Une affiche «à vendre» est apparue la semaine dernière devant l’église Très-Saint-Rédempteur, dans Hochelaga-Maisonneuve. Le bâtiment date de 1923.
« Magnifique église construite au début du XXe siècle avec beaucoup de cachet », clame l’annonce publiée par un courtier immobilier. Sous-utilisée, cette église datant de 1923 a été mise en vente il y a près d’un an, mais aucune transaction n’a pu être conclue, car les offres faites par une autre église et par des promoteurs n’ont pas été jugées recevables par le diocèse.
« Elle est en bon état, mais elle a quand même besoin d’un certain entretien », explique Caroline Clermont, responsable des bâtiments à l’Archidiocèse de Montréal. « Des dépenses ont été faites dans les dernières années pour des réparations sur la toiture et sur la maçonnerie afin d’arrêter les infiltrations d’eau. Elle est chauffée et n’a de dégradation avancée nulle part. Il y a un immense sous-sol très salubre et un très beau presbytère. »
Cette église n’est cependant pas classée en vertu de la Loi sur les biens culturels, et l’inventaire du Conseil du patrimoine religieux du Québec lui a accordé la cote D (moyenne), ce qui ne la rend pas admissible aux subventions gouvernementales.
Le moratoire
Il est peu fréquent qu’une église soit mise en vente à Montréal, compte tenu du moratoire sur les ventes qu’avait décrété l’archevêque Christian Lépine en 2012. L’église Saint-Victor, dans Tétreaultville, a été vendue en 2018 à un organisme communautaire pour la construction de logements pour personnes en difficulté. En 2019, l’église Saint-Bernardin-de-Sienne, dans Saint-Michel, a été cédée à un groupe évangélique.
Mais la situation est difficile pour plusieurs paroisses, et d’autres églises pourraient bientôt être mises en vente, même si le moratoire est toujours en vigueur, souligne Caroline Clermont. « Ce n’est pas le souhait de l’archevêque de se départir de ses biens immobiliers, mais on fait face à une nouvelle réalité, et l’archevêque est prêt à envisager, dans des situations très particulières, de se départir de certaines de ces églises. »
Le diocèse privilégie cependant le maintien de la vocation de lieu de culte, c’est pourquoi il cherche d’abord à vendre ses églises à des communautés chrétiennes. Sinon, il considérera en second lieu les offres provenant d’organismes communautaires, explique Mme Clermont : « Mais ça prend des subventions, et c’est très difficile à obtenir pour les organismes communautaires. »
Outre les investissements importants requis pour la transformation de ces bâtiments, le zonage représente un obstacle compte tenu de la réticence de la Ville à le modifier, ajoute-t-elle.
Le cas de l’église Saint-Eusèbe
À l’heure actuelle, le diocèse de Montréal compte 202 églises. De ce nombre, une seule est considérée comme vacante. Il s’agit de l’église Saint-Eusèbe-de-Verceil, rue Fullum, dans le quartier Centre-Sud, qui a subi d’importants dégâts à la suite d’un incendie criminel survenu en mars 2019.
Les dommages sont « irréversibles », et une « déconstruction » d’une bonne partie du bâtiment est envisagée, indique Mme Clermont. Le diocèse a d’ailleurs soumis à la Ville de Montréal un projet résidentiel de nature communautaire, dit-elle.
Alain Tremblay, de l’Écomusée de l’au-delà, reproche à l’Archidiocèse d’avoir négligé cette église depuis sa fermeture en 2016 et à la Ville d’avoir refusé d’intervenir dans le dossier pour la protéger. « Ils attendent qu’elle tombe, dit-il. C’est une honte. C’est un crime contre le patrimoine. »
Il soutient qu’il y a quelques années, il avait réussi à trouver deux partenaires, une entreprise funéraire et un directeur de cimetière, prêts à redonner une nouvelle vocation à cette église, mais qu’il n’a pu discuter du projet avec le diocèse.
M. Tremblay estime aussi que le classement des lieux de culte élaboré par le Conseil du patrimoine religieux du Québec et le ministère de la Culture est déficient malgré les bonnes intentions. « On se retrouve dans un secteur où se trouvent les plus grosses et les plus spectaculaires églises du Québec, mais ce système fait en sorte que plusieurs églises qui, autrement, auraient été classées A sont classées D. »
Les effets de la pandémie
De nombreuses paroisses montréalaises étaient en difficultés financières avant la pandémie. Les contraintes liées aux directives sanitaires — qui limitent à 10 personnes les rassemblements dans les lieux de culte et les funérailles à 25 personnes — n’arrangent pas les choses. « C’est très variable. Il y a des paroisses qui ont des ressources extraordinaires […], mais ce n’est pas la majorité. En général, c’est très difficile pour les paroisses », admet Caroline Clermont.
Elle indique que certains curés préfèrent fermer leur église plutôt que de célébrer des messes devant dix paroissiens. « C’est un peu dommage parce que ce sont des lieux immenses extrêmement bien aérés, mais en même temps, l’Église catholique se conforme aux directives du gouvernement et du ministère de la Santé. »
En 2019, Le Journal de Montréal avait rapporté que, selon une recension faite par le Conseil du patrimoine religieux, 612 des 2746 églises répertoriées au Québec en 2003 avaient été démolies, fermées ou recyclées.
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