par Claire Mer 12 Oct 2011 - 8:25
Et ça continue : prions pour la Paix en Egypte !
Par Tamim Elyan et Shaimaa Fayed | Reuters – lun. 10 oct. 2011..
..LE CAIRE (Reuters) - La colère et les soupçons à l'égard des militaires au pouvoir en Egypte ont été ravivés après la mort d'au moins 25 personnes dans une intervention de l'armée contre des manifestants coptes.
Ces violences sont les plus meurtrières en Egypte depuis le renversement d'Hosni Moubarak en février par un soulèvement populaire. Les Coptes, qui représentent environ 10% des 80 millions d'Egyptiens, accusent l'armée, qui dirige le pays en attendant des élections, d'en être la principale responsable.
Lundi soir, des milliers de manifestants ont défilé depuis la grande cathédrale du Caire jusqu'à l'hôpital copte où la plupart des blessés sont soignés, appelant au calme interreligieux et à la démission du chef du conseil militaire au pouvoir, le maréchal Mohamed Hussein Tantaoui.
Les dignitaires de l'Eglise copte ont appelé à trois jours de jeûne pour "le retour de la paix en Egypte".
Dimanche soir, des véhicules blindés de transport de troupes ont été précipités dans la foule de manifestants pour disperser un rassemblement près du siège de la télévision publique. Sur des images vidéos diffusées sur internet, on peut voir des corps mutilés après avoir été, selon des protestataires, écrasés par les véhicules militaires.
"Pourquoi n'agissent-ils pas de la même manière avec les salafistes ou les Frères musulmans quand ils organisent des manifestations ? Ce pays n'est plus le mien", disait Alfred Younan, près de l'hôpital copte du Caire.
Le ministère de la Santé a fait état de 25 morts et 329 blessés, dont 253 hospitalisés. Il s'agit en grande majorité de Coptes. Des violences ont encore éclaté durant la nuit aux abords de l'établissement hospitalier.
Les manifestants protestaient contre la démolition partielle d'une église la semaine dernière dans la province d'Assouan, incident qu'ils imputaient à des musulmans radicaux.
MOUSSA CRAINT UN CONFLIT CIVIL
Le Conseil suprême des forces armées (CSFA) au pouvoir a demandé au gouvernement de mener une enquête rapide sur les affrontements entre coptes et forces de l'ordre.
L'armée s'est engagée à prendre toutes les mesures nécessaires pour garantir la sécurité et elle a renouvelé son engagement à un transfert du pouvoir aux civils à l'issue d'un processus électoral.
Le ministre de la Justice, Mohamed Abdel Aziz el Gouïndi, a déclaré que l'enquête et les éventuels procès seraient dirigés par des tribunaux militaires. Les médias officiels ont fait état de plusieurs dizaines d'arrestations.
Pour Amr Moussa, ancien secrétaire général de la Ligue arabe et candidat à l'élection présidentielle, "c'est une crise majeure qui pourrait se terminer en conflit civil. Elle pourrait avoir d'affreuses conséquences."
Des chrétiens et des musulmans assurent que la colère exprimée dans les rues dimanche n'était pas tant dirigée contre l'une ou l'autre confession mais bien contre l'armée. Les militaires sont en outre vivement critiqués par des chefs de file de la révolution pour l'absence de calendrier clair de transfert du pouvoir.
Les militaires "se montrent très violents car ils savent qu'on ne leur demandera pas de rendre des comptes", a dit Gamal Eid, du Réseau arabe pour l'information sur les droits de l'homme. "C'est la preuve que l'armée doit quitter le pouvoir le plus rapidement possible", a-t-il ajouté.
Des élections législatives sont prévues en plusieurs étapes à partir du 28 novembre et jusqu'en mars. Une nouvelle Constitution devra ensuite être rédigée avant la tenue d'une élection présidentielle dont la date n'a pas été annoncée. Ces délais conduisent certains en Egypte à soupçonner l'armée de vouloir conserver le pouvoir plus longtemps que nécessaire.
"Le grand problème de l'Egypte aujourd'hui, c'est qu'il n'y a personne parmi les dirigeants qui dispose de l'autorité et de la crédibilité nécessaires pour calmer la situation", souligne un diplomate occidental de haut rang.
"Après ces évènements, le risque grandit que l'armée entre en conflit avec le peuple. L'autorité du Premier ministre est dangereusement atteinte. Mais aucun des candidats à la présidentielle n'a encore la stature", ajoute-t-il.
QUELQUES CONCESSIONS
Dans la matinée, Le Premier ministre Essam Charaf a dénoncé à la télévision publique "des complots malveillants".
A l'issue d'un conseil des ministres extraordinaire, le gouvernement intérimaire a annoncé que la loi punirait désormais les discriminations, notamment religieuses, de peines de prison et d'amendes.
Lundi, un Egyptien a été exécuté pour le meurtre de six Coptes et d'un musulman en 2010.
Depuis la chute de Hosni Moubarak, des mouvements salafistes ou islamistes radicaux ont refait surface en Egypte. Cette résurgence a conduit à des violences confessionnelles avec les coptes, qui se disent victimes de discrimination et d'un manque de protection de la part des autorités.
Une commission permettra d'accélérer la rédaction de la nouvelle loi unique sur les lieux de cultes, a en outre annoncé le gouvernement. Les chrétiens déplorent que les mosquées soient plus faciles à construire que les églises.
La situation en Egypte suscite l'inquiétude des pays occidentaux.
La Maison blanche a lancé un appel à la mesure tout en insistant sur la nécessité de poursuivre la transition démocratique, tandis que les ministres européens des Affaires étrangères ont réclamé le respect de la liberté de culte et du calendrier électoral.
Avec Maha el Dahan, Dina Zayed et Tom Pfeiffer au Caire, Laura MacInnis à Washington et David Brunnstrom à Luxembourg, Bertrand Boucey pour le service français, édité par Gilles Trequesser
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