02.06.10
Les manuscrits millénaires de la Bible, découverts en 1947, à Qumrân, sur les bords de la mer Morte, livrent peu à peu leurs secrets. L’exposition que la Bibliothèque nationale de France François-Mitterrand (BNF), à Paris, leur consacre, jusqu’au 11 juillet, révèle les dernières avancées dans la compréhension de ces dizaines de milliers de fragments de textes datant de 250 ans avant J.-C. à 100 ans après J.-C., et dont le quart est à l’origine de deux religions révélées, le judaïsme et le christianisme.
Aussi passionnante qu’émouvante, la mise en scène géographique (avec cartes, plans, monnaies antiques...) et archéologique (objets funéraires et vernaculaires) montre le contexte de la mise au jour et la recomposition par les épigraphistes des 900 manuscrits trouvés en morceaux dans des grottes du désert de Judée. « Régulièrement, des expositions ont eu lieu à Jérusalem et aux Etats-Unis, avec une approche très confessionnelle, mais c’est la première fois qu’une telle présentation est entièrement consacrée à toutes les problématiques posées par leur découverte », indique Laurent Héricher, conservateur en chef, commissaire de l’exposition.
Il y a l’émotion devant les petits bouts de cuir millénaires, peau de chèvre tannée, couverts d’une belle écriture régulière, provenant du Pentateuque, lequel décrit, depuis la création du monde jusqu’à la mort de Moïse, l’histoire du peuple hébreu. Les scribes, visiblement expérimentés et talentueux, utilisent le calame - roseau taillé -, ou une pointe métallique qu’ils trempent dans le noir de fumée - mélange de suie, eau et vin - pour former des lettres, les « jambes en bas », comme s’ils les accrochaient à un fil invisible.
Ces scribes anonymes écrivaient, sur des rouleaux de 10 à 20 cm de large, ces mots destinés à être lus, comme ces « Instructions pour l’homme qui comprend », abordant les questions relatives à l’argent, au couple, aux parents... L’accent est mis sur le « mystère futur », sur la fin des temps, imminente. « Prends garde, ne t’enorgueillis pas », lit-on. La minutie et la complexité du déchiffrement, de l’identification et de la reconstitution des textes, en partie perdus, sont mises en lumière sur les cartels, par des lettres en gras, donnant la traduction de ce qui a été sauvé.
« Cette écriture est araméenne, c’était la langue officielle de Babylone, ramenée par les Juifs, les élites déportées en 521 avant notre ère », précise Laurent Héricher. Cet alphabet a été choisi par les rabbins, au IIe siècle, pour écrire l’hébreu. Il coexistait à Qumrân et en Palestine, avec l’écriture du peuple, en pattes de mouche, d’origine phénicienne, et abandonnée.
C’est dans une faille rocheuse creusée de grottes, sur les bords de la « mer de sel » des Hébreux, où le récit biblique situe Sodome et Gomorrhe, villes maudites que Dieu arrose de feu et de soufre, que furent découverts, par trois pâtres bédouins, les premiers manuscrits. Des photos panoramiques montrent l’aridité du site de Qumrân, et son difficile accès, à 20 km au sud-est de Jérusalem.
Sur les 275 grottes fouillées par les archéologues, 11 cachaient le fabuleux trésor. A chaque fois, les scientifiques se font damer le pion par les Bédouins, qui visent la bonne affaire. De la première grotte, ils disent avoir sorti les rouleaux d’une jarre - long cylindre d’argile, à couvercle, dont un exemplaire est exposé. « Ce serait la seule fois, précise Laurent Héricher, le reste du temps, les manuscrits, en miettes, rongés par les rats et couverts d’excréments de chauve-souris, reposaient à même le sol. »
Etaient-ils rangés sur des étagères de bois parties en poussière ? Ont-ils été jetés là dans la précipitation à l’arrivée des légions romaines sur Jérusalem ? Qumrân aurait été détruit en 70, comme le Temple de Jérusalem, par les Romains.
Les travaux récents permettent d’avancer une hypothèse, celle de l’occupation du site par la secte des esséniens, ces « athlètes de vertu », dont parle Philon d’Alexandrie (Egypte), philosophe juif ayant vécu au Ier siècle. « On cherche à établir un lien entre les fondateurs du christianisme naissant, Jésus et Jean-Baptiste, et la communauté des esseniens », indique le commissaire de l’exposition.
La bibliothèque de livres écrits par des auteurs et des époques différents, sans titre, ni page, ni date, ni signature, serait-elle celle des esséniens, qui professaient la pureté et pratiquaient l’immersion rituelle ? La vue aérienne du site identifie huit bassins-citernes, dont la superficie est supérieure à celle des habitations.
Dans le modeste village de Qumrân, 200 personnes auraient vécu en permanence de 170 avant J.-C. à 70 de notre ère, cultivant la vigne, les palmiers dattiers et baumiers, élevant des chèvres. Les lampes à huile, encrier, bol, cruche en argile, mesure à céréales en pierre trouvés dans les tombes n’ont pas levé l’énigme.
« Qumrân, le secret des manuscrits de la mer Morte » à la BNF François-Mitterrand, quai François-Mauriac, Paris 13e, Métro Quai-de-la-Gare. Jusqu’au 11 juillet, du mardi au samedi de 10 heures à 19 heures, le dimanche de 13 heures à 19 heures. De 5 à 7 euros. Catalogue, 180 pages, 29 euros, éd. de la BNF. Sur le Web : Bnf.fr. Florence Evin
Source: http://v.i.v.free.fr/
Gilles. Ville de Québec - Canada