Quand nos prières restent sans réponse, le doute nous assaille. En réalité, c’est toujours Dieu qui prie le premier. C’est Lui qui nous interpelle d’abord, et c’est à nous de répondre en lui demandant comment notre vie peut répondre à son appel. À son écoute, viennent alors l’espérance et la patience dans les épreuves.
Prier, c’est parler à Dieu « comme un ami parle à un ami », disait saint Ignace de Loyola. Lui parler comme un enfant parle à son Père du ciel : « Quand vous priez, dites : Notre Père… » Ce dialogue peut être alors action de grâce, louange, contrition, mais aussi intercession ou supplication. Cette dernière forme de prière (demande, intercession), pour fréquente qu’elle soit, n’est donc pas la seule possible, ni même la plus fondamentale des prières.
Le Catéchisme de l’Église catholique (CEC) définit la prière en général comme « une relation vivante et personnelle avec le Dieu vivant et vrai » (CEC 2258). La prière est cet acte humain par excellence par lequel l’homme communique et communie avec son créateur, et ce faisant, il exprime qui il est spécifiquement, c’est-à-dire un être pas seulement corporel mais également et d’abord spirituel. La prière est ce qui fait que nous sommes davantage qu’un « simple mammifère qui aurait bien évolué ». Elle marque notre unicité autant qu’elle fonde notre dignité. « Ne prie pas pour obtenir quelque chose ; prie pour devenir quelqu’un »: voilà un précepte essentiel à celui qui prend sa vie au sérieux.
Le Christ enfant méditant sur la Crucifixion, Mathieu Le Nain
Les nombreuses formes de prière
À partir de cette définition générale, la prière se décline sous de nombreuses formes. Sacramentelle ou non, communautaire ou solitaire, à Dieu le Père (le Pater, l’eucharistie), au Fils (l’adoration du Saint-Sacrement), à l’Esprit (louanges charismatiques), à Marie (le rosaire), aux saints (neuvaines), etc., multiple en ses formes et expressions, sur le fond notre prière se résume toujours plus ou moins à trois messages : la demande de pardon pour nos péchés (« Seigneur, prends pitié »), la louange ou action de grâce (« Gloire à Dieu », « Béni soit Dieu », « Merci Seigneur »), et l’intercession ou prière de demande (« Seigneur, aide-moi ! »). Notez que le « Notre Père » lui-même, la prière par excellence puisque c’est Dieu lui-même qui nous l’a enseigné, reprend successivement ces trois messages.
Persévérez sans rabâcher
En ce qui concerne l’intercession, par laquelle nous demandons quelque chose à Dieu pour nous-mêmes, pour quelqu’un d’autre ou pour le monde entier, Jésus nous surprend dans son Évangile. Il semble parfois nous inviter à tout demander avec confiance au Père : « Tout ce que vous demanderez au père en mon nom, vous l’obtiendrez » (Jn 14, 14) ; « Demandez et l’on vous donnera » (Mt 7, 8 ; voir aussi Mt 18, 19, Luc 11, 9 ; Mc 11, 24 ; Jn 15, 7 et 14, 3, etc.). Mais par ailleurs, Jésus dit : « Dans vos prières, ne rabâchez pas comme les païens : ils s’imaginent qu’en parlant beaucoup ils se feront mieux écouter. N’allez pas faire comme eux ; car votre père sait bien ce qu’il vous faut, avant que vous ne le lui demandiez » (Mt 6, 7). Ou encore : « Ne vous inquiétez donc pas en disant : “Qu’allons-nous manger ? Qu’allons-nous boire ? De quoi allons-nous nous vêtir ?” Ce sont là toutes choses dont les païens sont en quête. Or votre père céleste sait que vous avez besoin de tout cela. Cherchez d’abord son Royaume et sa justice, et tout cela vous sera donné par surcroît. Ne vous inquiétez donc pas du lendemain : demain s’inquiétera de lui-même » (Mt 6, 25). Bref, Dieu sait ce dont nous avons besoin. Inutile de le lui demander, semble-t-il.
Comment comprendre ? Il s’agit donc de tenir le difficile chemin de crête qui consiste à demander sans crainte, mais toujours dans la paix, la sagesse, la confiance et la foi. Prier comme un enfant de roi, dirait Jean Pliya. Prier avec persévérance, mais aussi avec foi, avec petitesse, avec confiance filiale et abandon. Prier entre l’espérance et la crainte (saint Anselme), pour purifier notre désir et creuser notre foi (saint Augustin) ? Soit, mais qu’en est-il de l’exaucement ? La réalité nous oblige à reconnaître qu’il n’arrive pas toujours. Les psaumes eux-mêmes en témoignent magnifiquement : « Tout le jour j’appelle et tu ne réponds pas » (Ps 22) ; « Ma couche est trempée de mes larmes » (Ps 6) ; « Pourquoi Seigneur es-tu si loin ? Pourquoi te caches-tu aux jours d’angoisse ? » (Ps 10). Leur dernier mot est cependant toujours l’espérance.
Lire la suite de ce très beau texte : Pourquoi Dieu ne répond-il pas à ma prière ?