LE CONTRAT FRANCO-EGYPTIEN ET LES COMMENTAIRES AFFLIGEANTS (Gratuit)
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Le 16 février 2015, un important contrat d’achat de 24 Rafale, d’une frégate multimission FREMM et de missiles MBDA a été signé au Caire entre la France et l’Egypte.
Que certains politiciens ou membres de l’intelligentsia, de droite comme de gauche complètement déconnectés des réalités de ce monde et encore plus de celles du monde arabe, poussent des cris d’orfraie suite à cette signature, n’étonne guère.
Al-Sissi, un partenaire crédible
Mais en revanche, il est bien plus consternant de lire les premiers commentaires de certains grands universitaires français, pourtant considérés comme les «papes» des orientalistes et les «meilleurs spécialistes» de la région. En effet, ces derniers ne voient dans cet acte commercial qu’un moyen d’armer, «pour protéger son trône», le «plus grand massacreur égyptien de l’histoire contemporaine», rien de moins…
Rappelons juste que ces moralistes et ces donneurs de leçon étaient les mêmes qui voulaient et qui veulent encore, que la France fournissent (gratuitement) des armes (notamment des systèmes anti-aériens et hautement sophistiqués) aux rebelles syriens qui se sont pourtant illustrés depuis (même dans les rangs des soi-disant «démocrates») par les pires atrocités sur des civils en Syrie et en Irak !
En attendant et en s’efforçant de rester sérieux, nous pouvons affirmer qu’au-delà de la bonne affaire française effectuée avec l’Egypte (le contrat est estimé à plus de 5 milliards d’euros), cette vente est peut-être dans le domaine de l’armement, la «vente la plus intelligente» faite par Paris depuis bien longtemps…
Pourquoi ? D’abord du point de vue égyptien, avec ce contrat le président Sissi se dotent (grâce en partie à l’argent saoudien) d’un armement cher mais très performant. Non pas pour simplement «protéger son trône» et «bombarder son peuple», mais surtout pour empêcher son pays, mais aussi indirectement la région, de plonger dans le chaos.
C’est d’ailleurs aussi pour Sissi, le moyen de donner un message fort dans une région déjà en totale ébullition. Car l’Egypte est déjà confrontée aux Frères musulmans sur son territoire et aux milices islamistes dans le Sinaï. Mais dans un avenir proche, il est quasi certain que les futurs Rafale acquis pas l’Egypte (qui ont démontré leur efficacité dans les cieux libyen, malien et irakien) entreront sans doute un jour en action dans l’Est de la Libye.
De plus, en négociant et en signant ce contrat avec la France en un temps record (moins de trois mois), Al-Sissi démontre qu’il est un partenaire de parole et sérieux. Notons d’ailleurs que d’autres «amis» de la France, notamment l’Arabie saoudite et le Qatar, pour ne pas les nommer, ont moins de scrupule à faire trainer, parfois durant plusieurs années, certaines signatures de contrat…
Enfin, l’achat des Rafale par l’Egypte fait aussi partie de la stratégie de Al-Sissi consistant à tisser des alliances internationales solides et sûres comme le prouve l’étroit partenariat reconstruit avec la Russie depuis 2013 et concrétisé par la visite officielle de Poutine au Caire le 10 février 2015.
Avec la France, que Al-Sissi considère comme le pays occidental à la pointe de la lutte contre le terrorisme (surtout depuis les attentats de janvier), le président égyptien veut consolider les relations franco-égyptiennes dans les domaines notamment militaire et du renseignement (c’est aussi l’intérêt de la France), mais il espère aussi, à l’avenir, ouvrir d’autres portes dans la coopération civile et économique avec Paris dans l’intérêt des deux pays.
En finir avec les «délires démocratiques»
Ainsi, la France fait bien de se rapprocher du leader égyptien. Car, même si sa manière de gouverner reste parfois brutale, Al-Sissi est à ce jour le seul homme d’Etat de cette partie du monde ayant apparemment une sincère volonté de rétablir la stabilité dans son pays (comme le croit et l’espère encore la grande majorité des Egyptiens) mais aussi dans toute la région comme nous l’avons vu cet été lors de la dernière guerre de Gaza ou encore au travers du programme contenu dans son discours historique du 28 décembre 2014 à l’université d’Al-Azhar appelant à une «révolution religieuse» dans l’islam.
Alors oui, Al-Sissi est peut-être un nouveau dictateur. Mais quelle est l’alternative ? Il n’y en a pas ! Il faut que les occidentaux arrêtent avec les «délires démocratiques» et les «espoirs printaniers» déconnectés de la réalité de la région et de son histoire. L’Egypte n’est pas la France ou l’Europe et les chaos libyen, syrien et irakien ne semblent malheureusement pas avoir servi de leçon aux chantres de la liberté démocratique…
S’il ne finit pas comme Sadate (assassiné en octobre 1981 par des militaires issus des Frères musulmans), le président égyptien peut devenir une des principales clés pour un avenir meilleur dans une région dont le passé et le présent ont été, et sont, depuis trop longtemps, dramatiques.
P. A. Ezzart