Comment un prêtre catholique a sauvé la vie de plus de 1 000 musulmans
SISTER GRACE CANDIRU (1)
05.02.2015
Le père Bernard Kinvi, 32 ans, est Togolais, prêtre de l'Ordre des Camilliens. Il dirige une mission en République centrafricaine. Début 2014, il a sauvé la vie de plus de 1 000 musulmans fuyant les milices déchaînées, les rassemblant et les abritant dans l'église locale. Il l'a fait au péril de sa vie.
D'une façon générale, chrétiens et musulmans ont coexisté en paix en République centrafricaine jusqu'au jour où, fin 2012, une force rebelle à majorité musulmane, appelée Séléka, a pris le contrôle de plusieurs villes du pays, avançant vers la capitale, Bangui. Le président François Bozizé a conclu un accord avec eux, mais la paix n'a pas duré. En mars dernier, la Séléka régnait sur Bangui.
Lorsque la violence a atteint Bossemptélé, une petite bourgade au nord-ouest de Bangui, certains combattants Séléka, blessés, ont cherché à se faire soigner à l'hôpital de la mission du père Kinvi. « J'ai dû leur interdire de venir à l'hôpital avec des armes », explique le père Kinvi au journal The Irish Times. « Les populations locales étaient terrifiées et ont décidé de se rebeller contre eux. Ils ont ensuite établi l'anti-Balaka », une force de résistance à l'avancée de la milice Séléka.
Pour son travail humanitaire, l'association Human Rights Watch a décerné l'an dernier au père Kinvi le prix Alison Des Forges. Aleteia a interviewé le père Kinvi.
Pouvez-vous décrire les relations qui existaient entre la communauté locale à Bossemptélé avant le début du conflit?
Père Bernard Kinvi : Avant le début de la crise politico-militaire, la population de Bossemptélé vivait dans une cohésion pacifique entre chrétiens, musulmans et animistes. La vie de tous était complémentaire. Les musulmans tenaient les commerces. Les Peuls étaient éleveurs de bétail, tandis que la majorité des chrétiens et animistes travaillaient dans l'agriculture. Et c'étaient eux qui fournissaient la nourriture (manioc, maïs et arachide) pour les musulmans et les Peuls. Tout le monde avait besoin de son voisin pour vivre mieux. Bien sûr, les problèmes ne manquaient pas, mais ils n'étaient pas excessifs.
D'après votre expérience, qu'est-ce qui a alimenté le conflit en République centrafricaine?
P.B.K. : Avant tout, je crois sincèrement que c'est la corruption et la mauvaise gouvernance qui sont la cause de ce conflit. En outre, la majorité des gens vivent sans électricité, sans accès à l'eau potable, aux service de santé ou à l'éducation, tandis que d'autres vivent dans l'opulence et le pillage de l'or, des diamants et du bois qui devraient appartenir à tout le monde. Ces abus sans fin et la corruption ont engendré désespoir et colère. Cette colère accumulée a généré une spirale de violence et de vengeance qui persiste malheureusement à ce jour.
Quelle est la situation actuelle du conflit en République centrafricaine?
P.B.K. : À l'Ouest du pays, règne un calme précaire. Certes, les milices anti-Balaka sont toujours bien armées – mieux qu'au début de la guerre – mais la violence a considérablement diminué. Cependant, dans l'Est du pays, notamment dans la zone de Bambari, la violence est encore toujours très répandue, les Séléka et anti-Balaka étant toujours présents. Il est très difficile pour eux de vivre ensemble.
Comment votre équipe a-t-elle réussi à gérer deux groupes en conflit sans prendre parti pour l'un ou l'autre ?
P.B.K. : Au plus fort du conflit, j'ai réuni le personnel de l'hôpital et leur ai dit : « Ici, nous sommes un hôpital catholique, on soigne tout le monde avec le même amour, ami ou ennemi. Il a tué votre frère ou violé votre sœur ? Lorsqu'il a franchi le seuil de l'hôpital malade ou blessé, vous prenez soin de lui. Si vous l'acceptez, vous pouvez rester. Sinon, vous êtes encore libre de quitter l'hôpital ».
Au début de l'année dernière, en République centrafricaine, le père Bernard Kinvi a caché dans son église, au péril de sa vie, plus d'un millier de musulmans fuyant les milices islamistes
SISTER GRACE CANDIRU (1)
05.02.2015
© 2014 Peter Bouckaert / Human Rights Watch
Le père Bernard Kinvi, 32 ans, est Togolais, prêtre de l'Ordre des Camilliens. Il dirige une mission en République centrafricaine. Début 2014, il a sauvé la vie de plus de 1 000 musulmans fuyant les milices déchaînées, les rassemblant et les abritant dans l'église locale. Il l'a fait au péril de sa vie.
D'une façon générale, chrétiens et musulmans ont coexisté en paix en République centrafricaine jusqu'au jour où, fin 2012, une force rebelle à majorité musulmane, appelée Séléka, a pris le contrôle de plusieurs villes du pays, avançant vers la capitale, Bangui. Le président François Bozizé a conclu un accord avec eux, mais la paix n'a pas duré. En mars dernier, la Séléka régnait sur Bangui.
Lorsque la violence a atteint Bossemptélé, une petite bourgade au nord-ouest de Bangui, certains combattants Séléka, blessés, ont cherché à se faire soigner à l'hôpital de la mission du père Kinvi. « J'ai dû leur interdire de venir à l'hôpital avec des armes », explique le père Kinvi au journal The Irish Times. « Les populations locales étaient terrifiées et ont décidé de se rebeller contre eux. Ils ont ensuite établi l'anti-Balaka », une force de résistance à l'avancée de la milice Séléka.
Pour son travail humanitaire, l'association Human Rights Watch a décerné l'an dernier au père Kinvi le prix Alison Des Forges. Aleteia a interviewé le père Kinvi.
Pouvez-vous décrire les relations qui existaient entre la communauté locale à Bossemptélé avant le début du conflit?
Père Bernard Kinvi : Avant le début de la crise politico-militaire, la population de Bossemptélé vivait dans une cohésion pacifique entre chrétiens, musulmans et animistes. La vie de tous était complémentaire. Les musulmans tenaient les commerces. Les Peuls étaient éleveurs de bétail, tandis que la majorité des chrétiens et animistes travaillaient dans l'agriculture. Et c'étaient eux qui fournissaient la nourriture (manioc, maïs et arachide) pour les musulmans et les Peuls. Tout le monde avait besoin de son voisin pour vivre mieux. Bien sûr, les problèmes ne manquaient pas, mais ils n'étaient pas excessifs.
D'après votre expérience, qu'est-ce qui a alimenté le conflit en République centrafricaine?
P.B.K. : Avant tout, je crois sincèrement que c'est la corruption et la mauvaise gouvernance qui sont la cause de ce conflit. En outre, la majorité des gens vivent sans électricité, sans accès à l'eau potable, aux service de santé ou à l'éducation, tandis que d'autres vivent dans l'opulence et le pillage de l'or, des diamants et du bois qui devraient appartenir à tout le monde. Ces abus sans fin et la corruption ont engendré désespoir et colère. Cette colère accumulée a généré une spirale de violence et de vengeance qui persiste malheureusement à ce jour.
Quelle est la situation actuelle du conflit en République centrafricaine?
P.B.K. : À l'Ouest du pays, règne un calme précaire. Certes, les milices anti-Balaka sont toujours bien armées – mieux qu'au début de la guerre – mais la violence a considérablement diminué. Cependant, dans l'Est du pays, notamment dans la zone de Bambari, la violence est encore toujours très répandue, les Séléka et anti-Balaka étant toujours présents. Il est très difficile pour eux de vivre ensemble.
Comment votre équipe a-t-elle réussi à gérer deux groupes en conflit sans prendre parti pour l'un ou l'autre ?
P.B.K. : Au plus fort du conflit, j'ai réuni le personnel de l'hôpital et leur ai dit : « Ici, nous sommes un hôpital catholique, on soigne tout le monde avec le même amour, ami ou ennemi. Il a tué votre frère ou violé votre sœur ? Lorsqu'il a franchi le seuil de l'hôpital malade ou blessé, vous prenez soin de lui. Si vous l'acceptez, vous pouvez rester. Sinon, vous êtes encore libre de quitter l'hôpital ».
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