Lors de sa visite à Fatima, en mai 2010, les pape Benoît XVI a prononcé des mots spectaculaires : Ce qui s'est passé quatre-vingt-treize ans plus tôt, a t'il dit, lorsque le ciel s'est ouvert au-dessus du Portugal, doit être considéré « comme une fenêtre d'espoir » que Dieu ouvre « lorsque l'homme lui ferme la porte ».
Entretien de Benoît XVI avec Peter Seewald.
Extrait du livre " Lumière du monde "
Contrairement à votre prédécesseur, vous êtes considéré comme un théologien tourné vers Jésus plutôt que vers Marie. Mais un mois déjà après votre élection, vous avez appelé les fidèles, sur la place Saint-Pierre, à se confier à la Vierge de Fatima. Lors de votre visite à Fatima, en mai 2010, vous avez prononcé des mots spectaculaires : Ce qui s'est passé quatre-vingt-treize ans plus tôt, avez-vous dit, lorsque le ciel s'est ouvert au-dessus du Portugal, doit être considéré « comme une fenêtre d'espoir » que Dieu ouvre « lorsque l'homme lui ferme la porte ». Et c'est précisément le pape que le monde connaît comme un défenseur de la raison qui dit à présent : « La Vierge Marie est venue du ciel pour nous rappeler les vérités de l'Évangile. »
A lire : Discours de Benoît XVI, cérémonie d'accueil au Portugal : https://www.google.com/url?q=http://eucharistiemisericor.free.fr/index.php%3Fpage%3D1105102_bienvenue&sa=U&ei=bIFOVNCGIuWxmwXPzoCQCw&ved=0CAYQFjAA&client=internal-uds-cse&usg=AFQjCNEUEiBQzhcY0dIjDVfer4l03Hwg8Q
II est exact que j'ai grandi avec une piété avant tout christocentrique, telle qu'elle s'était développée dans l'entre-deux-guerres, avec ce nouveau mouvement d'intérêt pour la Bible, pour les Pères ; avec une piété qui était consciemment et fortement nourrie par la Bible et, précisément, centrée sur le Christ. Mais la mère de Dieu, la mère du Seigneur, continue bien entendu à être présente. Elle apparaît dans la Bible, chez Luc et chez Jean, elle le fait à un moment tardif mais avec une grande clarté, et dans cette mesure elle a toujours eu sa place dans la vie chrétienne. Dans les Églises orientales, elle a pris très tôt une importance essentielle — pensez par exemple, au concile d'Éphèse, en l'an 431. Et Dieu n'a cessé de l'utiliser, au fil de l'histoire, comme la lumière qui lui permet de nous mener à Lui.
En Amérique Latine, par exemple, le Mexique est devenu chrétien au moment où s'était montrée la Vierge de Guadalupe. À cet instant, les gens ont compris : oui, cela est notre foi. Là, nous allons vraiment arriver à Dieu ; la Mère nous Le montre. En elle, toute la richesse de nos religions est transformée et élevée. Au bout du compte, ce sont deux figures qui ont rendu croyants les gens en Amérique Latine : la Vierge, d'une part, le Dieu qui souffre, d'autre part — et qui souffre aussi face à toute la violence qu'ils ont eux-mêmes subie.
On est donc forcé de dire qu'il existe une histoire au sein de la foi. Le cardinal Newman l'a bien montré. La foi se déploie. Et dans ce déploiement, on trouve justement l'intervention de plus en plus forte de la mère de Dieu dans le monde, comme une indication sur le chemin à suivre, une lumière de Dieu, une mère à travers laquelle nous pouvons reconnaître le fils et le père. Dieu nous a ainsi donné des signes — notamment au XXe siècle. Dans notre rationalisme, et face au pouvoir des dictatures montantes, il nous montre l'humilité de la mère qui apparaît à de petits enfants et leur dit l'essentiel : foi, espoir, amour, expiation.
Je comprends donc aussi que les gens trouvent en elle, pour ainsi dire, quelque chose comme des fenêtres. J'ai vu, à Fatima, des centaines de milliers de personnes présentes retrouver la vision de Dieu à travers ce que Marie a dit à de petits enfants, dans ce monde où les murs et les fermetures sont si nombreux.
Le fameux « troisième secret de Fatima » n'a été rendu public qu'en l'an 2000 — par le cardinal Joseph Ratzinger, à la demande de Jean-Paul II. Le texte parle d'un évêque vêtu de blanc qui s'effondre sous les balles des soldats — une scène que l'on a interprétée comme un présage de l'attentat contre Jean-Paul II. Vous avez alors déclaré : « Celui qui croit que la mission prophétique de Fatima est achevée se trompe. » Que veut-il dire par là ? L'accomplissement du message de Fatima est-il en réalité encore à venir ?
Dans le message de Fatima, il faut dissocier deux choses : d'une part, un événement déterminé, représenté dans des formes visionnaires, d'autre part la légende fondamentale dont il est question ici. Il ne s'agissait tout de même pas de satisfaire une curiosité. Dans ce cas, nous aurions dû rendre le texte public beaucoup plus tôt. Non, il s'agit de faire allusion à un point critique, à un instant critique dans l'histoire : tout le pouvoir du mal qui s'est cristallisé, au cours de ce XXe siècle, dans les grandes dictatures et qui agit encore aujourd'hui, d'une autre manière.
Il s'agissait d'autre part de la réponse à ce défi. Cette réponse ne consiste pas en de grandes actions politiques ; elle ne peut en dernier ressort provenir que de la transformation des cœurs — de la foi, de l'espoir, de l'amour et de l'expiation. Dans ce sens, le message n'est justement pas clos, même si les deux grandes dictatures ont disparu. La souffrance de l'Église demeure, la menace qui pèse sur l'homme demeure, l'attente d'une réponse demeure elle aussi — tout comme, par conséquent, l'indication que nous a donnée Marie. Aujourd'hui aussi, la détresse est présente. Aujourd'hui aussi, le pouvoir, sous toutes les formes imaginables, menace de piétiner la foi. Aujourd'hui aussi, par conséquent, on a besoin de cette réponse que la mère de Dieu a donnée aux enfants.
Votre homélie du 13 mai 2010 à Fatima avait des tonalités très dramatiques. « L'homme a pu déclencher un cycle de mort et de terreur », avez-vous proclamé, « mais il ne réussit pas à l'interrompre... » Ce jour-là, vous avez exprimé devant un demi-million de fidèles une demande qui est au fond spectaculaire : « Puissent ces sept années qui nous séparent du centenaire des Apparitions hâter le triomphe annoncé du Cœur Immaculée de Marie à la gloire de la Très Sainte Trinité. »
Cela signifie-t-il que le pape, qui occupe il est vrai une fonction prophétique, juge possible qu'au cours des sept années qui viennent la Sainte Mère de Dieu apparaisse d'une manière qui équivaudra à un triomphe ?
J'ai dit que le « triomphe » se rapprocherait. Sur le fond, c'est la même chose que lorsque nous prions pour que le royaume de Dieu se rapproche. Cela ne signifiait pas — je suis peut-être trop rationaliste pour cela — que j'attends désormais un grand tournant, que je pense voir l'histoire changer subitement de cours, mais que le pouvoir du mal sera refréné ; que la force de Dieu se montre toujours à travers la force de la Mère et la maintient en vie.
L'Église est constamment appelée à faire ce qu'Abraham lui a demandé de faire : veiller à ce qu'il y a suffisamment de justes pour contenir le mal et la destruction. J'ai compris que les forces du bien peuvent de nouveau grandir. Dans ce sens, les triomphes de Dieu, les triomphes de Marie, sont discrets mais réels.
Entretien de Benoît XVI avec Peter Seewald.
Extrait du livre " Lumière du monde "
Contrairement à votre prédécesseur, vous êtes considéré comme un théologien tourné vers Jésus plutôt que vers Marie. Mais un mois déjà après votre élection, vous avez appelé les fidèles, sur la place Saint-Pierre, à se confier à la Vierge de Fatima. Lors de votre visite à Fatima, en mai 2010, vous avez prononcé des mots spectaculaires : Ce qui s'est passé quatre-vingt-treize ans plus tôt, avez-vous dit, lorsque le ciel s'est ouvert au-dessus du Portugal, doit être considéré « comme une fenêtre d'espoir » que Dieu ouvre « lorsque l'homme lui ferme la porte ». Et c'est précisément le pape que le monde connaît comme un défenseur de la raison qui dit à présent : « La Vierge Marie est venue du ciel pour nous rappeler les vérités de l'Évangile. »
A lire : Discours de Benoît XVI, cérémonie d'accueil au Portugal : https://www.google.com/url?q=http://eucharistiemisericor.free.fr/index.php%3Fpage%3D1105102_bienvenue&sa=U&ei=bIFOVNCGIuWxmwXPzoCQCw&ved=0CAYQFjAA&client=internal-uds-cse&usg=AFQjCNEUEiBQzhcY0dIjDVfer4l03Hwg8Q
II est exact que j'ai grandi avec une piété avant tout christocentrique, telle qu'elle s'était développée dans l'entre-deux-guerres, avec ce nouveau mouvement d'intérêt pour la Bible, pour les Pères ; avec une piété qui était consciemment et fortement nourrie par la Bible et, précisément, centrée sur le Christ. Mais la mère de Dieu, la mère du Seigneur, continue bien entendu à être présente. Elle apparaît dans la Bible, chez Luc et chez Jean, elle le fait à un moment tardif mais avec une grande clarté, et dans cette mesure elle a toujours eu sa place dans la vie chrétienne. Dans les Églises orientales, elle a pris très tôt une importance essentielle — pensez par exemple, au concile d'Éphèse, en l'an 431. Et Dieu n'a cessé de l'utiliser, au fil de l'histoire, comme la lumière qui lui permet de nous mener à Lui.
En Amérique Latine, par exemple, le Mexique est devenu chrétien au moment où s'était montrée la Vierge de Guadalupe. À cet instant, les gens ont compris : oui, cela est notre foi. Là, nous allons vraiment arriver à Dieu ; la Mère nous Le montre. En elle, toute la richesse de nos religions est transformée et élevée. Au bout du compte, ce sont deux figures qui ont rendu croyants les gens en Amérique Latine : la Vierge, d'une part, le Dieu qui souffre, d'autre part — et qui souffre aussi face à toute la violence qu'ils ont eux-mêmes subie.
On est donc forcé de dire qu'il existe une histoire au sein de la foi. Le cardinal Newman l'a bien montré. La foi se déploie. Et dans ce déploiement, on trouve justement l'intervention de plus en plus forte de la mère de Dieu dans le monde, comme une indication sur le chemin à suivre, une lumière de Dieu, une mère à travers laquelle nous pouvons reconnaître le fils et le père. Dieu nous a ainsi donné des signes — notamment au XXe siècle. Dans notre rationalisme, et face au pouvoir des dictatures montantes, il nous montre l'humilité de la mère qui apparaît à de petits enfants et leur dit l'essentiel : foi, espoir, amour, expiation.
Je comprends donc aussi que les gens trouvent en elle, pour ainsi dire, quelque chose comme des fenêtres. J'ai vu, à Fatima, des centaines de milliers de personnes présentes retrouver la vision de Dieu à travers ce que Marie a dit à de petits enfants, dans ce monde où les murs et les fermetures sont si nombreux.
Le fameux « troisième secret de Fatima » n'a été rendu public qu'en l'an 2000 — par le cardinal Joseph Ratzinger, à la demande de Jean-Paul II. Le texte parle d'un évêque vêtu de blanc qui s'effondre sous les balles des soldats — une scène que l'on a interprétée comme un présage de l'attentat contre Jean-Paul II. Vous avez alors déclaré : « Celui qui croit que la mission prophétique de Fatima est achevée se trompe. » Que veut-il dire par là ? L'accomplissement du message de Fatima est-il en réalité encore à venir ?
Dans le message de Fatima, il faut dissocier deux choses : d'une part, un événement déterminé, représenté dans des formes visionnaires, d'autre part la légende fondamentale dont il est question ici. Il ne s'agissait tout de même pas de satisfaire une curiosité. Dans ce cas, nous aurions dû rendre le texte public beaucoup plus tôt. Non, il s'agit de faire allusion à un point critique, à un instant critique dans l'histoire : tout le pouvoir du mal qui s'est cristallisé, au cours de ce XXe siècle, dans les grandes dictatures et qui agit encore aujourd'hui, d'une autre manière.
Il s'agissait d'autre part de la réponse à ce défi. Cette réponse ne consiste pas en de grandes actions politiques ; elle ne peut en dernier ressort provenir que de la transformation des cœurs — de la foi, de l'espoir, de l'amour et de l'expiation. Dans ce sens, le message n'est justement pas clos, même si les deux grandes dictatures ont disparu. La souffrance de l'Église demeure, la menace qui pèse sur l'homme demeure, l'attente d'une réponse demeure elle aussi — tout comme, par conséquent, l'indication que nous a donnée Marie. Aujourd'hui aussi, la détresse est présente. Aujourd'hui aussi, le pouvoir, sous toutes les formes imaginables, menace de piétiner la foi. Aujourd'hui aussi, par conséquent, on a besoin de cette réponse que la mère de Dieu a donnée aux enfants.
Votre homélie du 13 mai 2010 à Fatima avait des tonalités très dramatiques. « L'homme a pu déclencher un cycle de mort et de terreur », avez-vous proclamé, « mais il ne réussit pas à l'interrompre... » Ce jour-là, vous avez exprimé devant un demi-million de fidèles une demande qui est au fond spectaculaire : « Puissent ces sept années qui nous séparent du centenaire des Apparitions hâter le triomphe annoncé du Cœur Immaculée de Marie à la gloire de la Très Sainte Trinité. »
Cela signifie-t-il que le pape, qui occupe il est vrai une fonction prophétique, juge possible qu'au cours des sept années qui viennent la Sainte Mère de Dieu apparaisse d'une manière qui équivaudra à un triomphe ?
J'ai dit que le « triomphe » se rapprocherait. Sur le fond, c'est la même chose que lorsque nous prions pour que le royaume de Dieu se rapproche. Cela ne signifiait pas — je suis peut-être trop rationaliste pour cela — que j'attends désormais un grand tournant, que je pense voir l'histoire changer subitement de cours, mais que le pouvoir du mal sera refréné ; que la force de Dieu se montre toujours à travers la force de la Mère et la maintient en vie.
L'Église est constamment appelée à faire ce qu'Abraham lui a demandé de faire : veiller à ce qu'il y a suffisamment de justes pour contenir le mal et la destruction. J'ai compris que les forces du bien peuvent de nouveau grandir. Dans ce sens, les triomphes de Dieu, les triomphes de Marie, sont discrets mais réels.