L’ange gardien : un indispensable compagnonMAGAZINE – Désuète, la prière aux anges gardiens ? Fortement encouragée par l’Église, elle a marqué la vie de nombreux saints et papes, et aujourd’hui encore beaucoup de chrétiens en contemplent les fruits.
Un ange à nos côtés
« Du début de l’existence au trépas, la vie humaine est entourée de leur garde et de leur intercession. “
Chaque fidèle a à ses côtés un ange comme protecteur et pasteur pour le conduire à la vie”, énonce le Catéchisme de l’Église catholique (n° 336) en citant saint Basile.
La foi de l’Église se fonde notamment sur ce passage de l’Évangile : “
Gardez-vous de mépriser un seul de ces petits, car, je vous le dis, leurs anges dans les cieux voient sans cesse la face de mon Père qui est aux cieux.” » (
Mt 18, 10).
Pie XI envoyait son ange gardien au-devant de celui de ses interlocuteurs quand il lui arrivait de «
devoir parler avec une personne difficilement accessible à [ses] arguments ». Jean XXIII confiait s’adresser à son ange gardien plusieurs fois par jour, et raconta même un jour que l’idée du concile Vatican II lui avait été inspirée par cet ami céleste. Plus récemment, le pape François a évoqué dans une homélie à la Maison Sainte-Marthe ce «
compagnon de voyage » qui «
nous accompagnera jusqu’au bout de notre vie », qu’on est trop souvent tenté de chasser loin de soi, alors que «
personne ne peut se conseiller soi-même ».
L’Occident cartésien, puis les décennies post-conciliaires, ont remisé les anges gardiens au rayon des bondieuseries un peu folkloriques. Pourtant, des papes aux saints, en passant par les apparitions et les écrits des Pères de l’Église, on ne compte pas les témoignages de la présence et de l’action de ces créatures invisibles dont Dieu a doté chacun de ses enfants, et que l’Église célèbre le 2 octobre.
Sainte Brigitte ou sainte Françoise Romaine voyaient le leur, et saint Thomas leur consacra trois articles de sa
Somme théologique.
Dans de nombreuses familles chrétiennes, la dévotion à son ange gardien s’ancre dès le plus jeune âge, par la prière quotidienne, comme en témoigne Monica, jeune grand-mère d’origine autrichienne mariée à un Français : «
Je récite tous les jours avant de me lever la prière à mon ange gardien que m’ont apprise mes parents. Je confie à leurs anges chacun de mes enfants, et même de mes petits-enfants. Cette prière est inscrite si profondément en moi que je la dis toujours en allemand. Je ne pourrais pas me lever sans la dire ! »
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A LIRE AUSSI : Prière à l'ange gardienPlus récemment, le film d’animation
Le Grand Miracle (produit en France par Saje) leur fait la part belle. Inspiré de révélations privées, il met en scène les anges gardiens de trois personnages, qui leur enseignent la messe en leur faisant entrevoir les réalités du Ciel. «
Depuis ce film, témoigne Anne-Laure,
j’invoque tout particulièrement mon ange gardien au moment de l’offertoire, pour qu’il porte ma prière vers Dieu. » Mais les anges gardiens sont entrés dans la vie de prière de cette maman il y a plusieurs années, avec la scolarité de ses enfants : «
Ils récitaient tous les jours une prière à leur ange gardien, que nous récitons encore régulièrement aujourd’hui en famille. Quand j’ai repris le travail, j’ai pris l’habitude d’invoquer leur ange gardien. Je lui demande de prendre le relais et de les protéger quand je ne suis plus avec eux. » Une attitude qui la déleste de ses angoisses, et nourrit aussi sa vie spirituelle : «
Quand je confie mon fardeau à mon ange gardien, je me sens libérée, dans l’abandon. »
L’ange gardien a un ministère extérieur
Car l’ange gardien a été créé pour guider son protégé vers Dieu : «
Sa mission est de nous accompagner et de nous conseiller ici-bas, tout en respectant notre liberté », explique Dom Paul Denizot, recteur du sanctuaire de Montligeon, dédié à la prière pour les défunts. «
Selon la tradition de l’Église, sa fonction première est l’illumination de l’âme. À la différence de l’Esprit Saint, le seul “maître intérieur”, l’ange gardien a un ministère extérieur : il dispose l’âme au bien et nous inspire par le biais de notre mémoire ou de notre imagination. Deuxièmement, il intercède pour nous auprès de Dieu, y compris au purgatoire. Enfin, il peut aussi, de façon tout à fait exceptionnelle, apporter son concours de façon concrète ou visible dans telle ou telle situation. Mais ces manifestations extraordinaires, qui sont un signe de l’amour de Dieu pour nous, ne sont pas l’essentiel de sa mission. »
Un tel signe, Astrid, mère de famille, en a vu un dans sa vie, alors qu’elle avait pris le volant pour une longue route, seule avec deux tout-petits : «
À un moment, j’ai perdu le contrôle de ma voiture, et j’ai commencé à voir la route danser devant moi, et la barrière de sécurité s’approcher. J’ai cru voir notre fin. Par réflexe, j’ai invoqué mon ange gardien en hurlant. La voiture s’est remise d’aplomb. Tout est allé très vite : j’ai seulement le souvenir de cette force qui a guidé mon volant à ce moment-là. J’y crois vraiment. Comme je le fais parfois, j’ai fait célébrer une messe d’action de grâce. Je n’oublie jamais de remercier mon ange gardien », témoigne celle qui a toujours nourri sa relation avec le sien, puis avec celui de ses enfants.
Pour autant, la jeune femme se refuse à l’invoquer pour des demandes futiles – «
Ce serait trop facile de le mettre à l’épreuve » –, et à voir dans la présence de ce compagnon céleste «
une recette miracle » : «
Cela reste une présence extrêmement mystérieuse, un compagnonnage que je prends au sérieux. S’il m’arrivait quelque chose, je ne crois pas que cela remettrait en cause ma foi. Pour moi, notre ange gardien est d’abord une créature qui est auprès de Dieu, et qui vient à nos côtés pour nous aider à vivre avec le Seigneur. »
À l’instar de cette fresque du
Jugement dernier de Fra Angelico, dans laquelle un dominicain joufflu rencontre au Ciel son ange gardien, représenté avec la même tête que lui, Astrid a ce désir : «
C’est une telle grâce de se dire qu’on a un compagnon au Ciel : j’espère que je pourrai le voir en arrivant là-haut. »