Mgr Laffitte : « Il y a une contradiction à demander le sacrement du mariage sans avoir la foi »
BÉNÉDICTE LUTAUD (1)
13.02.2015
Mgr J.L. : Benoît XVI a longtemps réfléchi à cette question, dès le début des années 2000 comme préfet de la Congrégation pour la doctrine de la foi.
Le droit de l’Église a toujours établi qu’il n’y a pas de mariage possible entre deux baptisés qui ne soit sacramentel. Cela veut dire que les baptisés peuvent légitimement demander à l’Église ce sacrement. Mais il y a une contradiction à demander un sacrement et à être indifférent à ce qu’est le sacrement, ou encore simplement au fait d’être un baptisé.
Il y a là un appel pour les pasteurs à considérer la façon dont ils vont donner le sacrement et y préparer les fiancés. Le fait de ne pas avoir de foi invalide-t-il pour autant le sacrement ? La réponse est non : en elle même, l’absence de foi n’ôte pas le fait qu’entre deux baptisés le seul mariage possible soit un sacrement.
En revanche, parmi les motifs de nullité qui existent pour un mariage sacramentel, il y a le fait de ne pas adhérer à ce qu’on appelle les propriétés essentielles du mariage (unité, indissolubilité).
Dans le contexte d’inculture religieuse et de relativisme éthique qui prévaut en de nombreuses régions du monde, le doute existe sur la véritable compréhension – et acceptation – de la nature du mariage et de ses propriétés essentielles.
En termes simples, quelle compréhension de l’unité et de l’indissolubilité du mariage, ainsi que de son ouverture à la vie, la personne qui se présente pour se marier « sacramentellement » possède-t-elle ? Lorsque deux jeunes gens envisagent de se marier mais ne croient pas à l’indissolubilité, au caractère définitif de leur union, leur mariage ne peut être que nul. Mais leur mariage, dans ce cas-là, sera nul non pas parce qu’ils n’ont pas la foi, mais parce que leur « non foi » entraîne une « non adhésion » à ce qui fait qu’un mariage est valide.
Il y a à peine deux ou trois décennies, quand tout le monde – croyants et incroyants – adhérait à ces propriétés du mariage, la question de la « non foi » ne se posait pas en ces termes. Aujourd’hui, il n’y a plus guère que l’Église qui enseigne et transmette les propriétés du mariage.
Le pape François a créé une commission spéciale chargée de simplifier les procédures des causes en nullité de mariage et de les rendre plus rapides. Est-ce une bonne solution ?
Mgr J.L. : Il y a bien sûr des améliorations à obtenir. Les pères du synode l’ont souligné. Toutefois, le fait qu’existent des procédures très longues est aussi le résultat d’une histoire législative du droit et de ses finalités, en clair, de précautions que l’Église a prises pour préserver le lien conjugal. Quand il y a plusieurs médiations, plusieurs échelons, la procédure peut paraître lourde. Mais il faut étudier cette difficulté avec une extrême précaution, une grande prudence pour ne pas laisser penser que s’est amoindrie l’estime de l’Église pour le lien conjugal qu’elle a toujours défendu.
Au cours du synode d’octobre 2014, certains médias se sont fait l’écho d’un Pape « progressiste », prêt à plus d’ouverture en faveur des divorcés remariés, du concubinage ou encore des couples homosexuels. Est-ce une version proche de la réalité ?
Mgr J.L. : On prête au Pape des intentions et convictions qui ne sont pas nécessairement les siennes. Il faut vraiment considérer l’ensemble de ses déclarations. Aux Philippines, il a de nouveau exalté l’importance d’Humanæ Vitæ, le texte le plus controversé depuis 50 ans ! Cette interprétation partielle et faussée dont vous parlez vient du fait qu’on ne mesure pas à quel point le pape est soucieux de rejoindre les personnes, en tenant compte de leurs épreuves et de leurs blessures. Les vérités de l’enseignement de l’Église, il y adhère pleinement ; mais il attire l’attention de l’Église tout entière sur la nécessité de prendre la mesure des défis nouveaux qui se posent, ce qu’il fait avec des paroles fortes ou imagées.
Propos recueillis au Vatican par Bénédicte Lutaud, I.Media
I.Media a rencontré le secrétaire du Conseil pontifical pour la famille et fait le point avec l'évêque français sur les travaux du dernier synode sur la famille.
BÉNÉDICTE LUTAUD (1)
13.02.2015
Mgr J.L. : Benoît XVI a longtemps réfléchi à cette question, dès le début des années 2000 comme préfet de la Congrégation pour la doctrine de la foi.
Le droit de l’Église a toujours établi qu’il n’y a pas de mariage possible entre deux baptisés qui ne soit sacramentel. Cela veut dire que les baptisés peuvent légitimement demander à l’Église ce sacrement. Mais il y a une contradiction à demander un sacrement et à être indifférent à ce qu’est le sacrement, ou encore simplement au fait d’être un baptisé.
Il y a là un appel pour les pasteurs à considérer la façon dont ils vont donner le sacrement et y préparer les fiancés. Le fait de ne pas avoir de foi invalide-t-il pour autant le sacrement ? La réponse est non : en elle même, l’absence de foi n’ôte pas le fait qu’entre deux baptisés le seul mariage possible soit un sacrement.
En revanche, parmi les motifs de nullité qui existent pour un mariage sacramentel, il y a le fait de ne pas adhérer à ce qu’on appelle les propriétés essentielles du mariage (unité, indissolubilité).
Dans le contexte d’inculture religieuse et de relativisme éthique qui prévaut en de nombreuses régions du monde, le doute existe sur la véritable compréhension – et acceptation – de la nature du mariage et de ses propriétés essentielles.
En termes simples, quelle compréhension de l’unité et de l’indissolubilité du mariage, ainsi que de son ouverture à la vie, la personne qui se présente pour se marier « sacramentellement » possède-t-elle ? Lorsque deux jeunes gens envisagent de se marier mais ne croient pas à l’indissolubilité, au caractère définitif de leur union, leur mariage ne peut être que nul. Mais leur mariage, dans ce cas-là, sera nul non pas parce qu’ils n’ont pas la foi, mais parce que leur « non foi » entraîne une « non adhésion » à ce qui fait qu’un mariage est valide.
Il y a à peine deux ou trois décennies, quand tout le monde – croyants et incroyants – adhérait à ces propriétés du mariage, la question de la « non foi » ne se posait pas en ces termes. Aujourd’hui, il n’y a plus guère que l’Église qui enseigne et transmette les propriétés du mariage.
Le pape François a créé une commission spéciale chargée de simplifier les procédures des causes en nullité de mariage et de les rendre plus rapides. Est-ce une bonne solution ?
Mgr J.L. : Il y a bien sûr des améliorations à obtenir. Les pères du synode l’ont souligné. Toutefois, le fait qu’existent des procédures très longues est aussi le résultat d’une histoire législative du droit et de ses finalités, en clair, de précautions que l’Église a prises pour préserver le lien conjugal. Quand il y a plusieurs médiations, plusieurs échelons, la procédure peut paraître lourde. Mais il faut étudier cette difficulté avec une extrême précaution, une grande prudence pour ne pas laisser penser que s’est amoindrie l’estime de l’Église pour le lien conjugal qu’elle a toujours défendu.
Au cours du synode d’octobre 2014, certains médias se sont fait l’écho d’un Pape « progressiste », prêt à plus d’ouverture en faveur des divorcés remariés, du concubinage ou encore des couples homosexuels. Est-ce une version proche de la réalité ?
Mgr J.L. : On prête au Pape des intentions et convictions qui ne sont pas nécessairement les siennes. Il faut vraiment considérer l’ensemble de ses déclarations. Aux Philippines, il a de nouveau exalté l’importance d’Humanæ Vitæ, le texte le plus controversé depuis 50 ans ! Cette interprétation partielle et faussée dont vous parlez vient du fait qu’on ne mesure pas à quel point le pape est soucieux de rejoindre les personnes, en tenant compte de leurs épreuves et de leurs blessures. Les vérités de l’enseignement de l’Église, il y adhère pleinement ; mais il attire l’attention de l’Église tout entière sur la nécessité de prendre la mesure des défis nouveaux qui se posent, ce qu’il fait avec des paroles fortes ou imagées.
Propos recueillis au Vatican par Bénédicte Lutaud, I.Media