Un peu d’histoire
Nous avons le témoignage « en direct » de Frère Raphaël, prêtre Augustin Déchaussé, en charge de la chapelle-sanctuaire qui contenait la petite statue miraculeuse de Notre-Dame de Bargemon, ou de la sainte Vierge de Bargemon.
Cette chapelle était alors indifféremment désignée par les habitants comme la Sainte chapelle de Bargemon ou Chapelle de Montaigu, et le fut jusqu’à la fin du XIX° siècle.
Ces patronymes – le Père Raphaël n’a jamais utilisé le nom de Montaigu pour la Vierge ou le Sanctuaire à Bargemon – peuvent étonner ceux qui ont été habitués à entendre parler de la statuette et de la chapelle sous le seul vocable de Notre-Dame de Montaigu.
Montaigu en Flandre est un haut-lieu marial depuis le XVI° siècle, où la sainte Vierge fait de nombreux miracles et attire des pélerins de toute l’Europe. Cela commença par une statue miraculeuse placée dans un chêne, chêne qui servit ensuite généreusement de support à de nombreuses reproductions miniatures, statuettes qui furent distribuées un peu partout en Europe et souvent accompagnées de miracles là où elles étaient installées.
À Paris par exemple, lorsque Louis XIII entreprit la construction de l’église Notre-Dame des Victoires, le Frère Fiacre, Augustin Déchaussé lui aussi, apporta une statuette de Montaigu sur le lieu des fondations.
Celle-ci fut ensuite vénérée dans leur couvent. C’est ce même Frère qui reçut les prophéties et apparitions concernant la naissance de Louis XIV et créa alors le Sanctuaire de Notre-Dame de Grâces à Cotignac. Ailleurs en France on retrouve ces statuettes dans le Doubs, en Côte-d’Or, en Vendée, à Clermont, etc., où elles ont souvent conservé le nom de Notre-Dame de Montaigu.
Pour Bargemon il en fut autrement. Sans doute parce que son arrivée fut précédée d’une apparition de la Sainte Vierge attestant la grâce unique qu’elle apporterait en ce lieu, et donc pour ce lieu, et à partir de ce lieu pour toute la France… Les Augustins installés à Bargemon ne s’y sont pas trompés. Ils connaissaient Montaigu, ils savaient que la sainte Vierge, là-bas et là où ces statuettes étaient exposées, faisait des merveilles. Ils ont pourtant très vite reconnu que les grâces obtenues à Bargemon étaient sans commune mesure, au point même d’affirmer qu’ici elle les donnait absolument toutes avec des manifestations prodigieuses, quand ailleurs elle les accordait en fonction d’une attente spécifique telle que la Miséricorde, l’Espérance, la Santé, la Vie, la Bonne Mort, etc.
Ainsi, le Père Raphaël écrit : « Entre ces lieux qu’en diverses époques elle a choisis, l’honneur que je dois à cette souveraine des cieux et les diverses merveilles dont mes yeux ont été les témoins, m’obligent à dire, à ceux qui ne le savent pas, qu’il y a en Provence une sainte et vénérable chapelle dans la ville de Bargemon, où depuis cinq ans cette magnifique Princesse semble recevoir et donner de meilleur cœur qu’en aucun lieu du monde ». « Cette magnifique princesse produit en ce lieu de Bargemon, des miracles avec plus d’évidence et d’abondance qu’en aucun lieu du monde, pour quelque secret du ciel, que j’adore, ne pouvant le comprendre. Il n’y eut jamais lieu plus fréquenté… ».
Et cela ne semble pas chez lui relever de l’élan oratoire, puisqu’il assure qu’ « on entendait à tout moment dans la chapelle, qui nuit et jour était pleine de fidèles, des cris d’admiration et de joie, qui éclataient pour la publication de quelque nouveau miracle. » Résurrections de morts, guérisons physiques, délivrances, protections prodigieuses, résolution de situations impossibles, et ceci non seulement pour les hommes mais aussi les animaux et les éléments naturels : rien ne résiste à celle qui a établi à Bargemon le siège de sa bonté et le trône de sa puissance, excitant la ferveur amoureuse des peuples ici et ailleurs.
Ainsi, la Vierge Marie prit en ce lieu le nom de Notre Dame de Bargemon, et la chapelle fut indifféremment appelée Sainte Chapelle de Bargemon ou chapelle de Montaigu. En 1866, un chapitre entier d’un ouvrage sur les sanctuaires mariaux de France est encore consacré à Notre Dame de Bargemon, preuve de la permanence et du rayonnement en France de la grâce propre à notre village[3].
Cependant, localement les choses ont bien changé, sans qu’on sache ni quand ni pourquoi. On n’invoque plus à la fin du XIX° siècle Notre Dame de Bargemon mais de Montaigu, et non n’avons plus aucun témoignage ensuite de miracles de la Sainte Vierge sur place à Bargemon. Et l’on n’a aujourd’hui plus aucun témoignage public de guérison attribuée à Notre-Dame de Montaigu à Bargemon. Parmi les très rares documents encore existants, un registre a été retrouvé, livre des pélerins mis à disposition dans la chapelle pour y inscrire les témoignages ou intentions de prière des gens de passage. De ce registre daté de 1859 à 1901, seules quarante feuilles recto-verso sont utilisées. On y trouve certes le récit de la guérison d’un prêtre dans une autre ville, mais qu’il décrit comme n’étant pas cependant un miracle mais une protection. C’est-à-dire qu’en quarante-deux ans, la ferveur des pélerins ne couvrant qu’une feuille par an, personne n’a témoigné d’un miracle obtenu par l’intercession de Notre-Dame de Montaigu. Et dans un livre de la fin du XIX° siècle consacré aux sanctuaires de France, le curé de Bargemon se plaint que la chapelle n’attire pratiquement plus personne. On est loin du témoignage du Père Raphaël qui écrivait : « Tout cède aux efforts de Marie invoquée dans cette chapelle, dont le registre est plein de guérisons… ».
A l’heure où nous écrivons, le sanctuaire en attente de restauration ne sert plus depuis dix ans ; le « pèlerinage annuel » à Notre-Dame de Montaigu consiste en une messe suivie d’un méchoui pour les habitants du village ; les villageois eux-mêmes ne savent rien ou pas grand chose des grâces prodigieuses dont la sainte Vierge a gratifié Bargemon. Cependant, un fort attachement populaire à la chapelle demeure, qu’une association se dévoue à soutenir.
Ayant découvert depuis mon arrivée comme curé que la grâce agissait à profusion à l’époque où on vénérait ici la Sainte Vierge sous le vocable de Notre-Dame de Bargemon, constatant de plus que les prêtres de l’époque la faisaient connaître et prier sous ce nom et que c’est à ce nom qu’elle répondait si généreusement, j’ai ressenti l’appel à la faire connaître de nouveau.
Priant un matin devant la statue miraculeuse qui ne faisait plus de miracles depuis longtemps, je disais à Marie que si elle voulait redonner sa grâce en tant que Notre Dame de Bargemon, il fallait qu’elle m’indique de quelle manière procéder.
J’étais encore devant elle lorsque mon portable sonna. C’était le responsable Diocésain des pèlerinages, qui me dit : « On organise chaque année un pèlerinage d’un jour, et je cherche un endroit nouveau. Est-ce qu’il y a quelque chose à Bargemon ? »
Ébahi, je levai les yeux vers la statue et lui répondis après un silence : « Oui, il y a quelque chose à Bargemon… ».
Ainsi commença le renouveau de la dévotion à Notre Dame de Bargemon. D’autres pèlerinages s’organisèrent spontanément en quelques mois, l’un de La Valette du Var, l’autre de Draguignan, puis d’autres en France ou ailleurs, tout cela sans aucune publicité…
Le 17 Mars 2016 (anniversaire de l’apparition), la statuette miraculeuse et le tableau de l’apparition (premier tableau réalisé en 2016 à partir de la description de Mme Caille le 17 Mars 1635) furent intronisés dans l‘église paroissiale, qui accueille désormais la ferveur des habitants et pèlerins. De mémoire de bargemonais c’est la première fois depuis des décennies – peut-être depuis la Révolution – que la statuette est accessible en permanence à la dévotion.