Comment va Jeanne ?
Le 16 octobre, Jeanne, 21 ans, passait définitivement la porte d’un monastère, près de Nantes. On imagine l’arrachement, pour ses parents, ses frères, le reste de la famille. Pour ses amis aussi… Mais Jeanne est heureuse, son père et sa mère en sont convaincus : «
Elle est totalement heureuse, avec les sœurs, et ça se voit », nous a dit Jean-Pierre Pelat. Qui est allé réaliser des travaux d’accessibilité et a été frappé par le fait que «
les sœurs sont toujours souriantes. Là-bas, ça respire l’amour et la sérénité, on n’en sort pas indemne… »
« Les sœurs sont toujours souriantes. Là-bas, ça respire l’amour et la sérénité, on n’en sort pas indemne… »
On pouvait craindre que sa myopathie et ses divers problèmes de santé (diabète etc.) seraient moins bien pris en charge. En fait,
ce nouveau rythme est plus compatible avec sa maladie : elle dort de 22 h à 6 h, ce qui n’était pas le cas quand elle était étudiante, entre devoirs à faire, sorties entre jeunes… «
Elle a même pris un peu de poids, alors qu’on n’arrivait pas à la faire grossir ». Sa vie d’adulte en fauteuil sera plus facile au monastère que dans notre monde, où il faut se battre pour les transports, le travail.
Pour l’instant, la jeune femme est en période de noviciat et ses journées se déroulent entre offices (dès 6h30-7h) et étude, avec deux récréations de 15 minutes. En mai prochain, elle sera en postulat pour six mois, puis elle prononcera ses vœux provisoires, en mai 2020. Elle portera d’abord un voile blanc, puis noir. Et elle changera de prénom.
Pour la famille, un grand vide accepté
Pour Jean-Pierre et Isabelle, qui s’occupaient de leur fille handicapée depuis 15 ans , «
le vide est là,
surtout le soir, quand on rentre du boulot ou au coucher ». «
On se dit ah oui, on a le droit de s’endormir devant la télé ! » Isabelle a eu quelques problèmes de santé. Le corps qui réagit, peut-être…
Le couple ne cherche pas à remplir le vide : «
Depuis des années, notre luxe, c’était de s’ennuyer. On s’accorde aujourd’hui le plaisir de ne rien faire. »
Les parents ont dû faire face au départ de leur dernier enfant en même temps que Jeanne : Valentin avait quitté la maison il y a quelque temps, Paul-Henri est étudiant et ne rentre que le week-end. Ils entrent rarement dans la chambre de leur fille : elle a quasiment tout laissé derrière elle…
Paul-Henri, qui était fusionnel avec sa sœur, a presque vécu le départ de Jeanne comme un deuil. «
Il a perdu son âme sœur, ça a été très très dur pour lui. Aujourd’hui, ça va un peu mieux. »
Jeanne a droit à 12 parloirs par an, à répartir entre les divers membres de sa famille, ses amis (mais un seul en six mois pendant le postulat à venir). «
On s’est mis d’accord : nous, ses parents, on ira un week-end par trimestre », détaille le père de la jeune religieuse. La prochaine visite est prévue mi-mars. Les Pelat ont loué un mini-bus pour pouvoir emmener toute une partie de la famille.
Pour Jeanne, «la souffrance est un chemin vers Dieu»
Le premier livre de Jeanne, au bénéfice du Téléthon, racontait son combat contre la myopathie.
Résiste (publié aux éditions Bayard), était plutôt grand public. C’est moins le cas avec l’ouvrage que la jeune femme a écrit avant de passer la porte du couvent, pour devenir moniale, et qui vient de sortir, également chez Bayard. Il parlera sans doute aux croyants, moins aux autres… Intitulé
La souffrance, chemin vers Dieu, c’est un petit format, et il ne compte que 150 pages. Mais quel message ! Il se veut «
une déclaration d’amour de Dieu à ses soldats de la miséricorde : les malades ».
Jeanne dans l’église du monastère, juste avant son entrée en clôture.
Comme la Passion du Christ
Jeanne y explique… l’inexplicable. En tout cas, c’est souvent comme ça que nous, communs des mortels, voyons la maladie, la souffrance, le handicap. «
Comment peux-tu croire à Dieu dans ton état ? », c’est d’ailleurs une phrase que Jeanne dit avoir souvent entendue.
On comprend au fil des pages que la jeune myopathe accepte ses souffrances (et elles sont loin d’être minimes !) parce qu’ainsi elle «
ressemble mieux au Christ en croix ». Pour elle, la souffrance «
vient de l’homme, du Malin, pas de Dieu (…) Voilà la force que nous donne l’Esprit : la force de sourire en versant des larmes. ».
Une collègue, à la lecture de l’interview que Jeanne nous avait donnée, avant de devenir recluse, avait lâché : «
C’est une sainte, cette fille ! » On n’est pas loin de se dire la même chose, en refermant son bouquin…
Les droits d’auteur de ce livre (prix : 14,90 €) seront reversés à la paroisse Notre-Dame-de-Pentecôte pour la restauration des églises Saint-Michel et Sacré-Cœur (Lille), et aussi du monastère où vit Jeanne.
LA VOIX DU NORD 1er février 2019
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