Il est tout de même incroyable que, quel que soit l'endroit où l'on se trouve sur cette planète, les gens ne soient pas fichus de vivre sans se chercher querelle. Partout des guerres, des bombes, des attentats, des insultes, des haines cuites et recuites, des invectives à n'en plus finir comme si, au fond pour exister, les individus avaient un besoin irrépressible de se confronter à leurs semblables.
Ou, autrement posé, est-ce qu'on pourrait pas une bonne fois pour toutes décider de foutre la paix à son voisin, quels que soient son rang, sa couleur de peau, sa religion, son apparence, sa façon de s'habiller, de parler, de penser, d'être au monde, les fondements même de son identité? Ce serait tellement plus simple. La paix partout et sans condition. Comme dans un rêve d'enfant. Loin, très loin, de toutes ces gesticulations, ces criailleries qui semblent ne jamais vouloir finir.
Je crois en l'universalité de la condition humaine. Je le crois profondément. Je crois que tous tant que nous sommes, nous essayons de vivre dans un monde qui demeure, du jour de notre naissance à celui de notre mort, une énigme absolue face à laquelle nous tentons de donner le change sans savoir exactement ce que l'on attend de nous. De nos vies, on ne comprend pas grand-chose si ce n'est qu'un jour, elles finissent dans la solitude de la mort.
Nous sommes tous strictement pareils. Des enfants projetés dans un monde qui les dépasse et les violente, et face auquel nous sommes si désarmés que nous passons nos existences à essayer de l'oublier. Voilà pourquoi nous buvons, absorbons toutes sortes de drogues, regardons la télévision, travaillons, prions, cherchant par tous les moyens à occuper notre esprit afin de ne pas sombrer dans la folie qui rôde, omniprésente, à la lisière de nos vies.
Nous avons tous les mêmes peurs, les mêmes angoisses rongent nos pauvres petits cœurs désarmés et face au scandale de la mort, au néant promis, nous sommes tous aussi démunis, impuissants à lui trouver un sens ou une justification. Et les grandes questions de l'univers, les seules qui vaillent la peine d'être posées, nous écrasent du poids de leurs insondables mystères, de leurs invincibles silences.
En toute logique, si nous étions aussi intelligents que nous prétendons l'être, nous devrions tous tirer dans le même sens et rassembler nos forces afin de nous aider les uns les autres. Mais non, rien à faire, nous nous aimons si peu qu'il nous faut sans cesse reprocher à notre prochain d'exister, lequel nous ressemble tellement que si nous réfléchissions un peu, nous aurions honte de nous conduire de la sorte.
C'est dire combien nous sommes bêtes et méprisables. Combien nous sommes mesquins dans nos façons d'être. Combien nous étouffons sous le poids de nos égoïsmes personnels. Combien nous nous trompons quand nous voulons absolument imposer à l'autre notre vision du monde, laquelle ne diffère en rien de la nôtre, si ce n'est par des particularismes qui sont le fruit de circonstances et de hasards de naissance.
Dans ce monde plein de bruit et de fureur qui semble se disloquer un peu plus chaque jour, je ne connais qu'un mot qui vaille la peine d'être récité partout et en tout temps, c'est celui de tolérance.
La tolérance est la réponse à apporter au silence du monde.
La seule.
Laurent Sagalovitsch