L'eau bénite dangereuse ? Et pourtant si nécessaire... Je ne sais pas quel décret ou quelle ordonnance a imposé à nos chers prêtres de vider les bénitiers en toute urgence ; toujours est-il, que Covid oblige, ils sont vides et bien vides. Inutile de tremper votre main dans le bénitier, vous n’y trouverez qu’un grand désespoir (et peut-être quelques mouches...).
Quelle obéissance ! Et c’est une grande vertu..
Sans doute l’eau bénite ne sert-elle plus à grand chose, me direz-vous et sans doute même sommes-nous bien peu nombreux à encore croire à ses vertus. Un sacramental inutile de plus, destiné à disparaître comme bon nombre de dévotions populaires ? Mais n’y a-t-il pas là un grand danger ?
Nous allons tenter, dans les quelques lignes qui suivent, de démontrer le contraire et surtout d’encourager à l’utiliser abondamment en suppliant vos prêtres de la remettre au plus vite à l’entrée de nos églises.
Avec beaucoup d’imagination et de rapidité, nous avons été capables de mettre en place toutes les règles sanitaires en un temps record et même d’interdire la communion dans la bouche. Avec une petite pointe d’humour, je nous invite à autant d’imagination pour réintroduire l’eau bénite dans nos églises. Pourquoi ne pas mettre un aspergeur automatique d’eau bénite à l’entrée qui diffuserait une brise légère sans même pouvoir y échapper...
Aucun risque de contamination !
Plus sérieusement, pourquoi ne pas mettre, deux distributeurs à l’entrée, un pour le gel et un pour l’eau bénite ? Avec bien entendu, l’étiquette adéquate sur chaque flacon pour ne pas se tromper (gel bénit et eau hydroalcoolique... à consommer sans modération... ou plutôt l’inverse...).
Pour argumenter et crédibiliser mon article, nous avons fait quelques recherches sur l’origine de l’eau bénite auprès des grands saints qui l’utilisaient, et aussi trouvé quelques témoignages.
En cherchant dans notre librairie, nous avons découvert un petit livre à notre catalogue, un peu oublié je l’avoue :
« Eau bénite et autres moyens de salut ».
« Eau bénite et autres moyens de salut »
Indeborg et Horst Obereder, co-auteurs du livre, nous rappellent qu’aujourd’hui, à intervalles rapprochés, ne cessent de surgir de nouveaux courants qui promettent la santé. Presque tous s’enracinent dans le bouddhisme, l’hindouisme ou le Nouvel Age. On est étonné de voir des individus se charger de tant de fatigues et de frais pour se faire guérir par des gourous aux méthodes douteuses.
Les « remèdes » offerts par l’Église sont cependant presque oubliés. Des remèdes chrétiens qui sont en outre gratuits ; chacun peut les utiliser, simplement, sans bourse délier, car Dieu, par l’intermédiaire de son Eglise, les offre de son abondance illimitée.
Ainsi en a-t-il été de Naaman qui partit pour Israël dans le but de se faire délivrer de sa lèpre (2 Rs 5,10 s.) : « Va te baigner sept fois dans le Jourdain, lui fit dire Élisée, et tu seras guéri. » « Les eaux de mon pays ne valent-elles pas mieux que toutes les eaux d’Israël ? » dit Naaman, fâché. Mais ses serviteurs le persuadèrent : si la condition demandée avait été plus difficile, ne l’aurait-il pas sûrement acceptée en croyant à son succès ? Seule la simplicité de la tâche le dissuadait de l’exécuter. Alors Naaman descendit au Jourdain, s’y plongea sept fois et il fut purifié !
A côté des sacrements du baptême, de pénitence, de l’Eucharistie et des malades, l’Église propose d’autres moyens de salut qui appartiennent partiellement à ce que l’on définit comme « sacramentaux », dont l’eau bénite.
Caractéristique et forme des sacramentaux
Catéchisme ( 1667 à 1673 - extrait)
« La Sainte Mère l’Église a institué des sacramentaux, qui sont des signes sacrés par lesquels (...) des effets spirituels sont signifiés et sont obtenus par la prière de l’Église. Par eux, les hommes sont disposés à recevoir l’effet principal des sacrements et les diverses circonstances de la vie sont sanctifiées. »
Caractéristiques des sacramentaux :
- Ils sont institués en vue de la sanctification de certains ministres, de certains états de vie, de circonstances très variées de la vie chrétienne, ainsi que de l’usage des choses utiles à l’homme (...) ;
- Ils relèvent du sacerdoce baptismal : tout baptisé est appelé à être une « bénédiction et à bénir» (...) ;
- Les sacramentaux ne confèrent pas la grâce de l’Esprit-Saint à la manière des sacrements mais par la prière de l’Église ils préparent à recevoir la grâce et disposent à y coopérer (...).
Les formes variées des sacramentaux : Parmi les sacramentaux figurent d’abord les bénédictions (...), en invoquant le nom de Jésus et en faisant habituellement le signe saint de la Croix du Christ.
L’eau bénite compte parmi les sacramentaux. Elle consiste en deux éléments différents, l’eau qui doit purifier et le sel protéger.
L’eau bénite dans la foi de l’Église
Au IIe siècle, le saint pape Alexandre Ier, parle de l’eau bénite comme un usage établi depuis longtemps. S’appuyant sur la tradition mosaïque, Il donne l’ordre aux prêtres d’en asperger le peuple : « Si la cendre mêlée au sang d’une vache sanctifiait et purifiait le peuple qui en était aspergé, bien plus le peuple sera-t-il purifié et sanctifié par l’eau bénite mêlée à du sel et accompagnée de prières célestes. » Il a imposé aux prêtres l’obligation de consacrer de l’eau tous les dimanches avant la messe, pour en asperger les fidèles en vue de leur purification. Il n’a cessé aussi d’inviter les fidèles à emporter de l’eau bénite dans leurs maisons.
Autour de l’an 900 s’est tenu à Nantes un concile régional qui reprend l’ancienne tradition de l’Eglise en décrétant : « Tous les dimanches avant la messe, le prêtre fera de l’eau bénite. Il en aspergera les fidèles, puis fera le tour de l’église en priant pour les défunts qui reposent dans le cimetière. Les fidèles emporteront chez eux l’eau bénite pour en asperger leurs maisons, leurs champs, leurs vignes et leurs troupeaux. Ils l’emploieront aussi à bénir les repas et la boisson pour les hommes et le bétail.»
Les défunts sont ici expressément mentionnés, ce qui est important. Ceux qui souffrent encore en purgatoire bénéficient comme nous des effets de l’eau bénite. Ils font partie de l’Église. Le soulagement leur est dévolu en raison de la communion des saints. En tant que sacramental, l’eau bénite possède une vertu de réconciliation et d’intercession qui profite aux défunts. Il est donc de notre devoir de chrétien de les aider par l’usage plein de foi de l’eau bénite. Comment le faire ? C’est très simple : faire une aspersion d’eau bénite accompagnée d’un signe de croix et d’une courte prière à leur intention.
Le IVe concile de Mayence de 1529 reprend le sujet de l’eau bénite. Que l’Eglise fasse usage de son pouvoir, lisons-nous, car l’eau bénite éloigne les maladies et chasse les calamités publiques. L’Eglise doit suivre l’exemple des saints et des prophètes qui par l’usage de choses physiques ont obtenu des effets surnaturels. « Nous décrétons que cette habitude doit être conservée dans notre Église. »
Dans sa lettre apostolique Dies Domini du 31 mai 1998, le pape Jean Paul II recommande expressément aux prêtres d’asperger les fidèles d’eau bénite au début de la messe en souvenir de leur baptême et en rite de pénitence approprié.
Dans son exhortation apostolique postsynodale Ecclesia in America du 22 janvier 1999, le Saint-Père mentionnait aussi l’importance des sacramentaux :
Les expressions de la piété populaire sont importantes et nombreuses : « Les pèlerinages aux sanctuaires du Christ, de la Sainte Vierge et des saints, ainsi que la prière pour les âmes du purgatoire, l’usage des sacramentaux (eau, huile, cierges...). Ces expressions, et tant d’autres, de la piété populaire donnent aux fidèles l’occasion de rencontrer le Christ vivant. » Les pères synodaux ont souligné l’urgence de découvrir les vraies valeurs spirituelles dans les dévotions populaire pour les enrichir avec les éléments de la doctrine catholique authentique, afin que cette religiosité puisse conduire à un engagement sincère de conversion et à une expérience concrète de charité.
L’eau bénite - un moyen de salut
L’eau bénite n’est pas quelque chose de magique mais un moyen de salut.
Tout ce que Dieu a béni l’est vraiment, c’est-à-dire, pour parler comme Paul, est libéré de l’esclavage de Satan et pourvu de qualités surnaturelles.
C’est Dieu Lui-même qui bénit, Lui ou ses serviteurs. La bénédiction est transmise par l’autorité du prêtre.
L’eau reçoit immanquablement, par la bénédiction de l’Église, toutes les qualités exprimées dans la formule de bénédiction.
Lorsque, en dépit d’une foi profonde, l’effet espéré de l’eau bénite ne se produit pas, c’est le secret de Dieu. Mais nous devons avoir fermement confiance que cela contribue à notre salut - même si nous ne comprenons pas ou si nous avons de la peine à l’accepter.
Protection et bénédiction de l’eau bénite
Dans un petit livre épuisé, Protège-toi et bénis-toi, toi et les tiens, au moyen de l’eau bénite, le curé Alfons Marie Weigl écrit que « l’effet de l’eau bénite repose sur deux sortes de choses ».
1. La prière de consécration : L’Église implore la force purifiante et protectrice, la vertu curative et sanctifiante de l’eau bénite par une prière particulière d’exorcisme et de supplication. Elle la représente symboliquement en mêlant du sel béni à l’eau qui doit être consacrée. Ce mélange se fait au nom des trois Personnes divines avec un signe de croix. Il est établi par là que l’on attend de la Sainte Trinité toute la force purifiante et curative de l’eau bénite, ainsi que ses effets souhaités particuliers, par les mérites du Sauveur crucifié dont le signe, la croix, est si souvent utilisé par l’Église. Oui, Seigneur, c’est Toi qui es agissant et secourable en ta sainte Église. Toi le Tout-Puissant et miséricordieux, Toi le Dieu de miséricorde et de bonté.
2. Mais l’action de l’eau bénite est fondée aussi sur la foi et la confiance du chrétien, car tout sacramental agit en raison de la disposition de l’âme de celui qui donne et de celui qui reçoit (ex opere operantis). Ici vaut ce que dit le Sauveur : « Tu es guéri parce que tu as cru. » Cela dépend donc beaucoup de notre bonne volonté.
L’eau bénite, toujours d’actualité ?
En effet, l’eau bénite, permet d’aider les fidèles dans leur vie quotidienne : protection des personnes ou des lieux, combat contre les tentations… Plus largement, pour aider le chrétien à être fidèle à la grâce de son baptême, et à devenir un saint. S’appuyant sur le Catéchisme de l’Église catholique, l’abbé Fontelle, dans son livre L’eau bénite, histoire et spiritualité rappelle les fruits liés à l’usage de l’eau bénite, parmi lesquels la rémission des péchés véniels et l’éloignement des démons (saint Thomas d’Aquin précise d’ailleurs que c’est le sacramental idoine dans ce dernier cas).
Ainsi, se signer avec un peu d’eau bénite n’entraîne pas automatiquement la rémission des fautes vénielles : encore faut-il les reconnaître et en avoir la contrition. Dans ce cas, d’ailleurs, l’usage de l’eau bénite ne dispense pas du recours, fréquent, au sacrement de réconciliation. À noter aussi : les grâces demandées, telles que les guérisons, doivent correspondre au dessein de Dieu. Attention enfin à ne pas se limiter au seul geste (signe de la croix) mais à l’accompagner d’une prière, même brève, ou au moins d’une prise de conscience de ce que l’on fait. Essentiel pour ne pas tomber dans l’automatisme.
« Dans ces conditions, l’eau bénite peut, et même doit, retrouver sa “juste” place dans la vie chrétienne, comme l’encourage d’ailleurs le concile Vatican II », souligne le Père Fontelle. Pourquoi, par exemple, ne pas veiller à en user au seuil de chaque eucharistie dominicale, pour y entrer purifié et restauré dans notre dignité baptismale ? Pourquoi, aussi, ne pas la réintroduire dans les maisons, où elle a eu sa place (au creux de petits bénitiers) pendant de nombreux siècles ? On pourrait ainsi en user, par exemple, lors de la prière, personnelle ou familiale, ou encore pour bénir les enfants, au moment du départ à l’école, ou du coucher.
Les saints parlent de l’eau bénite
« Pour faire votre prière comme il faut, il faut prendre de l’eau bénite, afin d’éloigner de vous le démon, et faire le signe de la croix, en disant : "Mon Dieu, par cette eau bénite et par le sang précieux de Jésus-Christ votre Fils, lavez-moi, purifiez-moi de tous mes péchés". Il faut bien nous persuader que si nous le faisons avec foi, nous effacerons tous nos péchés véniels. » Saint Curé d’Ars
« Il est bon d’avoir toujours de l’eau bénite en sa maison, auprès de son lit, afin d’en prendre au soir en se couchant et au matin en se levant, et quand on sent quelque tentation ou peine d’esprit ». Saint Jean Eudes
« Il n’y a rien de plus efficace que l’eau bénite pour repousser les démons et les empêcher de revenir... pour moi, j’en éprouve une consolation très particulière et très sensible lorsque j’en prends. Et je l’affirme, elle me fait éprouver d’ordinaire un bien-être que je ne saurai exprimer, et une joie intérieure qui fortifie toute mon âme. » Sainte Thérèse d’Avila
Lecture conseillée :
Eau bénite et autres moyens de salut
Explication, témoignages et prières liés à l’eau bénite.
18 € + port - 152 pages
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Article publié dans la revue N°299 - septembre 2020
https://www.etoilenotredame.org/actualites/l-eau-benite-dangereuse-et-pourtant-si-necessaire-?