotisante. C’est un mode de vie au jour le jour, où les quelques sous gagnés, l’état d’un sac à dos ou les petits soucis de santé prennent immédiatement des proportions extraordinaires. Un dessinateur sans domicile raconte par exemple dans son journal intitulé « Routine » : « 19 h, c’est calme et je pense que je vais dormir dans le grenier du bâtiment de Juju, juste pour la nuit. Ça devrait le faire, mon petit squat pour la nuit. Il me reste 5 euros pour demain, impec ! ». La météo revêt également une importance toute particulière pour ceux qui vivent dehors : « Il se remet à pleuvoir, heureusement j’ai trouvé un emplacement couvert, mais je doute que ça marche. Comme on dit chez nous, parapluie ouvert, porte-monnaie fermé ».
Les destins révélés à longueur de pages dressent un panorama sombre, où l’humour et l’optimisme déboulent au détour d’une phrase : « Sur les coups de 22 h, je suis sorti me coucher (et oui moi je ne rentre pas me coucher !) », plaisante Christophe. « Une charmante jeune femme m’offre un sandwich et une boisson. C’est mon jour, bien que finalement, je n’ai jamais eu à me plaindre ! » Le même explique qu’il a ses jours fériés : « Aujourd’hui, c’est repos, je ne fais pas la manche ».
Ils parlent du froid et de la faim, mais passent plus de temps à décrire l’indifférence des passants, la peine qu’ils éprouvent quand ils reçoivent regards et attitudes méprisantes. Les femmes sont plus rares que les hommes dans la rue, mais leur vie est bien plus dure selon ces témoignages. Dans leurs écrits, la peur de l’agression est omniprésente. Luca, qui vit depuis 19 ans dans la rue, s’indigne de voir une compagne d’infortune : « Bordel, moi qui y vis depuis 20 ans, je sais que la rue, c’est pas pour les femmes. Ça c’est injuste, ça ce n’est pas normal ».