Que dit l'Eglise de la crémation ?
Sylvie André, religieuse auxiliatrice, travaillant au Centre national de la pastorale religieuse, répond aux questions de Sophie de Villeneuve. Publié le 26 octobre 2015. [Vous devez être inscrit et connecté pour voir ce lien]
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La crémation est une pratique de plus en plus fréquente. Qu'en dit l’Église? Y est-elle réticente, comme beaucoup le pensent ? Le passage au crématorium change-t-il la célébration des funérailles ? Et quelle est la différence entre crémation et incinération ?
S. A. : Le mot crémation vient du latin « cremare », qui veut dire brûler. C'est une technique funéraire visant à réduire un corps en cendre, et le mot insiste sur la technique. Le mot incinération fait référence au résultat de la technique : les cendres. Le problème aujourd'hui, c'est qu'avec toutes les techniques d'incinération des déchets, il est devenu délicat d'employer ce mot pour un corps, et donc on parle de crémation, même si on parle encore d'incinération dans bon nombre de documents d’Église.
L’Église est plus à l'aise avec la mise en terre qu'avec l'incinération. C'est en référence au corps du Christ qui a été mis en terre ?
S. A. : Exactement. Notre référence, c'est le Christ mort et ressuscité, qui a été mis au tombeau. C'est dit dans le Credo, c'est important pour les chrétiens et c'est cette position que tient l’Église : sa préférence va à l'inhumation plutôt qu'à la crémation. Cela dit, la crémation est une pratique de plus en plus fréquente. Avant Vatican II (1963), l’Église y était totalement opposée, parce qu'au XIXe siècle surtout, la crémation était un acte que l'on posait contre l’Église et contre la foi chrétienne. Donc bien sûr, l’Église ne pouvait l'accepter.
Pourtant, la crémation était déjà très répandue dans les pays anglo-saxons, protestants ?
S. A. : C'est vrai, et avec le concile Vatican II, l'ouverture de l’Église catholique aux autres Églises a permis de comprendre et d'entendre que la demande de crémation n'était pas faite contre la foi chrétienne. Depuis Vatican II, l’Église tolère la crémation depuis 1963, même si l'inhumation reste sa préférence. Dans son parcours de funérailles, l’Église demande que la crémation se fasse après la station à l’Église, comme pour l'inhumation. On se rend compte aujourd'hui que bon nombre de personnes ne passent plus par l’Église, mais demandent quand même une prière à l’Église, pour ne pas être « enterrés comme des chiens » ni passer au crématorium sans référence chrétienne.
Comment cela se passe-t-il alors ? Si quelqu'un demande la crémation sans passer par l’Église, il peut tout de même y avoir une prière au crématorium ?
S. A. : Oui, tout à fait. L’Église le permet. En 2001, les évêques ont demandé qu'on porte un soin particulier à la destination des cendres et qu'on propose une prière au lieu du crématorium.
Cela peut être fait par un prêtre ?
S. A. : Par un prêtre comme par un laïc des équipes des funérailles, mandaté par l’Église, et il y en a beaucoup aujourd'hui, qui peut venir, à la demande de la famille, proposer un temps de prière.
Donc le passage à l’Église n'est pas obligatoire ?
S. A. : Non, je ne dis pas cela. Mais certaines personnes qui se sont éloignées de l’Église et n'osent pas revenir s'adresser à elle, ont dans leur famille des chrétiens qui souhaitent une prière faite par l’Église... C'est aux équipes funérailles de discuter et de sentir si oui ou non un passage par le bâtiment église est nécessaire. Et si c'est non, de proposer une prière au crématorium. Tous les crématoriums n'ont pas une équipe catholique pour les funérailles, mais il y en a de plus en plus. Et il y a beaucoup de discussions à ce sujet dans les diocèses. Le crématorium n'est pas en concurrence avec l’Église.
Il faut y voir un lieu d'évangélisation ?
S. A. : Tout à fait. Et les évêques, actuellement, le disent. En 2020, 50 % des Français demanderont la crémation !
Comment se passe un temps de prière au crématorium ?
S. A. : On est en train d'y travailler au Service national, et l'on se rend compte d'abord de l'importance de l'accueil des familles, des gestes et des propos sur le défunt. Et de la Parole, qui dit l'espérance en la résurrection.
Donc un évangile est lu ?
S. A. : Oui, quand on a le temps, on lit une première lecture, un psaume, un évangile, et on fait un court commentaire. Et puis, comme on a à l’Église le temps de l'adieu, avec l'encensement, on cherchera un geste de respect et d'adieu, qui laisse le corps à Dieu. Tout cela ne dure qu'une demi-heure, pendant laquelle il est important de donner de l'espérance aux gens, et de les rassurer, en leur disant : « Il est dans les bras de Dieu ».
On dit depuis longtemps que la crémation est un moment difficile pour les familles.
S. A. : C'est vrai. On ne dispose que d'une demi-heure. Autrefois, il y avait les veillées, puis le temps de passage à l’Église, puis au cimetière, cela durait trois jours. Là, en une demi-heure, il faut tout faire, et ce n'est pas évident pour entamer un deuil.
Que dit l’Église sur la conservation des cendres ?
S. A. : L’Église a statué de manière très claire. Les cendres sont les restes d'un corps, donc on ne peut ni les diviser ni les disperser. L’Église demande qu'il n'y ait ni dispersion ni conservation à domicile, mais qu'on dépose l'urne dans un lieu de mémoire. Cela peut être une sépulture familiale, un colombarium... C'est important pour la mémoire de la personne.
Disperser les cendres dans la mer ou dans son jardin, ce n'est pas recommandé ?
S. A. : Non, et d'ailleurs la loi Sueur actuellement en vigueur accepte la dispersion des cendres dans un lieu public, mais pas dans un lieu privé, une source ou un jardin.
On peut se recueillir devant des cendres ?
S. A. : Cela dépend des gens. Mais je crois qu'on se recueille mieux devant un corps qui est dans un cercueil. Une urne, c'est un autre rapport au corps, à la mort, à la vie. A un corps, on peut dire au revoir.
Réponses de Sylvie André, religieuse auxiliatrice aux questions de Sophie de Villeneuve dans l'émission de Radio Notre-Dame « Mille questions à la foi ».
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Sylvie André, religieuse auxiliatrice, travaillant au Centre national de la pastorale religieuse, répond aux questions de Sophie de Villeneuve. Publié le 26 octobre 2015. [Vous devez être inscrit et connecté pour voir ce lien]
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La crémation est une pratique de plus en plus fréquente. Qu'en dit l’Église? Y est-elle réticente, comme beaucoup le pensent ? Le passage au crématorium change-t-il la célébration des funérailles ? Et quelle est la différence entre crémation et incinération ?
S. A. : Le mot crémation vient du latin « cremare », qui veut dire brûler. C'est une technique funéraire visant à réduire un corps en cendre, et le mot insiste sur la technique. Le mot incinération fait référence au résultat de la technique : les cendres. Le problème aujourd'hui, c'est qu'avec toutes les techniques d'incinération des déchets, il est devenu délicat d'employer ce mot pour un corps, et donc on parle de crémation, même si on parle encore d'incinération dans bon nombre de documents d’Église.
L’Église est plus à l'aise avec la mise en terre qu'avec l'incinération. C'est en référence au corps du Christ qui a été mis en terre ?
S. A. : Exactement. Notre référence, c'est le Christ mort et ressuscité, qui a été mis au tombeau. C'est dit dans le Credo, c'est important pour les chrétiens et c'est cette position que tient l’Église : sa préférence va à l'inhumation plutôt qu'à la crémation. Cela dit, la crémation est une pratique de plus en plus fréquente. Avant Vatican II (1963), l’Église y était totalement opposée, parce qu'au XIXe siècle surtout, la crémation était un acte que l'on posait contre l’Église et contre la foi chrétienne. Donc bien sûr, l’Église ne pouvait l'accepter.
Pourtant, la crémation était déjà très répandue dans les pays anglo-saxons, protestants ?
S. A. : C'est vrai, et avec le concile Vatican II, l'ouverture de l’Église catholique aux autres Églises a permis de comprendre et d'entendre que la demande de crémation n'était pas faite contre la foi chrétienne. Depuis Vatican II, l’Église tolère la crémation depuis 1963, même si l'inhumation reste sa préférence. Dans son parcours de funérailles, l’Église demande que la crémation se fasse après la station à l’Église, comme pour l'inhumation. On se rend compte aujourd'hui que bon nombre de personnes ne passent plus par l’Église, mais demandent quand même une prière à l’Église, pour ne pas être « enterrés comme des chiens » ni passer au crématorium sans référence chrétienne.
Comment cela se passe-t-il alors ? Si quelqu'un demande la crémation sans passer par l’Église, il peut tout de même y avoir une prière au crématorium ?
S. A. : Oui, tout à fait. L’Église le permet. En 2001, les évêques ont demandé qu'on porte un soin particulier à la destination des cendres et qu'on propose une prière au lieu du crématorium.
Cela peut être fait par un prêtre ?
S. A. : Par un prêtre comme par un laïc des équipes des funérailles, mandaté par l’Église, et il y en a beaucoup aujourd'hui, qui peut venir, à la demande de la famille, proposer un temps de prière.
Donc le passage à l’Église n'est pas obligatoire ?
S. A. : Non, je ne dis pas cela. Mais certaines personnes qui se sont éloignées de l’Église et n'osent pas revenir s'adresser à elle, ont dans leur famille des chrétiens qui souhaitent une prière faite par l’Église... C'est aux équipes funérailles de discuter et de sentir si oui ou non un passage par le bâtiment église est nécessaire. Et si c'est non, de proposer une prière au crématorium. Tous les crématoriums n'ont pas une équipe catholique pour les funérailles, mais il y en a de plus en plus. Et il y a beaucoup de discussions à ce sujet dans les diocèses. Le crématorium n'est pas en concurrence avec l’Église.
Il faut y voir un lieu d'évangélisation ?
S. A. : Tout à fait. Et les évêques, actuellement, le disent. En 2020, 50 % des Français demanderont la crémation !
Comment se passe un temps de prière au crématorium ?
S. A. : On est en train d'y travailler au Service national, et l'on se rend compte d'abord de l'importance de l'accueil des familles, des gestes et des propos sur le défunt. Et de la Parole, qui dit l'espérance en la résurrection.
Donc un évangile est lu ?
S. A. : Oui, quand on a le temps, on lit une première lecture, un psaume, un évangile, et on fait un court commentaire. Et puis, comme on a à l’Église le temps de l'adieu, avec l'encensement, on cherchera un geste de respect et d'adieu, qui laisse le corps à Dieu. Tout cela ne dure qu'une demi-heure, pendant laquelle il est important de donner de l'espérance aux gens, et de les rassurer, en leur disant : « Il est dans les bras de Dieu ».
On dit depuis longtemps que la crémation est un moment difficile pour les familles.
S. A. : C'est vrai. On ne dispose que d'une demi-heure. Autrefois, il y avait les veillées, puis le temps de passage à l’Église, puis au cimetière, cela durait trois jours. Là, en une demi-heure, il faut tout faire, et ce n'est pas évident pour entamer un deuil.
Que dit l’Église sur la conservation des cendres ?
S. A. : L’Église a statué de manière très claire. Les cendres sont les restes d'un corps, donc on ne peut ni les diviser ni les disperser. L’Église demande qu'il n'y ait ni dispersion ni conservation à domicile, mais qu'on dépose l'urne dans un lieu de mémoire. Cela peut être une sépulture familiale, un colombarium... C'est important pour la mémoire de la personne.
Disperser les cendres dans la mer ou dans son jardin, ce n'est pas recommandé ?
S. A. : Non, et d'ailleurs la loi Sueur actuellement en vigueur accepte la dispersion des cendres dans un lieu public, mais pas dans un lieu privé, une source ou un jardin.
On peut se recueillir devant des cendres ?
S. A. : Cela dépend des gens. Mais je crois qu'on se recueille mieux devant un corps qui est dans un cercueil. Une urne, c'est un autre rapport au corps, à la mort, à la vie. A un corps, on peut dire au revoir.
Réponses de Sylvie André, religieuse auxiliatrice aux questions de Sophie de Villeneuve dans l'émission de Radio Notre-Dame « Mille questions à la foi ».
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