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Note à propos du livre à paraître du P. Conrad de Meester : la fraude mystique de Marthe Robin
Le père carme Conrad de Meester (1936-2019) crée du trouble post mortem dans l’Église à propos d’une expertise qui lui a été demandée il y a 30 ans lors de la phase diocésaine de la procédure en béatification de la servante de Dieu Marthe Robin (1902-1981). Ses conclusions n’ayant pas été retenues, il en aurait conçu une déception et une rancœur qui ont conduit son Ordre à la publier dans une célèbre maison d’édition catholique. L’ouvrage y est présenté commercialement comme devant causer un séisme.
Le principal problème posé est que le public a le seul jugement de ce père, certes docteur en théologie et spécialiste des textes mystiques. Mais cela ne peut absolument pas suffire pour se former le jugement qui a été celui de la Congrégation pour les Causes des Saints qui a déclaré la servante de Dieu Vénérable en 2014.
Il ressort de cet ensemble que la raison principale pour laquelle le rapport de Conrad de Meester n’a pas été retenu est qu’il est exclusif, outrancier et à charge. Le père s’est trouvé devant le difficile problème des citations de plus d’une vingtaine d’auteurs spirituels dans les écrits attribués à Marthe. Il a immédiatement conclu au plagiat. À partir de là, il a étendu son doute à tout le reste, en particulier aux conclusions des quatre graphologues experts auprès des tribunaux et à celles des meilleurs professeurs de médecine qui ont été consultés. Convaincu que Marthe mentait et trompait sciemment son monde, alors qu’elle était grabataire et aveugle, dans l’incapacité de déglutir, il l’a fait remarcher, rédiger ses cahiers en cachette, manger et boire à l’insu de tous, etc. Il est persuadé d’avoir découvert, seul, le plus grand cas d’imposture de toute l’histoire de la mystique. Conrad de Meester a fabriqué un système d’explication dont il n’a plus jamais pu sortir.
Tous les autres spécialistes de cette étude, sans forcément concorder dans toutes leurs conclusions, ont retenu quant à eux d’autres explications rationnelles, en particulier fondées sur la maladie de Marthe.
Personne ne doute de la profondeur et de la vérité de sa démarche spirituelle. Nulle part n’apparaît dans les appréciations des graphologues, des psychologues et des médecins les traces d’une personnalité déviante, perverse ou manipulatrice. Le portrait dessiné est au contraire celui d’une personne franche et claire. Tous les experts consultés, médecins, graphologues, démonologues, théologiens, psychologues, psychiatres, avec chacun l’approche de sa discipline, tombent d’accord sur un point : la sincérité de Marthe.
En particulier, les psychologues ont noté que si Marthe était falsificatrice, cela aurait dû se retrouver dans sa psychologie, ce qui n’est pas du tout le cas. Toutes les analyses approfondies du caractère de Marthe lui reconnaissent une parfaite intégrité. Personne ne dénote chez elle de personnalité hystérique, au sens de personnalité égocentrique, superficielle et inauthentique. Il n’y a pas de pathologie délirante. Pas non plus de mythomanie ni de perversité. Personne ne détecte de double personnalité. Certes Marthe est malade mais il s’agit d’une personne unifiée dans sa maladie.
La chambre de Marthe Robin
Pour se pencher sur un seul point, celui du « plagiat » supposé, d’autres explications plus évidentes ont été retenues. Marthe n’avait pas de formation scolaire. Sa seule culture venait de ce qu’elle avait lu et de ce qu’on lui avait lu à partir de 1928. Elle a formé elle-même sa méthode en s’appuyant sur la Parole de Dieu, sur ses lectures et sur son expérience. C’est ainsi qu’elle emploie « je » en citant d’autres extraits d’expériences spirituelles qui ont éclairé la sienne. Un théologien a fait remarquer qu’elle utilisait sans le savoir la même méthode que les prophètes dans la Bible. Nous nous trouvons devant une femme qui vit des expériences fortes, qui a besoin de les exprimer mais qui ne sait pas comment le faire.
Marthe Robin n’a écrit pour aucun public. Certains textes sont pour son père spirituel qui le lui avait demandé. Le reste était pour elle une façon d’y voir clair dans sa vie. Il n’est donc jamais question de plagiat. Cette aveugle connaît par cœur des passages de la Bible, des textes et des pensées des auteurs spirituels qui éclairent ce qu’elle vit. Cela déclenche chez elle un travail de comparaison et de commentaires. Elle formule ce qu’elle vit avec de multiples passages qui ont résonné en elle et elle en a fait quelque chose de nouveau. À noter que c’est le processus de formation du Magnificat de Marie (Lc 1, 46-55) qui est fait d’une multitude de citations bibliques mais qui est neuf.
Dans sa souffrance indescriptible, elle n’a pas de mots pour la dire. L’expérience des autres lui en montre le chemin. Elle va chercher la juste formulation chez des auteurs spirituels confirmés pour être à l’abri d’une erreur ou d’une maladresse dans l’expression. C’est dans cette perspective qu’elle s’approprie textes et concepts.
La Plaine
À la légitime émotion suscitée par cette prétendue révélation d’une imposture, faisant hélas suite à la dénonciation très contestée de faits reprochés à son père spirituel, le père Georges Finet (1898-1990), ayant eu la chance de très bien le connaître ainsi que Marthe Robin, m’étant toujours depuis intéressé de très près à tout ce qui les concernait, j’appelle à la raison. Non, le père Conrad de Meester, n’est pas le cavalier blanc solitaire qui aurait débusqué le dragon de l’imposture. Il n’a certes pas supporté que son travail soit mis en perspectives parmi tous les autres travaux d’envergure qui ont été faits à ce sujet.
Mais c’est le processus normal de tout travail dans toute forme de société. Chacun apporte sa pierre à l’édifice et c’est l’ensemble qui permet de juger du tout et de la partie. Il est regrettable que son Ordre ainsi qu’une maison d’éditions considérée comme respectable se livrent au sensationnalisme. Peut-être, sans l’avoir voulu, contribueront-ils malgré tout à la redécouverte de la grandeur et de l’importance de Marthe Robin pour le monde et pour l’Église d’aujourd’hui ?
Ni touchée, ni coulée ! Il n’y aura pas de tsunami. Le retour au calme et à la raison s’impose. N’étant qu’un des petits rouages de ce si bel ensemble qu’est l’Église, je ne perds pas confiance et j’appelle tout un chacun plus important que moi à dire avec le même courage ce qu’il sait de la vérité au sujet de cette femme dont Paul Claudel a dit en 1950 :
1 À titre de comparaison, la cause de la Sœur Lucie de Fatima (1907-2005) compte 15 000 pages.
Note à propos du livre à paraître du P. Conrad de Meester : la fraude mystique de Marthe Robin
par le P. Pierre Vignon, prêtre de la Drôme.
Le père carme Conrad de Meester (1936-2019) crée du trouble post mortem dans l’Église à propos d’une expertise qui lui a été demandée il y a 30 ans lors de la phase diocésaine de la procédure en béatification de la servante de Dieu Marthe Robin (1902-1981). Ses conclusions n’ayant pas été retenues, il en aurait conçu une déception et une rancœur qui ont conduit son Ordre à la publier dans une célèbre maison d’édition catholique. L’ouvrage y est présenté commercialement comme devant causer un séisme.
Pourquoi le rapport n’a pas été retenu
Le principal problème posé est que le public a le seul jugement de ce père, certes docteur en théologie et spécialiste des textes mystiques. Mais cela ne peut absolument pas suffire pour se former le jugement qui a été celui de la Congrégation pour les Causes des Saints qui a déclaré la servante de Dieu Vénérable en 2014.
Rappelons que l’ensemble contient 17 000 pages1, ce qui laisse moins de 2 % au texte du père. On y trouve 25 expertises et pas loin de 200 témoins, sans compter les autres documents essentiels.
Il ressort de cet ensemble que la raison principale pour laquelle le rapport de Conrad de Meester n’a pas été retenu est qu’il est exclusif, outrancier et à charge. Le père s’est trouvé devant le difficile problème des citations de plus d’une vingtaine d’auteurs spirituels dans les écrits attribués à Marthe. Il a immédiatement conclu au plagiat. À partir de là, il a étendu son doute à tout le reste, en particulier aux conclusions des quatre graphologues experts auprès des tribunaux et à celles des meilleurs professeurs de médecine qui ont été consultés. Convaincu que Marthe mentait et trompait sciemment son monde, alors qu’elle était grabataire et aveugle, dans l’incapacité de déglutir, il l’a fait remarcher, rédiger ses cahiers en cachette, manger et boire à l’insu de tous, etc. Il est persuadé d’avoir découvert, seul, le plus grand cas d’imposture de toute l’histoire de la mystique. Conrad de Meester a fabriqué un système d’explication dont il n’a plus jamais pu sortir.
L’évêque de Valence de l’époque, Mgr Marchand, qui l’avait désigné comme expert, a conclu : « On ne retrouvait rien d’elle dans le portrait dressé par le P. de Meester. On a l’impression d’un autre personnage que personne n’a jamais vu. »
La personnalité de Marthe
Tous les autres spécialistes de cette étude, sans forcément concorder dans toutes leurs conclusions, ont retenu quant à eux d’autres explications rationnelles, en particulier fondées sur la maladie de Marthe.
Seul Conrad de Meester remet en cause la bonne foi de Marthe Robin alors qu’aucun témoin ni aucun autre expert ne l’ont contestée.
Personne ne doute de la profondeur et de la vérité de sa démarche spirituelle. Nulle part n’apparaît dans les appréciations des graphologues, des psychologues et des médecins les traces d’une personnalité déviante, perverse ou manipulatrice. Le portrait dessiné est au contraire celui d’une personne franche et claire. Tous les experts consultés, médecins, graphologues, démonologues, théologiens, psychologues, psychiatres, avec chacun l’approche de sa discipline, tombent d’accord sur un point : la sincérité de Marthe.
En particulier, les psychologues ont noté que si Marthe était falsificatrice, cela aurait dû se retrouver dans sa psychologie, ce qui n’est pas du tout le cas. Toutes les analyses approfondies du caractère de Marthe lui reconnaissent une parfaite intégrité. Personne ne dénote chez elle de personnalité hystérique, au sens de personnalité égocentrique, superficielle et inauthentique. Il n’y a pas de pathologie délirante. Pas non plus de mythomanie ni de perversité. Personne ne détecte de double personnalité. Certes Marthe est malade mais il s’agit d’une personne unifiée dans sa maladie.
La chambre de Marthe Robin
Le plagiat supposé
Pour se pencher sur un seul point, celui du « plagiat » supposé, d’autres explications plus évidentes ont été retenues. Marthe n’avait pas de formation scolaire. Sa seule culture venait de ce qu’elle avait lu et de ce qu’on lui avait lu à partir de 1928. Elle a formé elle-même sa méthode en s’appuyant sur la Parole de Dieu, sur ses lectures et sur son expérience. C’est ainsi qu’elle emploie « je » en citant d’autres extraits d’expériences spirituelles qui ont éclairé la sienne. Un théologien a fait remarquer qu’elle utilisait sans le savoir la même méthode que les prophètes dans la Bible. Nous nous trouvons devant une femme qui vit des expériences fortes, qui a besoin de les exprimer mais qui ne sait pas comment le faire.
Il y a plusieurs exemples dans la tradition mystique de l’Église. L’un des plus respectables est celui du saint Padre Pio (1887-1968) qui avait intégré la « langue » de sainte Gemma Galgani (1878-1903), et qui a exprimé ce qu’il a vécu lui-même dans la mystique sans même plus se rendre compte qu’il la citait.
Marthe Robin n’a écrit pour aucun public. Certains textes sont pour son père spirituel qui le lui avait demandé. Le reste était pour elle une façon d’y voir clair dans sa vie. Il n’est donc jamais question de plagiat. Cette aveugle connaît par cœur des passages de la Bible, des textes et des pensées des auteurs spirituels qui éclairent ce qu’elle vit. Cela déclenche chez elle un travail de comparaison et de commentaires. Elle formule ce qu’elle vit avec de multiples passages qui ont résonné en elle et elle en a fait quelque chose de nouveau. À noter que c’est le processus de formation du Magnificat de Marie (Lc 1, 46-55) qui est fait d’une multitude de citations bibliques mais qui est neuf.
Dans sa souffrance indescriptible, elle n’a pas de mots pour la dire. L’expérience des autres lui en montre le chemin. Elle va chercher la juste formulation chez des auteurs spirituels confirmés pour être à l’abri d’une erreur ou d’une maladresse dans l’expression. C’est dans cette perspective qu’elle s’approprie textes et concepts.
L’avis du père jésuite Xavier Léon-Dufour (1912-2007) est particulièrement intéressant : « Si Marthe a senti qu’elle était dans la même expérience que telle ou telle personne, pourquoi n’aurait-elle pas assimilé les deux expériences et utilisé les mots mêmes de l’autre ? Détecter les apparentements des dires de Marthe Robin, ce n’est pas pour autant déclarer qu’elle fut une faussaire, c’est seulement reconnaître qu’elle fait partie d’une lignée d’âmes pleinement données au Seigneur. »
La Plaine
Un retour au calme et à la raison s’impose
À la légitime émotion suscitée par cette prétendue révélation d’une imposture, faisant hélas suite à la dénonciation très contestée de faits reprochés à son père spirituel, le père Georges Finet (1898-1990), ayant eu la chance de très bien le connaître ainsi que Marthe Robin, m’étant toujours depuis intéressé de très près à tout ce qui les concernait, j’appelle à la raison. Non, le père Conrad de Meester, n’est pas le cavalier blanc solitaire qui aurait débusqué le dragon de l’imposture. Il n’a certes pas supporté que son travail soit mis en perspectives parmi tous les autres travaux d’envergure qui ont été faits à ce sujet.
Mais c’est le processus normal de tout travail dans toute forme de société. Chacun apporte sa pierre à l’édifice et c’est l’ensemble qui permet de juger du tout et de la partie. Il est regrettable que son Ordre ainsi qu’une maison d’éditions considérée comme respectable se livrent au sensationnalisme. Peut-être, sans l’avoir voulu, contribueront-ils malgré tout à la redécouverte de la grandeur et de l’importance de Marthe Robin pour le monde et pour l’Église d’aujourd’hui ?
Ni touchée, ni coulée ! Il n’y aura pas de tsunami. Le retour au calme et à la raison s’impose. N’étant qu’un des petits rouages de ce si bel ensemble qu’est l’Église, je ne perds pas confiance et j’appelle tout un chacun plus important que moi à dire avec le même courage ce qu’il sait de la vérité au sujet de cette femme dont Paul Claudel a dit en 1950 :
« Cette petite paysanne est une femme supérieure… Je la tiens pour une intelligence privilégiée et d’un ineffable sacrifice. »
Père Pierre Vignon, prêtre de la Drôme, le 21 septembre 2020
1 À titre de comparaison, la cause de la Sœur Lucie de Fatima (1907-2005) compte 15 000 pages.