« Non » à la résignation !
Messe avec les prêtres, les consacrés et les séminaristes à Morelia
Le pape François célèbre la messe avec le calice à clochettes de Mgr Vasco Vasquez de Quiroga (1470–1565) - Capture CTCV
La résignation, face aux plaies de la société, c’est « l’une des armes préférées du démon », diagnostique le pape François qui exhorte les prêtres, les consacrés et les séminaristes à plutôt imiter un évêque mexicain du XVIe s., Mgr Vasco Vasquez de Quiroga (1470-1565), un ‘‘Espagnol qui s’est fait Indien’’.
Le pape a en effet célébré la messe entouré de quelque 20 000 prêtres, des consacrés et des séminaristes du Mexique au stade de football « Venustiano Carranza » de Morelia, capitale de l’Etat de Michoacan, à 210 km de Mexico, après un vol d’un peu plus d’une heure, ce mardi 16 février à 16h. Il a remercié de pouvoir célébrer la messe avec le calice de Mgr Vasco Vasquez, un calice à clochettes, et avec sa crosse.
La résignation « nous paralyse et nous empêche non seulement de marcher, mais aussi de faire du chemin ; une résignation qui non seulement nous effraie, mais qui nous fait aussi nous retrancher dans nos ‘‘sacristies’’ et dans nos sécurités apparentes ; une résignation qui non seulement nous empêche d’annoncer, mais qui nous empêche aussi de louer. (…) Une résignation qui non seulement nous empêche de prévoir, mais qui nous empêche aussi de prendre des risques et de transformer. Par conséquent, Notre Père, ne nous laisse succomber à la tentation », a discerné le pape.
Il a insisté d’emblée sur la prière : « Dis-moi comment tu pries et je te dirai comment tu vis. » Et sur l’action que doit animer cette prière: « Dis-moi comment tu vis et je te dirai comment tu pries. » Il a ajouté: « L’école de la prière est l’école de la vie. »
Il a conseillé aux séminaristes de prier comme ils ont appris « à la maison » et de grandir ensuite dans la prière à partir de là, comme saint Paul le disait à son disciple qui avait reçu la foi de sa mère et de sa grand-mère.
Il a mis en garde : « Nous ne sommes pas, ni ne voulons être des fonctionnaires du divin, nous ne sommes pas, ni ne voulons jamais être des employés de Dieu, car nous sommes invités à participer à sa vie, nous sommes invités à nous introduire dans son cœur, un cœur qui prie et qui vit en disant: Notre Père. »
Le pape avait d’abord fait un tour du stade en voiture électrique, sous les acclamations scandées en espagnol dont les Mexicains ont le secret: « Pape François, ami, tu es le bienvenu! »
De son discours, le pape a twitté deux passages sur son compte @Pontifex_fr, l’un sur la dynamique de la prière et de la vie: » « On apprend à prier comme on apprend à marcher, à parler, à écouter. Dis-moi comment tu pries et je te dirai comment tu vis. »
L’autre sur la confiance dans le Père et le refus de le résignation: « Notre premier appel est d’apprendre à dire “notre Père” : notre Père, ne nous laisse pas tomber dans la tentation de la résignation. »
Voici la traduction officielle en français de l’homélie du pape François, avec les improvisations ajoutées.
Homélie du pape François
Un proverbe de chez nous affirme : ‘‘dis-moi comment tu pries et je te dirai comment tu vis, dis-moi comment tu vis et je te dirai comment tu pries ; car en me montrant comment tu pries, je pourrai découvrir le Dieu que tu vis et en me montrant comment tu vis, je pourrai croire au Dieu que tu pries’’. En effet, notre vie parle de la prière et la prière parle de notre vie. En priant, on apprend à prier, comme nous apprenons à marcher, à parler, à écouter. L’école de la prière est l’école de la vie et c’est à l’école de la vie que nous fréquentons l’école de la prière.
Et Paul disait à Timothée, son disciple préféré, quand il l’enseignait ou l’exhortait à vivre la foi : « Rappelle toi de ta mère et de ta grand-mère ». Et les séminaristes me demandaient souvent, quand ils entraient au Séminaire: « Père, je voudrais faire une prière plus profonde et plus mentale ». « Ecoute, continue à prier comme on te l’a enseigné à la maison. Et ensuite, peu à peu, ta prière grandira, de même que ta vie a grandi ». On apprend à prier comme dans la vie.
Jésus a voulu introduire les siens dans le mystère de la Vie, dans le mystère de sa vie. Il leur a montré ce que signifie être Fils de Dieu, en mangeant, en dormant, en soignant, en prêchant, en priant. Il les a invités à partager sa vie, son intimité et en étant avec lui ; il leur a fait toucher dans sa chair la vie du Père. Il leur a fait expérimenter dans son regard, dans sa démarche, la force, la nouveauté de dire : ‘‘Notre Père’’. En Jésus, cette expression, Notre Père, n’a pas ‘‘l’arrière-goût’’ de la routine ou de la répétition ; au contraire, elle a le goût de la vie, de l’expérience, de l’authenticité. Il a su vivre en priant et prier en vivant, disant : Notre Père.
Et il nous a invités à faire de même. Nous sommes d’abord appelés à faire l’expérience de cet amour miséricordieux du Père dans notre vie, dans notre histoire. Il nous appelle d’abord pour nous introduire dans cette nouvelle dynamique d’amour, de filiation. Nous sommes d’abord appelés à apprendre à dire « Notre Père », comme Paul insiste : « Abba ».
Malheur à moi, si je n’évangélise pas, dit Paul, malheur à moi ! Car, évangéliser – poursuit-il – n’est pas un motif de gloire mais une nécessité (1 Cor 9, 16).
Il nous a invités à participer à sa vie, à sa vie divine, malheur à nous – consacrés, séminaristes, prêtres, évêques – malheur à nous si nous ne la partageons pas, malheur à nous si nous ne sommes pas des témoins de ce que nous avons vu et entendu, malheur à nous ! Nous ne voulons pas être des fonctionnaires du divin, nous ne sommes pas, ni ne voulons jamais être des employés de l’entreprise de Dieu, car nous sommes invités à participer à sa vie, nous sommes invités à nous introduire dans son cœur, un cœur qui prie et qui vit en disant : Notre Père. Et qu’est-ce que c’est la mission, sinon dire avec notre vie – du début à la fin, comme notre frère Evêque qui est mort cette nuit – qu’est-ce que c’est la mission, sinon dire avec notre vie : « Notre Père » ?
C’est ce Père que nous prions avec insistance tous les jours. Et que lui disons-nous, entre autres invocations ? Ne nous laisse pas tomber en tentation. Jésus lui-même l’a fait. Il a prié pour que ses disciples – d’hier et d’aujourd’hui – nous ne tombions pas en tentation. Quelle peut être l’une des tentations qui peuvent nous assiéger ? Quelle peut être l’une des tentations qui provient non seulement de la contemplation de la réalité mais aussi du fait de la vivre ? Quelle tentation peut venir de milieux souvent dominés par la violence, la corruption, le trafic de drogue, le mépris de la dignité de la personne, l’indifférence face à la souffrance et à la précarité ? Quelle tentation pouvons-nous avoir sans cesse – nous qui sommes appelés à la vie consacrée, au sacerdoce, à l’épiscopat – quelle tentation pouvons-nous avoir face à tout cela, face à cette réalité qui semble devenir un système inamovible ?
Je crois que nous pourrions la résumer en un seul mot : résignation. Et face à cette réalité, l’une des armes préférées du démon, la résignation, peut nous tenter. « Et que pouvons-nous y faire ? La vie est ainsi ». Une résignation qui nous paralyse et nous empêche non seulement de marcher, mais aussi de faire du chemin ; une résignation qui non seulement nous effraie, mais qui nous fait aussi nous retrancher dans nos ‘‘sacristies’’ et dans nos sécurités apparentes ; une résignation qui non seulement nous empêche d’annoncer, mais qui nous empêche aussi de louer, nous retire l’allégresse, la joie de louer. Une résignation qui non seulement nous empêche de prévoir, mais qui nous empêche aussi de prendre des risques et de transformer.
Par conséquent, Notre Père, ne nous laisse succomber à la tentation.
Qu’il nous fait du bien de recourir, dans les moments de tentation, à notre mémoire ! Comme cela nous aide de regarder ‘‘l’étoffe’’ dont nous sommes faits. Tout n’a pas commencé avec nous, tout ne finira pas non plus avec nous, c’est pourquoi cela nous fait du bien de récupérer l’histoire qui nous a conduits jusqu’ici !
Et dans ce souvenir, nous ne pouvons pas passer sous silence une personne qui tant aimé cet endroit, qui s’est fait fils de cette terre. Une personne qui a su dire d’elle-même : ‘‘Ils m’ont arraché à la magistrature et ils m’ont placé au timon du sacerdoce à cause de mes péchés. Moi, inutile et entièrement inapte pour l’exécution d’une si grande entreprise ; moi, qui ne savais pas manier la pagaie, ils m’ont fait premier Evêque de Michoacán’’ (Vasco Vásquez de Quirogq, Lettre pastorale, 1554).
Je remercie – parenthèse – Monsieur le Cardinal Archevêque qui a voulu que je célèbre cette Eucharistie avec sa crosse et son calice.
Avec vous, je voudrais faire mémoire de cet évangélisateur, connu également comme Tata Vasco, comme ‘‘l’espagnol qui s’est fait indien’’.
La réalité que vivaient les indiens Purhépecha décrits par lui comme ‘‘vendus, harcelés et errants dans les marchés, recueillant les miettes jetées au sol’’, loin de le conduire à la tentation et à la paresse de la résignation, a stimulé sa foi, a stimulé sa vie, a stimulé sa compassion et l’a incité à réaliser divers projets qui ont donné du ‘‘souffle’’ face à cette réalité si paralysante et injuste. La douleur de la souffrance de ses frères s’est faite prière et la prière s’est faite réponse. Et cela lui a fait donner le nom parmi tous les indiens de ‘‘Tata Vasco’’ qui en langue purhépecha signifie : papa.
Père, papa, tata, abba….
Voilà la prière, voilà l’expression à laquelle Jésus nous a invités. Père, papa, abba, ne nous laisse pas tomber dans la tentation de la résignation, ne nous laisse pas tomber dans la tentation de l’acédie, ne nous laisse pas tomber dans la tentation de la perte de la mémoire, ne nous laisse pas tomber dans la tentation d’oublier nos anciens qui nous ont appris par leur vie à dire: Notre Père.
[Texte original: Espagnol]
© Librairie éditrice du Vatican
Source: zenit.org