par Invité Mar 3 Sep 2019 - 17:55
L’épicerie locale vend des souvenirs liés à l’ancien président
Portrait. Jimmy Carter, le président anti bling bling
Âgé de 94 ans, l’ancien président démocrate vit modestement dans l’État de Géorgie, où il est né, et jette un regard critique sur le petit monde de Washington et sur l’actuel locataire de la Maison-Blanche, Donald Trump.
Jimmy Carter termine son dîner – gratin de saumon et de brocoli servi dans une assiette en carton –, adresse son célèbre sourire à Rosalynn, son épouse depuis 72 ans, et lui lance sur un ton espiègle : “On y va, jeune fille ?”
Il prend sa main en riant et le couple traverse avec précaution une cuisine encombrée de badges de la campagne électorale de 1976 et de photos de leaders mondiaux, avant de sortir par la porte de derrière, où sont postés trois agents du service de protection des présidents.
Ce rituel se répète tous les week-ends dans la petite ville de Plains, dans le sud de l’État de Géorgie, où ils sont nés, il y a près de 94 ans pour lui et de 91 pour elle.
Chaque fin de semaine, ils vont dîner chez leur voisin et ami Jill Stuckey – un repas arrosé de gobelets d’eau glacée et d’un verre d’un chardonnay d’entrée de gamme –, puis rentrent à pied jusqu’au ranch qu’ils ont fait construire en 1961, à 800 mètres de là.
En cette soirée d’été, la température avoisine encore les 32 °C et ils s’appliquent une lotion sur le visage pour repousser la nuée de minuscules insectes qui volettent autour d’eux. Puis ils se reprennent la main et se mettent en marche, l’ancien président en jeans et grosses chaussures noires et l’ancienne première dame s’aidant d’une canne pour la première fois.“Je n’ai jamais eu l’ambition de m’enrichir”
Le 39e président des États-Unis vit modestement, à la différence de ses successeurs, qui ont quitté la Maison-Blanche pour se vouer à une puissance d’un autre genre : l’argent. Même ceux qui, au départ, n’étaient pas riches, comme Bill Clinton ou Barack Obama, ont gagné des dizaines de millions de dollars dans le secteur privé.
À l’issue d’un mandat tumultueux, Carter, battu par Ronald Reagan à l’élection présidentielle de 1980, est retourné dans cette bourgade de Géorgie, qui vit de la production d’arachide et de coton, et où le taux de pauvreté frôle les 40 %.
L’ancien président démocrate n’a pas souhaité siéger dans des conseils d’administration ou prononcer des discours en échange de juteuses rétributions, car il ne voulait pas “tirer un avantage financier de son séjour à la Maison Blanche”.
Selon l’historien Michael Beschloss, Gerald Ford, le prédécesseur de Carter, a été le premier à tirer parti d’activités postprésidentielles grassement rémunérées, mais “Carter a choisi la voie opposée”.
Après Ford, d’autres anciens présidents, et parfois leurs épouses, ont empoché des centaines de milliers de dollars pour chacune de leurs allocutions. “Je ne vois rien de mal à cela ; je ne le leur reproche pas”, observe Carter après son repas. “C’est juste que je n’ai jamais eu l’ambition de m’enrichir.”
Carter avait 56 ans quand il est retourné vivre à Plains. Sa plantation de cacahuètes, gérée durant sa présidence par une société fiduciaire indépendante, croulait sous un million de dollars de dettes et il a été contraint de la vendre. “On pensait qu’on allait tout perdre”, confie Rosalynn, assise à côté de son mari.Le plus ancien ex-président
Carter a décidé de tirer des revenus de l’écriture et il a publié 33 ouvrages – sur sa vie, sa carrière, la religion, la paix au Proche-Orient, les droits des femmes, le vieillissement, la pêche, le travail du bois, et même un livre pour enfants, The Little Baby Snoogle-Fleejer [“Le petit Snoogle-Fleejer”], coécrit avec sa fille, Amy.
Avec les ventes de ses livres et les 210 700 dollars de pension annuelle versés aux anciens présidents, le couple vit confortablement. Mais l’écriture ne lui a jamais rapporté les sommes colossales que touchent certains de ses successeurs.
Carter, qui a quitté la Maison Blanche il y a trente-sept ans, est le plus ancien ex-président. Son train de vie relativement modeste est de plus en plus rare à l’ère du président Trump, un milliardaire qui a des lavabos en or massif dans son avion privé et possède un luxueux penthouse à Manhattan et un domaine à Mar-a-Lago en Floride.
Carter est le seul ex-président à avoir réintégré la maison.