Le prêtre de Jésus-Christ...
J'ai trouvé mon serviteur et je l'ai consacré avec l'huile sainte, avec l 'onction de ma sainteté, dit Dieu (Ps. 88, 20. Ainsi, saint Augustin pouvait dire à ses prêtres, « Vous êtes les vicaires de Jésus-Christ et vous remplissez ses fonctions. » (Serm. XXXIV ad Fratr.)
Le 26 avril 1935 à Lourdes, le cardinal Pacelli, Secrétaire d’État de Pie XI, s'adressait aux prêtres à l'Heure Sainte Sacerdotale. Il leur rappelait d'abord leur ordination, puis leurs devoirs : « Il n'est personne ici qui ne se rappelle avec émotion l'heure où la main de l’évêque, posée sur nos têtes, prêtres du Christ, ...Chacun de nous est véritablement un autre Christ ! Puissance divine certes, mais en même temps redoutable, puisqu'il nous en faudra rendre compte... Que se renonçant à lui-même, le prêtre suive le Christ et qu'ayant dépouillé le vieil homme avec ses vices et ses convoitises, il se revête du Christ, se transforme en lui et, devenu un autre Christ, il passe en faisant le bien . ...Plus vive sera en nos âmes la conscience de notre dignité, des devoirs redoutables qui l'accompagnent, et du compte qu'il en faudra rendre au Souverain Juge, moins il y aura de place dans le clergé pour la paresse, la négligence et la lâcheté, plus nous mettrons de ferveur à offrir à Dieu toutes les forces de notre corps et de notre âme pour travailler au salut de nos frères ... Malheur aux prêtres dans lesquels les hommes et les fidèles ne verraient que des hommes comme les autres. Vous êtes le sel de la terre (Mt. 5, 13). »
« Que les hommes nous considèrent comme les ministres du Christ, et comme les dispensateurs des mystères de Dieu. Or, ce qui est à désirer dans les dispensateurs, c'est qu'ils soient trouvés fidèles » dit saint Paul (1Co. 4, 1-2). C'est donc un devoir pour les prêtres d'être des modèles parce que « Les peuples jettent les yeux sur les prêtres comme dans un miroir et c'est là qu'ils prennent leur modèle », (Concile de Trente, Sess. 22, c.I). « Faites voir par votre conduite la sainteté du Christ », enseignait saint Bellarmin. Car « tout homme appelé au sacerdoce de Jésus-Christ doit se regarder comme un exemple public et vivre comme si la terre avait les yeux fixés sur lui... » écrivait Bourdaloue (1). Quelle responsabilité !
Saint Chrysostome, mort en 407, écrivait : « Sans le prêtre, nous ne pouvons parvenir au salut. C’est l’envoyé de Dieu ». Et saint Prosper d'Aquitaine, mort en 463, ajoutait : « Les prêtres sont l'ornement de l’Église, les plus solides colonnes, les portes de l'éternelle cité, par lesquelles tous les hommes vont à Jésus-Christ. Ils sont les portiers qui ont reçu les clés du royaume des cieux. » (2) Massillon idéalisait son rôle « Telle est la destinée du prêtre, qu'étant élevé de la terre par l'éminence de sa dignité, il attire tout après lui comme Jésus-Christ. » (3). Quant à Bourdaloue, il rappelait ces paroles de saint Justinien : « Que le prêtre approche de l'autel comme Jésus-Christ, par sa puissance ; qu'il y assiste comme un ange, par son respect ; qu'il y serve comme un saint, par la pureté de sa vie ; qu'il y offre les vœux du peuple comme un pontife, par sa charité envers le prochain ; qu'il y moyenne la paix comme un médiateur, par son zèle pour la gloire de Dieu ; qu'il y prie pour lui-même comme homme, par son humilité et la connaissance de ses faiblesses. » (4)
En juin 1935, le cardinal Pacelli s'adressait encore aux prêtres : « Parce que, de l’Église, et des prêtres en particulier dépend en grande partie le salut du monde, la foule immense l'attend et le désire. Il importe que nous ayons de bons prêtres. L’Église, mère des âmes sait que son apostolat est un apostolat de vérité et que sacrifier même un iota du dépôt de la foi, aux larges courants des erreurs modernes, serait trahir sa mission de sauver le monde. » (5) Devenu Pape, il insistait dans Menti Nostrae du 23 septembre 1950 : « Éclairez les esprits, dirigez les consciences, réconfortez et soutenez les âmes qui se débattent dans le doute en gémissant dans la souffrance. »
« Malheureusement des prêtres s'occupent des œuvres comme si Jésus n'en était pas le principe de vie », écrivait Dom Chautard, qui parle des hérésie des œuvres selon l'expression du cardinal Mermillod, « L'activité fiévreuse prenant la place de l'action de Dieu ». Pie XII mettait les prêtres en garde contre l'activisme dans l'Encyclique Menti Nostrae : « Nous ne pouvons omettre d'exprimer notre préoccupation et notre anxiété à ceux qui, à cause de circonstances particulières et de temps, se sont engouffrés dans le tourbillon de l'activisme extérieur jusqu'à négliger le premier devoir du prêtre qui est le devoir de sa propre sanctification. » Pensait-il à Mgr Dupanloup qui écrivait : « J'ai une activité terrible qui ruine ma santé, trouble ma piété et ne sert point ma conscience. Cela est à régler... J'ai reconnu, en outre, que ce défaut de vie intérieure est la source de toutes mes fautes, de mes troubles, de mes sécheresse, de mes dégoûts, de ma mauvaise santé. J'ai donc résolu de tourner tous mes efforts à l'acquisition de la vie intérieure. »
La première des charités du prêtre c'est de conduire les âmes qui lui sont confiées vers le Ciel, car les biens spirituels sont au dessus de tout écrivait saint Paul qui ajoutait : « Ne vous immiscez pas aux affaires du siècle. » (2 Ti. 2, 4). Mais certains ont privilégié l'action sociale, professionnelle ou médiatique. « Voici un nouveau type de prêtre, le prêtre laïc, découronné de son caractère divin, accordant au siècle sa prédication, son enseignement, son ministère et sa conduite », écrivait le cardinal Billot. Ils font avec générosité des œuvres naturelles quand Dieu demande des œuvres surnaturelles. Mais cet activisme les éloigne du spirituel. Ce n'est plus la charité comme l'entend la Sainte Église, c'est-à-dire la pratique de la charité au nom de Jésus-Christ ; prêcher son Évangile dans les cœurs pour obtenir la conversion de pécheurs. C'est l'action publique ou l'action caritative sociale, très louable certes, mais au service de l'homme, et pas au nom de Dieu et à son service. Mgr de La Bouillerie écrivait : « La charité est le contraire de la philanthropie : celle-ci demeure terre à terre, elle n'atteint qu'un seul terme, qui est le pauvre, et dans le pauvre, elle n'envisage que les intérêts matériels, ses membres à réchauffer, à vêtir, sa faim et sa soif à satisfaire, son existence à sauvegarder. La charité chrétienne atteint deux buts. Tour à tour, elle considère Dieu et elle considère le pauvre. (c'est en Dieu qu'elle puise l'amour qui la portera vers le pauvre, et dans le pauvre, ce qu'elle chérit davantage, c'est l'âme, l'esprit et le cœur, tout ce qui unit le pauvre à Dieu. » (6)
Inquiet de cet activisme grandissant, Jean XXIII écrivait dans Sacerdotii Nostri Primordiae : « Volontiers sensibles à l'efficacité de l'action et facilement tentés par un dangereux activisme, combien est salutaire ce modèle de prière assidue, dans une vie entièrement livrée aux besoins des âmes. » Et il poursuit : « Peut-être est-ce pour avoir négligé toutes ces prescriptions de piété que certains membres du clergé se sont vus peu à peu livrés à l'instabilité extérieure, à l'appauvrissement intérieur et exposés un jour sans défense aux tentations de l'existence »... en ajoutant : « Rien ne saurait remplacer dans la vie d'un prêtre la prière silencieuse et prolongée devant l'autel. » Il rappelait l'enseignement de saint Bonaventure : « Les secrets d'un apostolat fécond se puisent plus au pied du Crucifix que dans le déploiement de brillantes qualités. » Le Pape Jean-Paul II ne dit pas autre chose : « Le prêtre vaut ce que vaut sa vie eucharistique, sa Messe surtout. Messe sans amour, prêtre stérile ; Messe fervente, prêtre conquérant d'âmes. Dévotion eucharistique négligée et sans amour, prêtre en danger de se perdre. » (7)
Puis Jean-Paul II les met en garde : « Il peut nous sembler parfois que les hommes veulent ou désirent que nous soyons comme eux... et il très facile en effet de se laisser guider par les apparences et de devenir les victimes d'une illusion fondamentale... Danger, crie le Pape : Ceux qui réclament la laïcisation de la vie sacerdotale et qui applaudissent à ses différentes manifestations nous abandonneraient certainement, quand nous succomberions à la tentation. Notre époque est caractérisée par diverses formes de manipulations et d'utilisation de l'homme, mais nous ne pouvons céder à aucune d'elles. » Mais le peuple cherche à entendre les choses qui ne gênent pas sa liberté et il écoute avec plaisir et sans discernement un enseignement libéral qui facilite sa vie. Dites-nous des choses qui nous plaisent, lui avait fait dire Isaïe (Is. 30, 10). Il viendra un temps où les hommes ne supporteront plus la saine doctrine; et dans leur démangeaison d'entendre ce qui les flatte, ils se donneront des maîtres selon leurs désirs, et détourneront l'oreille de la vérité pour 1'ouvrir à des fables ( 2 Tm. 4, 1).
Des prêtres ont « repris la Bible, ayant soin, en l'interprétant, d'écarter le sens mystique et de dénaturer souvent le sens littéral », écrivait le Père Didon. Ils ont prêché un enseignement adapté au siècle et une morale tolérante pour vivre avec les lois du monde sans craindre le Purgatoire que le peuple veut oublier. Et on a fait de la foi une simple opinion. Car ils (ces clercs) sont du monde, et ils parlent selon l'esprit du monde et le monde les écoute (l Jean 4, 5). « Si de tels hommes sont le sel de la terre, il faut reconnaître que le sel s'est affadi », remarquait Mgr d'Huist. Et quand la vérité est noyée dans la brume, qui s'étonnera que tant de fidèles errent et se perdent dans l'indifférentisme qui les rend neutres en face du bien et du mal ?
Dom Sarda y Salvany O.S.B. ne craignait pas d'écrire : « Il est historiquement certain qu'en un siècle les hérésies n'ont pu, ni faire quelque bruit, ni se développer, si dès le début, elles n'ont point eu des prêtres à leur service. Le prêtre infidèle est le premier facteur que recherche le Diable pour réaliser son œuvre de rébellion. Il a besoin de la présenter aux regards des gens avec quelque apparence d'autorité ; or rien ne le sert autant sous ce rapport que le contreseing d'un ministre de l’Église. » (9) Et Péguy écrivait : « Les curés travaillent à la démolition, du peu qui reste. Ils y réussissent beaucoup. Il n'y a même que là-dedans qu'ils réussissent ! Mais il faut leur faire justice que là, ils travaillent activement. » C 'est le malheur des temps ! remarquait quelqu'un. Non dit Péguy: "I1 n'y a point de malheur des temps, il y a le malheur des clercs. Tous les temps appartiennent à Dieu. Tous les clercs, malheureusement, ne lui appartiennent pas. » (10) Les mauvais prêtres sont les causes de la perte des peuples, dit saint Grégoire (Lib. XIV épist. LXIV).
Henri de Germay - Opus Dei
Gilles. Ville de Québec - Canada