À propos de la vague de réfugiés en Europe… par le Père Henri Boulad
PUBLIÉ PAR PÈRE HENRI BOULAD LE 24 JANVIER 2016
Quand vous mettez le pied sur une fourmilière, ne soyez pas surpris de voir les fourmis vous envahir
C’est mathématique, comme deux et deux font quatre. Il est étrange de voir qu’une Europe toute pétrie de culture et de rationalité se trouver tout à coup désemparée face au raz-de-marée de réfugiés qui déferle sur son territoire. C’était pourtant prévisible, aussi logique que le principe des vases communicants. On pense toujours que le danger est fictif, éloigné et qu’un pareil scénario est impensable. Mais voilà qu’on est tout à coup rattrapé par la réalité, qui vous frappe de plein fouet.
Que diable êtes-vous venus faire dans notre Moyen-Orient, demandent ces réfugiés ? Quelle mouche vous a piquée ? – L’appât du gain et de territoires à conquérir ? L’odeur du pétrole et du gaz naturel ? Vous pensiez qu’il suffisait de renverser un ou deux dictateurs pour que ces pays tombent dans votre escarcelle. Mais les choses sont bien plus compliquées.
Cessez donc de lorgner vers nos pays pour convoiter leurs richesses. Cessez d’intervenir dans nos affaires et de faire main basse sur nos ressources.
Un journaliste occidental demandait un jour à Bachar el-Assad : « Que pouvons-nous faire pour vous aider ? » Sa réponse fut : « Fichez nous la paix, rentrez chez vous et laissez-nous régler nos problèmes entre nous. »
Ces masses qui déferlent aujourd’hui sur votre continent étaient très bien chez elles. Elles vivaient relativement heureuses dans leur maison, leur village, leur ville… avec un confort relatif et une sécurité garantie par des régimes musclés. Appelez-les des dictatures si vous voulez. Mais vos régimes « démocratiques » sont-ils pour autant meilleurs ?
Pour renverser ces dictatures vous avez formé et financé des hordes de barbares. Pour les motiver, vous avez encouragé les idéologies les plus rétrogrades en habillant cette mascarade de grands mots : liberté, démocratie, droits de l’homme… L’hypocrisie et la duplicité ont rarement atteint un tel degré d’effronterie.
Cependant, par un retour de flamme et un effet boomerang, le chaos que vous avez créé chez nous se retourne aujourd’hui contre vous. Tôt ou tard, la justice finit par l’emporter. On parlait autrefois de « justice immanente ». Eh bien oui, il faut y croire : justice sera, justice se fera. Jésus nous a prévenu : « Celui qui use du glaive périra par le glaive ». Cela peut prendre du temps, mais ça finit un jour par arriver.
Quand on vous parlait du Tiers-monde, de sa misère, de ses guerres, de ses famines, c’était pour vous abstrait, lointain, irréel. Vous regardiez cela à la télévision d’un œil distrait et indifférent pour passer aussitôt au match de foot ou au défilé de mode.
A présent, ces populations sont sur vos routes, elles défilent sous vos fenêtres, en attendant d’envahir vos maisons. Vous les entendez taper, hurler, gronder, réclamer, revendiquer. La chose ne se passe plus à des dizaines de milliers de kilomètres par écrans interposés, mais à vos portes, sous votre nez. Vous comprenez tout à coup que ce qui était lointain et hypothétique est devenu une dure et brutale réalité.
Chaque pays a le droit et le devoir de sauver son identité, sa culture, ses valeurs, ses principes, son héritage
Accueillir ces gens dans vos foyers, comme vous y invite le Pape François, n’est qu’un palliatif, une solution provisoire, irréaliste. On ne peut, au nom de grands principes humanitaires, ouvrir ses portes pour accueillir toute la misère du monde. Cependant, entre une ouverture tous azimuts et une fermeture systématique, il y a un juste milieu à trouver, un « seuil de tolérance » à respecter, des limites à ne pas franchir, sous peine de se voir engloutir, submergé. Chaque pays a le droit et le devoir de sauver son identité, sa culture, ses valeurs, ses principes, son héritage.
Il faut donc que l’occident mette au point une juste politique d’accueil et d’intégration. Toute personne ou groupe qui refuse de s’adapter aux normes du pays qui l’accueille devrait être immédiatement exclu. « Tu es le très bienvenu chez nous, mais si tu ne veux pas t’adapter, eh bien, rentre chez toi par le premier avion. »
Ce juste milieu est possible, à condition que chaque pays fixe des lois claires d’intégration et les applique de façon stricte, sans céder à l’intimidation, aux pressions et au « politiquement correct ».
Mais au-delà d’une sage politique d’accueil, il faut chercher plus profond la racine du mal. Celle-ci gît dans l’effrayant déséquilibre qui existe entre une poignée de nantis et le reste du monde, entre pays riches et pays pauvres. Pour tenter d’y remédier, des milliers d’associations d’aide humanitaire et de promotion au développement sont nées. Tout cela n’est encore qu’un palliatif. Ce qu’il faut, c’est une réforme radicale au niveau planétaire. Le monde est à repenser à neuf, sur la base de principes et de valeurs, et non d’intérêts et de profits.
Il faut que ces millions de déracinés se trouvent heureux chez eux, car ils ne le seront pas ailleurs, malgré tous les avantages matériels qu’ils pourraient y trouver. Cet occident qui miroite à leurs yeux n’est finalement qu’un mirage. Transplantés dans une autre culture et une autre mentalité, les réfugiés se trouvent perdus et malheureux. On ne sort pas impunément un poisson de son eau.
Nous sommes dans un monde UN et solidaire. Le bonheur de chacun dépend de celui de tous. D’où l’urgence de mettre en œuvre ce « principe de responsabilité » prôné par Hans Jonas. La mondialisation en cours suppose une nouvelle approche des problèmes. Comme le disait Teilhard de Chardin il y a près de cent ans : « L’âge des nations est passé. Il s’agit pour nous, si nous ne voulons pas périr, de secouer les anciens préjugés, et de construire la Terre.” Au lendemain de la deuxième guerre mondiale, Einstein formulait une idée similaire : « Une nouvelle manière de penser est nécessaire si nous voulons survivre. »
Aujourd’hui, l’urgence des urgences c’est un véritable sursaut, un supplément d’âme, un réarmement moral. Changer les politiques ou les dirigeants ne résout rien. Ce qu’il faut, c’est un réveil de la conscience, une conversion du coeur, une volonté farouche de s’attaquer aux racines du mal qui sont au fond de chacun de nous. Tel devrait être le rôle des religions, à condition que celles-ci ne se dégradent pas en idéologies et ne deviennent pas des vecteurs de fanatisme, de fascisme et d’intolérance.
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Budapest, 22 janvier 2016