L’Église Marble Collegiate sur la 5ème avenue à New-York
Voici l'Église que fréquentait Donald Trump dans la vingtaine
Trump a été baptisé et confirmé dans l’église presbytérienne du quartier nommé Jamaica, situé dans le Queens à New York. Ses parents l’ont élevé dans l’austérité typique des personnes pratiquantes de la Basse Eglise (Low Chuch). C’est pourquoi il ne fait pas de pari, ne fume pas, ne boit pas – y compris quand le stimulant est de la caféine. « Je n’ai jamais fumé une cigarette. Je n’ai jamais bu un verre d'alcool. Je ne boirai même pas une tasse de café » a-t-il déclaré à l’Esquire l’an dernier (Quand on fait mention de l'abstinence de Trump, il est difficile d’oublier que ni Hitler, ni Mussolini n’ont jamais fumé ni bu).
La vingtaine avancée, Trump a commencé à fréquenter l’Eglise Marble Collegiate sur la 5ème avenue. Fondée en 1628 dans la colonie néerlandaise de la Nouvelle Amsterdam, l’Eglise Marble Collegiate est l’une des rares institutions qui ait survécu depuis la fondation de la ville. Peter Minuit, le gouverneur de la Nouvelle Amsterdam, était le premier Ancien de l’église, et Peter Stuyvesant, le directeur général de la colonie, dirigeait tous les dimanches les fidèles durant le service religieux. Le haut clocher de sa maison, érigé en 1854, s’élève à soixante et un mètre au-dessus du sol, un symbole de droiture dans la pierre. Ici Trump marcha dans l'allée après avoir échangé ses vœux avec Ivana et entendu les sermons de Norman Vincent Peale, un homme dont la philosophie allait devenir celle de Trump lui-même.
Lorsque Trump a rencontré Peale, ce dernier était déjà célèbre pour être l’auteur de La Puissance de la Pensée Positive, un livre qui se vendra par la suite à presque cinq millions d'exemplaires. Peale occupait une position centrale dans la classe dirigeante, bien que ce statut fut ébranlé en 1960, quand il rejoignit un groupe de 150 pasteurs protestants -dont Billy Graham- qui voulait empêcher Kennedy d’entrer à la Maison Blanche. Le groupe publia un manifeste qui demandait si on pouvait faire confiance à un catholique comme président, alors que Rome faisait des «efforts déterminés. . . pour franchir le mur de séparation entre l'Eglise et l'Etat ». Peale se chargea de la présentation publique du document et dut faire face à une réaction immédiate du Séminaire de l’Union Theologique de Reinhold Niebuhr et de John Bennett, qui l'accusaient de commettre un « préjudice aveugle ». Peale, honteux, présenta ses excuses et à partir de ce moment, son enseignement prit de la distance par rapport aux dures réalités de la vie politique.
Avant que Trump ne fasse son incursion dans le monde politique, il a lu le livre de Peal et a adopté son programme de « pensée positive ». Les deux hommes ont commencé à échanger des compliments publics. Peale, toujours généreux dans ses évaluations de la nature humaine, disait de Trump qu’il avait un « trait profond d’humilité honnête ». Trump, sans vraiment arborer ce trait d’humilité, a déclaré que Peale « pensait que j’étais son meilleur élève de tous les temps ». En un certain sens, Trump avait raison. Peale n’a jamais eu de disciple plus parfait.
Peale distille l’optimisme et l’auto-suffisance du caractère américain en un credo simple. Le premier article de sa foi étant un fort patriotisme. Il appelait les États-Unis « le plus grand pays du monde » et adressait ses écrits aux « gens ordinaires de cette terre » qui « sont les miens que je connais, que j’aime et qui ont une grand foi ». Ce sont ces gens qu’il a rencontrés dans les loges maçonniques, les hôtels de villégiatures et les salles de conférence des bateaux de croisières. En eux, il a senti une morale innée et un certain potentiel. N’importe lequel d’entre eux pourrait être efficace et couronné de succès – si seulement il pouvait croire en lui-même, en utilisant la puissance de la pensée positive.
Peale promet à ses lecteurs une « énergie constante » à condition qu’ils pensent positivement. Les pensées optimistes ouvrent à une force vitale qui vient directement de Dieu. Les pensées négatives, et spécialement la tendance à s’attarder sur ses propre fautes, peuvent interférer avec la force divine. Il met en garde ceux qui ont une conscience active car « la quantité de force vitales nécessaire au soulagement de la personnalité en face de la culpabilité ou de la peur » est si grande qu’il ne reste « qu’une fraction d’énergie » pour vaquer à ses tâches ; la productivité et la gaité devenant pour lui les signes de l’élection éternelle (En attaquant Jeb Bush sur sa « faible énergie » Trump l’accuse en fait d’être dépourvu du Saint Esprit).
Selon Peale, « les attitudes sont plus importantes que les faits ». L’homme qui montre « un schéma de pensée confiant et optimiste peut entièrement modifier et surmonter les faits ». Le premier fait que la pensée positive de Peale a dû surmonter est celui de la fragilité humaine. Peale connaissait les difficultés que certains rencontrent dans l’alcool, dans un mariage difficile, ou des problèmes économiques, mais il n’a jamais accepté l’inéluctabilité de l’infortune et le fait que tous doivent payer le prix du péché. Comme l’un des consolateurs de Job, il dit aux malheureux qu’il leur faut simplement regarder du coté lumineux. Lorsque la Bible exhorte l'homme à scruter son cœur et à connaître ses défauts, Peale l'encourage à « faire une estimation réelle de sa propre capacité, puis à l’augmenter de dix pour cent ». Pour Jérémie, le cœur est par-dessus tout trompeur et désespérément mauvais, mais pour Peale ses recoins les plus sombres sont baignés du soleil de Californie.
Ainsi, la nécessité de la repentance disparaît. Il est important de penser positivement, et une pensée négative, telle que Domine, non sum dignus, peut être préjudiciable à la santé spirituelle. Pourtant, l'aspect sombre de la pratique chrétienne traditionnelle est aussi la source de la compassion chrétienne. Au moment où un chrétien demande le pardon, il lui faut reconnaître sa propre faiblesse et regarder avec miséricorde la faiblesse des autres. Dans le Notre Père, le chrétien demande d’être pardonné, de la même façon que lui-même pardonne. De la terreur sacrée que Peale appelle «la pensées peureuse» vient la lumière de l'amour chrétien.
A un rassemblement de campagne électorale dans l’Iowa, Trump a choqué le public en disant qu’il n’a jamais demandé pardon à Dieu. Toutes ses autres déclarations troublantes -ses attaques envers chaque groupe vulnérable- deviennent compréhensibles à partir de celle-là. La foi auto-suffisante de Peale absorbée par Trump ne laisse pas de place à la faiblesse humaine. La fragilité humaine, la dépendance, et le péché ne peuvent pas être reconnus ; ils doivent être vaincus. Ceci ouvre la possibilité d’une grande cruauté envers ceux qui ne peuvent se souhaiter à eux-mêmes d’être des vainqueurs. Un homme, qui n’a pas besoin de demander pardon, n’a jamais besoin de pardonner aux autres. Il ne reconnait pas sa propre faiblesse, et donc se moque et injurie tous les signes de faiblesse de ses semblables.
Parce que Peale était un homme honnête et d’une foi chrétienne sincère, si ce n’est tout à fait orthodoxe, il n’a jamais tiré les rudes implications de son point de vue. Trump ne ressent pas cette retenue, et a donc tiré les conclusions logiques de l’enseignement de Peale. Il a traité la veuve dont il a essayé de prendre la maison d’«effroyable être humain » dont l’avocat est de toute façon un «perdant». Il s’est moqué d’un journaliste pour avoir une main déformée. Il a dénigré une concurrente d’un de ses spectacles de télé réalité en suggérant à quoi elle pourrait ressembler dans un scénario pornographique. Et il a applaudi le programme de Planification Parental pour le « très bon travail » réalisé.
Aujourd’hui Peale est largement oublié, et son Best-seller traine dans les magasins de livres usagés. Ce fait est une honte car il nous a entrainé à sous-estimer l’influence et le pouvoir de la foi auto-suffisante qu’il a promue et qu’il transmettait à ses meilleurs étudiants. Peale voulait prêcher un credo tendre qui fait du feu de l’enfer et de la terreur une réflexion de seconde importance. En Trump, il s’est transformé en un dédain païen. Les deux formes de cette philosophie ont capté l’imagination du public, et les deux sont en désaccord avec la foi enseignée par le Christ.
Le christianisme est une religion de perdants. Aux faibles et aux humbles, il offre un Seigneur dépouillé et humilié. A ceux qui n’ont pas de raison d’être optimistes, il brandit la croix comme signe d’espérance. A tous ceux qui ne réussissent pas dans la vie, il fait la promesse suivante : qui perd sa vie pour l’amour du Christ la trouvera. En son centre se trouve une vérité que nous sommes enclin à oublier. Il y a des personnes qui ne peuvent pas être transformés en vainqueur, quelque soit l’intensité positive de leurs pensées. Ils ont besoin de quelque chose de plus paradoxal et cruciforme.
Après l'un des emportements de Trump, je marchais jusqu'à l’église Marble Collegiate pour voir où il avait autrefois prié. J’ai essayé d’entrer par la porte de devant, puis par la porte latérale avant de réaliser que l’église était fermée. Lorsque que j’étais sur le point de faire demi-tour, un gardien sortit du bâtiment. Il me demanda ce que je voulais et me conduisit à l’intérieur. Le sanctuaire était peint en bordeaux et or, avec une moquette moelleuse et des bancs avec supports pour maintenir les tasses en plastique utilisées pour la communion. Le concierge signala un vitrail récemment installé représentant la Crucifixion. « Avant que ce vitrail soit installé, il n’y avait pas de croix ici », me dit-il. Je lui ai demandé s’il était un fidèle de cette église et il me répondit que non, qu’il était catholique.
Matthew Schmitz, Rédacteur de la rubrique littéraire de First Things.
Source : Donald Trump, a man of faith, First Things, Août 2016