27 mai, 2015
P. Linus Clovis : « l'Effet François » désarme des catholiques qui n'osent plus affirmer la doctrine catholiqueLes 8 et 9 mai s'est tenue à Rome une série de conférences dans le cadre du Forum sur la vie, co-organisé par “Voice of the Family”, LifeSiteNews et Human Life International et, sur place, par “Famiglia Domani”. Je vous propose ici la traduction de l'allocution de l'abbé Linus Clovis, prêtre à Sainte-Lucie, aumônier du Population Research Institute, qui œuvre à la diffusion du message et des demandes de Notre Dame de Fatima, sur l'« Effet François » et la manière dont certains propos du pape sont parvenus à faire taire des catholiques sur les vérités de la foi et de la morale catholiques.
Ce texte, je le verse au débat en sachant qu'il va peut-être choquer certains, paraître irrespectueux ou inopportun. Que les choses soient donc clairement dites : il ne s'agit pas, dans mon esprit – pas plus, comme le montrent les conclusions de ce texte, que dans celui du P. Clovis – d'un appel à la déloyauté, à la critique malveillante du Saint-Père. Mais il ne faut pas non plus taire la confusion qui règne ni la manière dont l'exploitation de certains propos du pape par les médias laissent croire que la doctrine serait en train de changer.
Nous savons que la doctrine ne changera pas, et que les portes de l'enfer ne prévaudront pas contre l'Eglise qui a la promesse de la vie éternelle. Nous savons que c'est seulement en son sein, et sous la conduite du Saint-Père assisté par le Saint-Esprit, que nous atteindrons le bon port.
Cela n'empêche pas de poser le problème tel qu'il est aujourd'hui, avec une filiale inquiétude et une non moins filiale confiance. Mais pour autant que nous avons un rôle à jouer dans cette crise qui est réelle au sein de l'Eglise – et nous l'avons par rapport à nous-mêmes et à nos prochains – il me paraît important de faire connaître cette réflexion, qui porte sur le droit du laïc de rappeler la vérité qu'il sait immuable.
J.S.
Une crise est un temps de grandes difficultés ou de danger. Sur le plan médical, c’est le tournant
décisif d’une maladie où un changement important se produit, débouchant sur la guérison ou sur la mort.
Mgr Athanasius Schneider a identifié quatre grandes crises dans l’Eglise : l’arianisme, le schisme d’Occident, la réforme et le modernisme. Ce dernier, contre lequel l’Eglise se bat depuis bien plus d’un siècle est parvenu à opérer une mainmise sur l’Eglise depuis la clôture du Concile Vatican II. Saint Pie X l’a qualifié de synthèse de toutes les hérésies.
Au cours de ces cinquante dernières années la majorité des catholiques, faisant confiance à la vigilance de leurs pasteurs, ont dormi de manière irrégulière, mais les voici subitement réveillés par l’alarme déclenchée par le synode extraordinaire sur la famille de 2014. Un futur Jérôme pourrait bien se lamenter de voir qu’en se réveillant « ils se découvrent, avec horreur, modernistes ». Le drame du Synode qui s’est joué dans les médias, où tel cardinal était opposé à d’autres cardinaux, les évêques contre des évêques et les conférences nationales des évêques faisant de la résistance face à d’autres conférence nationale, semble être la réalisation littérale de la prophétie de Notre-Dame à Akita le 13 octobre 1973 : « L’action du diable s’infiltrera même dans l’Église, de sorte qu’on verra des cardinaux s’opposer à des cardinaux, des évêques contre d’autres évêques. Les prêtres qui me vénèrent seront méprisés et combattus par leurs confrères… l’Église sera pleine de ceux qui acceptent les compromis. »
Soudain, certains pasteurs ont commencé à parler d’une voix étrange. Avec une témérité stupéfiante, le cardinal Timothy Dolan, commentant le « coming out » d’une star gay du football américain, a déclaré au programme « Meet the press » de NBC : « Tant mieux pour lui, je n’ai aucunement l’idée de le juger… Dieu te bénisse. Je ne pense pas… Regardez, la même Bible qui nous dit, qui nous enseigne bien en ce qui concerne les vertus de chasteté et de fidélité, et le mariage, nous dit également de ne pas juger les gens. Alors j’aurais envie de dire “Bravo”. »
Confrontés à de telles déclarations et de telles actions de la part de prélats puissants, de premier plan, que vient couronner la scie pontificale du « qui suis-je pour juger », les évêques de tournure traditionnelle, les prêtres et même les laïque sont désarmés et paralysés. Après tout, s’ils restent fermement attachés à l’enseignement moral et à l’ordre catholique traditionnels, ils risqueraient d’être tôt accusés d’être plus catholiques que le pape. Ce désarmement du clergé et de la hiérarchie constitue « l’Effet François ».
Le PapeLes catholiques aiment le pape. Qui qu’il soit, où qu’il vienne, il représente toujours pour eux un signe évident et efficace de la présence du Christ dans le monde. Même avant que Notre Dame ne demande aux enfants de Fatima de prier pour le Saint Père, elle qui a répété cette demande à Akita le 13 octobre 1973 en disant : « Priez beaucoup pour le pape, les évêques et les prêtres », les catholiques priaient quotidiennement pour lui et ils ne se tournent pas seulement vers lui comme chef mais le considère également comme cette fondation ferme et sûre sur laquelle repose l’autorité de l’Eglise pour enseigner. Pour les catholiques, la pureté de l’enseignement est tellement importante qu’il est en fait plus facile pour eux d’accepter la possibilité que le pape puisse ne pas être le pape, qu’il ne l’est de croire qu’un pape puisse enseigner l’erreur.
Le Catéchisme de l’Église catholique (CEC) enseigne que « la transmission de l’Évangile s’est faite de deux manières : oralement (la sainte tradition) et par écrit (l’Ecriture sainte) » et qu’il est « continuellement proclamé à travers la succession apostolique » (le Magistère). Il définit l’Ecriture sainte comme « la parole de Dieu en tant que, sous l’inspiration de l’Esprit divin, elle est consignée par écrit ». Etant inspirée par Dieu, elle est « utile pour enseigner, pour reprendre, pour corriger, pour instruire dans la justice ». Au paragraphe 81, le Catéchisme affirme que « la sainte Tradition porte la parole de Dieu, confiée par le Christ Seigneur et par l’Esprit Saint aux apôtres, et la transmet intégralement à leurs successeurs, pour que, illuminés par l’Esprit de vérité, en la prêchant, ils la gardent, l’exposent et la répandent avec fidélité ».
Tout au long de ses lettres Saint-Paul insistait sur le fait qu’il n’avait pas inventé une nouvelle doctrine et qu’il n’avait pas dévié de ce que lui-même avait reçu. En ce qui concerne l Eucharistie en particulier il déclarait : « Car j’ai appris du Seigneur ce que je vous ai moi-même transmis, que le Seigneur, la nuit où il était livré, prit du pain… » (1Cor.11:23) ; et il prévenait encore dans le verset 29 que « quiconque mange et boit indignement, mange et boit sa propre condamnation, ne discernant pas le Corps du Seigneur ». Avec plus de force encore, il dit aux Galates que certains cherchent à pervertir l’Evangile du Christ, de telle sorte que « si quelqu’un, fût-ce nous-même ou un ange du ciel, vous annonçait un autre évangile que celui que nous vous avons annoncé, qu’il soit anathème ! » (Gal. 1, 8).
En ce qui concerne le Magistère ou la charge d’enseignement propre à l’Eglise, le Catéchisme en son paragraphe 85 déclare que « la charge d’interpréter de façon authentique la Parole de Dieu, écrite ou transmise, a été confiée au seul Magistère vivant de l’Église ». Puisque l’Eglise exerce son autorité au nom de Jésus Christ, il s’ensuit que la « charge d’interpréter » a été transmise « aux évêques en communion avec le successeur de Pierre, l’évêque de Rome ».
En outre, le Catéchisme dans son paragraphe 86 souligne encore que « le Magistère n’est pas au-dessus de la parole de Dieu, mais il la sert, n’enseignant que ce qui fut transmis, puisque par mandat de Dieu, avec l’assistance de l’Esprit Saint, il écoute cette Parole avec amour, la garde saintement et l’expose aussi avec fidélité, et puise en cet unique dépôt de la foi tout ce qu’il propose à croire comme étant révélé par Dieu ».
Le Magistère possède l’autorité de lier définitivement les consciences des fidèles en matière de foi ou de morale et le fait au moyen de définitions dogmatiques, comme le montre CCC § 88 : « Le Magistère de l’Église engage pleinement l’autorité reçue du Christ quand il définit des dogmes, c’est-à-dire quand il propose, sous une forme obligeant le peuple chrétien à une adhésion irrévocable de foi, des vérités contenues dans la Révélation divine ou bien quand il propose de manière définitive des vérités ayant avec celles-là un lien nécessaire. »
Le Magistère pontifical selon l’enseignement de Vatican 1 (D.3070) n’a pas été établi en vue de révéler une nouvelle doctrine mais plutôt pour garder et transmettre fidèlement les vérités de la foi confiées par le Christ à ses apôtres. « Car le Saint-Esprit n’a pas été promis aux successeurs de Pierr pour qu’ils fassent connaître sous sa révélation une nouvelle doctrine, mais pour qu’avec son assistance ils gardent saintement et exposent fidèlement la Révélation transmise par les apôtres, c’est-à-dire le dépôt de la foi. »
Alors que les fidèles doivent obéissance au pape en tant que Vicaire du Christ, le pape lui-même doit obéissance à la Parole et à la Tradition apostolique et par ce moyen, il facilite l’obéissance des fidèles à son égard. Dans un monde qui n’est pas sans ressemblance avec celui « où il se passera des jours nombreux, pendant lesquels Israël sera sans vrai Dieu, sans prêtre, sans docteur et sans loi » (2 Chr. 15,3) il est nécessaire que le pape se montre sage et clair dans son enseignement afin que ceux qui l’écoutent puissent éviter les pièges de la mort : « Veille sur toi-même et sur l’enseignement, persévère dans ces choses, car en faisant cela, tu te sauveras toi-même et ceux qui t’écoutent. »
Le pape Félix III, qui vivait dans un monde hostile au message de l’Évangile, voyait la nécessité de corriger l’erreur et de renforcer la vérité, affirmant qu’une erreur à laquelle on ne résiste pas est approuvée ; une vérité qui n’est pas défendue est supprimée.
Le pape FrançoisDès la première année de son pontificat, le pape François a réussi à mettre mal à l’aise même les moins critiques des catholiques, qui essayaient désespérément de justifier l’ambiguïté de ses paroles et de ses actions. Le fait que les ennemis traditionnels de l’Eglise lui réservent leur haute approbation suscite des inquiétudes, notamment en raison de la mise en garde du Seigneur : « Si le monde vous hait, sachez qu’il m’a haï avant vous. Si vous étiez du monde, le monde aimerait ce qui serait à lui ; mais parce que vous n’êtes point du monde, et que je vous ai choisis du milieu du monde, c’est pour cela que le monde vous hait. Souvenez-vous de la parole que je vous ai dite : Le serviteur n’est pas plus grand que son maître. S’ils m’ont persécuté, ils vous persécuteront aussi : s’ils ont gardé mes paroles, ils garderont aussi les vôtres. »
Les inquiétudes des catholiques ont grandi de manière proportionnelle à la densité du brouillard recouvrant la véritable position du pape sur les questions clefs. On raconte qu’en tant qu’archevêque de Buenos Aires, désirant apparemment être aimé de tous, de faire plaisir à tous il avait tendance à émettre des signaux mélangés, de telle sorte qu’« un jour il était capable de faire un discours contre l’avortement à la télévision, et le lendemain, dans la même émission, on le voyait bénir les féministes pro-avortement de la Plaza de Mayo. Il peut faire un discours magnifique contre les francs-maçons et, quelques heures plus tard, dîner et boire avec le Rotary Club. Saint Jean rapporte que certains de ceux qui suivaient le Christ était des pharisiens : « Plusieurs néanmoins des sénateurs mêmes crurent en lui ; mais à cause des pharisiens ils n’osaient le reconnaître publiquement, de crainte d’être chassés de la synagogue. Car ils ont plus aimé la gloire des hommes, que la gloire de Dieu. »
L’effet François consiste à désarmer et à réduire au silence les évêques catholiques, les prêtres et le laïcat. Rester fermement attaché à la doctrine catholique et à sa pratique ressemble à un acte de déloyauté à l’égard du pape ; mais acquiescer, c’est trahir l’Eglise.A la consternation des catholiques et pour la plus grande satisfaction du monde, le pape François a suscité de nombreuses et importantes controverses, la plus remarquable d’entre elles étant son commentaire : « Qui suis-je pour juger ? » Cette question pontificale a aussitôt désarmé tous ceux qui résistent aux incursions du lobby gay. Le Saint-Père s’était abstenu de faire les distinctions requises, à savoir que l’Église ne juge pas les personnes mais qu’elle a le droit et le devoir de juger leurs actions et leurs enseignements. L’Eglise n’a jamais jugé la morale personnelle des archi-hérétiques eux-mêmes, mais elle a certainement mise en garde les fidèles quant au caractère pernicieux de leurs enseignements. Lorsqu’il écrit aux Corinthiens, saint Paul lui-même valide cette position : « Mais quand je vous ai écrit que vous n’eussiez point de commerce avec ces sortes de personnes, j’ai entendu que si celui qui est du nombre de vos frères, est fornicateur, ou avare, ou idolâtre, ou médisant, ou ivrogne, ou ravisseur du bien d’autrui, vous ne mangiez pas même avec lui. Car pourquoi entreprendrais-je de juger ceux qui sont hors de l’Eglise ? N’est-ce pas de ceux qui sont dans l’Eglise que vous avez droit de juger ? Dieu jugera ceux qui sont dehors ; mais pour vous, retranchez ce méchant du milieu de vous. » (1 Cor. 5 :11-13).
Les catholiques se sont inquiétés encore davantage lorsque les déclarations pontificales semblaient s’en prendre au troupeau : on se souvient l’assertion selon laquelle « c’est une présumée sécurité doctrinale ou disciplinaire qui donne lieu à un élitisme narcissique et autoritaire » ; et de son accusation selon laquelle on parle trop de la contraception et de l’avortement. Qui, hormis les provie, cela pouvait-il viser ? Vittorio Messori, dans son livre En défense de chaque vie, cite Jean-Paul II qui disait : « Il est difficile d’imaginer une situation plus injuste (que l’avortement), et il est très difficile de parler l’obsession à ce propos, alors que nous parlons d’un impératif fondamental de toute bonne conscience : la défense du droit à la vie d’un être humain sans défense et innocent ».
La très grande majorité des catholiques peut témoigner de ce qu’en général les prédicateurs de l’Evangile n’évoquent jamais les questions de la contraception ou de l’avortement. Mais à propos de ces choses, saint Paul ordonne aux prédicateurs de « presser les hommes à temps et à contre-temps ; reprenez, suppliez, menacez, sans vous lasser jamais de les tolérer et de les instruire » (2 Tim. 4 :2)
L’affaire « Rabbitgate » (l’affaire des « lapins ») a été particulièrement blessante pour les mères catholiques du monde entier, spécialement celles qui ont donné naissance à leurs enfants au prix de lourds sacrifices personnels. Le pape qui avait déclaré « Qui suis-je pour juger » dit désormais : « J’ai admonesté une femme qui en était à sa huitième grossesse après sept césariennes ; [je lui ai dit :] "Vous voulez que vos enfants soient orphelins ?". Il ne faut pas tenter Dieu… Il (Paul VI) parle de paternité responsable. »
Non content de reprendre cette femme-là, il a étendu son jugement au monde entier : « Oui, Dieu nous donne des moyens… Mais excusez-moi, il y en a qui croient que pour être de bons catholiques, on doit être comme des lapins ! Paternité responsable : pour cela, dans l’Église, il y a des groupes conjugaux, des experts sur ces questions, et il y a aussi des pasteurs. Et je connais de nombreux moyens licites, qui ont aidé dans ce domaine. »
Dans l’actuel climat d’impératifs pastoraux, sa position sur Humanae Vitae, la pierre d’angle de l’éthique sexuelle catholique, est incertaine, d’autant plus qu’on parle d’aller au-delà de ce que l’encyclique enseigne. Tout aussi alarmante est son apparente ouverture au « mariage gay » sous forme d’« unions civiles ». Mais le plus troublant est bien son soutien déclaré au cardinal Kasper qui, lors du synode de 2014, a appelé à permettre aux divorces remariés d’accéder à l’Eucharistie sans changer au préalable leur statut marital. Cela a touché les catholiques au vif et a suscité des inquiétudes quant à l’orthodoxie du pape.
Ces déclarations papales ambiguës n’ont pas seulement suscité de l’inquiétude mais aussi de la confusion parmi les catholiques qui pour la plupart, hésitent à critiquer ou à juger le pape. Mais ici comme précédemment il faut faire une distinction : ce n’est pas la personne du pape que l’on juge mais plutôt ses actions. Il faut préciser aussi que le jugement de ses actions ne vise pas à produire de l’indignation, mais qu’au contraire il est porté parce que ces actions sont cause d’indignation parmi les fidèles et menacent leur foi.
Ce jugement à propos du pontife peut se faire en invoquant l’autorité de saint Paul qui dit aux Galates : « Or Céphas étant venu à Antioche, je lui résistai en face, parce qu’il était répréhensible. Car avant que quelques-uns qui venaient de la part de Jacques fussent arrivés, il mangeait avec les gentils ; mais après leur arrivée, il se retira, et se sépara d’avec les gentils, craignant de blesser les circoncis. Les autres Juifs usèrent comme lui de cette dissimulation, et Barnabé même s’y laissa aussi emporter. Mais quand je vis qu’ils ne marchaient pas droit selon la vérité de l’Évangile, je dis à Céphas devant tout le monde : Si vous qui êtes Juif, vivez comme les gentils, et non pas comme les Juifs, pourquoi contraignez-vous les gentils de judaïser ? »
Il y a un précédent dans l’histoire justifiant un tel jugement sur les actions du pape. Les théologiens de l’Université de Paris, des cardinaux, des évêques et des rois se sont opposés à Jean XXII (1316-1334) lorsque, à l’occasion de ses homélies du dimanche, il enseignait de manière erronée que les bienheureux ne verront pas Dieu avant le Jugement dernier. Au 16e siècle Melchior Cano, le théologien espagnol au concile de Trente, mettait en garde contre l’obséquiosité à l’égard du pape : « Mais il faut brièvement dire maintenant que ceux qui défendent aveuglément et sans discernement n’importe quel jugement du souverain pontife dans n’importe quelle matière affaiblissent l’autorité du Siège apostolique ; ils ne le soutiennent pas, ils le subvertissent… Pierre n’a nul besoin de nos mensonges ; il n’a nul besoin de notre adulation. »
A notre époque le code de droit canonique de 1983 reconnaît également le droit des fidèles à cet égard, quand il déclare : « Selon le savoir, la compétence et le prestige dont ils jouissent, ils ont le droit et même parfois le devoir de donner aux Pasteurs sacrés leur opinion sur ce qui touche le bien de l'Église et de la faire connaître aux autres fidèles… »
ConclusionL’Eglise est désormais confrontée au spectacle de cardinaux et d’évêques en conflit ouvert à propos de la doctrine et de mesures pastorales. Au synode extraordinaire sur la famille en 2014 les principaux membres de la hiérarchie de l’Église, a quelques notables exceptions près, ont ouvertement et publiquement débattu du contournement des paroles même de Notre Seigneur Jésus-Christ afin d’institutionnaliser la révolution sexuelle dans l’Eglise par l’accès des divorcés remariés à la communion. Si l’on accepte cela, alors Clément VII a eu tort dans son attitude à l’égard d’Henri VIII et la réforme anglaise était sans objet. De plus, pourquoi les couples qui cohabitent et les homosexuels pratiquants, non repentants se verraient-ils refuser la communion ? Il y a dans tout cela quelque chose de déjà vu : « Et en même temps tous les princes des prêtres et le peuple s’abandonnèrent à toutes les abominations des gentils, et profanèrent la maison du Seigneur, qu’il avait sanctifiée pour soi à Jérusalem. Or le Seigneur, le Dieu de leurs pères, leur adressait souvent sa parole par l’entremise de ceux qu’il leur envoyait ; et il s’empressait de leur donner chaque jour des avertissements, parce qu’il voulait épargner son peuple et sa maison. Mais eux se moquaient des personnes que Dieu leur envoyait, ils méprisaient ses paroles, et traitaient très-indignement ses prophètes, jusqu’à ce que la fureur du Seigneur s’élevât contre son peuple, et que le mal fût sans remède. Car il fit venir contre eux le roi des Chaldéens, qui égorgea leurs enfants dans la maison de son sanctuaire, sans avoir pitié ni des jeunes gens, ni des jeunes filles, ni des personnes âgées, ni même de ceux qui étaient dans la dernière vieillesse : Dieu les livra tous entre ses mains. » (2 Chr. 36, 14-17)
Alors que l’islam grandit en force, pourrait-il apporter à notre temps un remède comparable à celui apporté par le roi chaldéen ?
L’effet François consiste à désarmer et à réduire au silence les évêques catholiques, les prêtres et le laïcat. Rester fermement attaché à la doctrine catholique et à sa pratique ressemble à un acte de déloyauté à l’égard du pape ; mais acquiescer, c’est trahir l’Eglise. Les catholiques demandent, avec Pierre : « Seigneur, à qui irions-nous ? » (Jn 6,29). Il est impératif qu’ils demeurent au sein de l’Eglise et qu’ils restent armés car, si les pasteurs sont descendus comme Aaron pour se joindre aux Bacchanales, alors l’Eglise a besoin de Lévites : « Moïse voyant donc que le peuple était demeuré tout nu (car Aaron l’avait dépouillé par cette abomination honteuse, et l’avait mis tout nu au milieu de ses ennemis, se tint à la porte du camp, et dit : Si quelqu’un est au Seigneur, qu’il se joigne à moi. Et les enfants de Lévi s’étaient tous assemblés autour de lui… » (Ex 32, 25-27). Le Christ avait déjà mis en garde contre ce temps, disant : « Alors on vous livrera aux magistrats pour être tourmentés, et on vous fera mourir ; et vous serez haïs de toutes les nations à cause de mon nom. En ce même temps plusieurs trouveront des occasions de scandale et de chute ; ils se trahiront, et se haïront les uns les autres. Il s’élèvera plusieurs faux prophètes, qui séduiront beaucoup de personnes. Et parce que l’iniquité abondera, la charité de plusieurs se refroidira. Mais celui-là sera sauvé, qui persévérera jusqu’à la fin. »(Mt. 24, 9-13).
L’Eglise est face à une crise : une crise aussi grave que celle de l’arianisme. Sa résolution apportera le rétablissement ou la mort. Pour assurer le rétablissement, les catholiques doivent rester dans l’Eglise et rester pleinement armés. A cette fin, cinq choses sont nécessaires :
Premièrement, priez. Le combat appartient au Seigneur. (Lc 21, 36). Priez surtout pour le pape de même que l’Eglise des premiers temps priait sans cesse pour Pierre (Actes 12, 5.)
Deuxièmement, étudiez. Les catholiques doivent connaître la foi, être bien au fait des Ecritures, savoir l’enseignement constant de l’Eglise, et comprendre les principes de la théologie morale. Saint Athanase était seul face au monde et donc : « Souvenez-vous de vos conducteurs, qui vous ont prêché la parole de Dieu ; et considérant quelle a été la fin de leur vie, imitez leur foi. Jésus-Christ était hier, il est aujourd’hui, et il sera le même dans tous les siècles. Ne vous laissez point emporter à une diversité d’opinions et à des doctrines étrangères. » (Heb. 13, 7-9).
Troisièmement, transmettez la foi en l’enseignant et en la partageant au sein de la famille, en pratiquant et en priant ensemble, et les uns pour les autres, en tant que familles.
Quatrièmement, soutenez-vous les uns les autres ainsi que toutes les organisations et tous ceux qui s’expriment qui sont vraiment et authentiquement catholiques. Les 500 prêtres qui ont signé une lettre ouverte demandant que le synode sur la famille promeuve la doctrine catholique doivent être loués et soutenus par tous les catholiques inquiets.
Cinquièmement, préparez-vous pour le martyre. Dans le Nobis quoque du canon romain nous prions : « Et à nous aussi pécheurs, vos serviteurs, qui mettons notre espérance en votre miséricorde infinie, daignez nous accorder une place dans la communauté de vos Saints Apôtres et Martyrs, de Jean, Etienne, Matthias, Barnabé… et de tous Tes Saints ; admettez-nous en leur compagnie, nous vousen supplions, sans considérer nos mérites mais votre miséricorde. Par le Christ notre Seigneur. Amen.
Père Linus Clovis
(Traduction : Jeanne Smits.)