Claude Rich, la fantaisie d’un élégant
Arnaud Schwartz, le 21/07/2017 à 16h02
Mis à jour le 22/07/2017 à 9h50
Couronné d’un César d’honneur en 2002, le comédien est décédé jeudi 20 juillet à l’âge de 88 ans.
Il laisse l’image d’un artiste délicat, inventif, à l’enthousiasme et à la générosité intacts.
Claude Rich, le 26 avril 2007 à Paris. / JACQUES DEMARTHON/AFP
La réussite d’une carrière d’artiste ne se mesure pas au nombre de rôles endossés, sauf lorsqu’on sait que chacun d’entre eux (80 au cinéma, 50 au théâtre, 20 pour la télévision) fut soigneusement choisi et travaillé. Au fil des décennies, depuis ses grands débuts dans Un Conte d’hiver de William Shakespeare en 1951, Claude Rich n’a jamais perdu cette flamme qui lui a permis de revêtir tous les costumes avec enthousiasme, générosité et goût de l’expérimentation.
Il était de ces comédiens dont on dit volontiers qu’ils sont des « stradivarius », sublimant leurs personnages, à la fois capables de mille nuances et tout à fait singuliers. On l’a vu dans des soutanes de curés de campagne et dans le pourpre cardinalice. Jouer les gendres impétueux et fantaisistes (comme avec Louis de Funès dans Oscar) et se muer en « pervers intelligent » au théâtre, inoubliable Tallayrand face à Brasseur/Fouchet, dans Le Souper de Jean-Claude Brisville. L’adaptation de la pièce au cinéma par Édouard Molinaro lui vaudra en 1993 son premier César, suivi en 2002 d’un César d’honneur pour l’ensemble de sa carrière.
« Sa jeunesse, sa folie, son inventivité »
Il fut le druide Panoramix dans Astérix et Obélix : mission Cléopâtre d’Alain Chabat comme le général Pitard de Lauzier dans Capitaine Conan de Bertrand Tarvernier. En 2006, le cinéaste, qui en avait aussi fait le méchant Duc de Crassac dans La Fille de d’Artagnan, l’évoquait en ces termes dans La Croix : « J’aime sa jeunesse, sa folie, son inventivité. Il est comme un joueur de jazz qui fait chaque fois des variations différentes, pour le plaisir, pour épater. Ensuite, j’aime ses angoisses et ses doutes, sa discrétion. Il se conduit de manière formidable sans en tirer aucune gloriole. On dirait que sur lui, les saletés de la vie n’ont aucune prise. »
Né à Strasbourg en 1929, orphelin de père à 5 ans, Claude Rich fut élevé à Paris par sa mère, au sein d’une fratrie de quatre enfants. Il découvre le théâtre en pension, à l’adolescence, pendant la guerre. Sa passion le mène au Conservatoire national supérieur d’art dramatique, aux côtés notamment de Jean Rochefort et Bruno Cremer. Il en sort en 1953 avec un second prix. Sa mère rêvait de le voir devenir prêtre. Il débute comme employé de banque, mais sa carrière s’envole bientôt.
Touche aristocratique
Dès 1955, René Clair l’embarque dans ses Grandes manœuvres. En 1958, il collabore pour Yves Robert à Ni vu… Ni connu… Le début des années 1960 le voit passer devant la caméra de Jean Renoir (Le Caporal épinglé), Michel Deville (Ce soir ou jamais), Julien Duvivier (La Chambre ardente), Claude Chabrol (Les Sept péchés capitaux). Mais c’est dans le rôle d’Antoine Delafoy, compositeur de musique contemporaine aux manières éthérées, confronté à un futur beau-père terrien et carnassier, qu’il accède à la notoriété. C’est, bien sûr, Lino Ventura et Les Tontons flingueurs de Georges Lautner.
Claude Rich se marie en 1959 avec une jeune comédienne qui lui ressemble étrangement, deviendra à la scène Catherine Rich et lui donnera deux filles, Delphine et Nathalie. En 1966, il est de l’aventure Paris brûle-t-il ? de René Clément, dans le rôle du général Leclerc, premier d’une longue série d’officiers auxquels il apportera sa touche aristocratique. De Jean-Pierre Mocky (Les Compagnons de Marguerite) à François Truffaut (La mariée était en noir), d’Alain Resnais (Je t’aime, je t’aime) à Édouard Molinaro (L’Ironie du sort), de Pierre Schoendoerffer (Le Crabe-Tambour) à Danièle Thompson (La Bûche), nombre de cinéastes sont friands de son jeu chaque fois réinventé, adaptable à tous les univers.
« N’oubliez pas Dieu »
Élevé « de façon très chrétienne », un temps éloigné des bancs de l’église « mais pas de cet héritage reçu », disait-il, Claude Rich avait renoué au début des années 2000 avec une vie de pratiquant. Il se disait « chrétien un peu pitoyable », « incapable de parler de sa foi plus de cinq minutes », tout en s’efforçant « d’être meilleur en ce domaine ». En lui résonnait ce conseil de Louis Jouvet : « N’oubliez jamais, lorsque vous serez au sommet, que le succès est éphémère et la mort au bout. N’oubliez pas Dieu. »
Arnaud Schwartz
http://www.la-croix.com/Culture/Cinema/Claude-Rich-fantaisie-dun-elegant-2017-07-21-1200864622
+ lire son témoignage de foi :
Page 4 de l'1visible dans le n° de Juin 2016
http://doczz.fr/doc/5582309/l-1visible-juin-2016-pages-locales-1-%C3%A0-9