« Être bien ce que l’on est. »
Par Michel Janva le 21 juin 20191 commentaire
Par Michel Janva le 21 juin 20191 commentaire
Dans sa chronique hebdomadaire sur Valeurs Actuelles, le père Danziec revient sur la polémique autour de Notre-Dame de Paris :
Les footballeurs le savent, chaque week-end ils ont une équipe à affronter et le but est de gagner. Mais certains matchs, plus que d’autres, possèdent une saveur particulière. Pour un joueur, se déplacer à Amiens ou défier au Stade de France le PSG en finale d’une coupe nationale ne saurait avoir la même portée. En matière de messe, toute proportion gardée assurément, c’est un peu la même chose. Chaque jour, le prêtre accomplit des gestes rituels qui le conduisent à faire descendre Dieu sur l’autel. Il y a là une donnée qui devrait faire abstraction de toute autre puisque la victoire, à chaque fois, est au rendez-vous. Le pain et le vin, par ses mains et ses paroles, deviennent le corps et le sang du Christ. Pourtant, il faut l’avouer, le contexte de certaines célébrations peuvent offrir à ces dernières une dimension remarquable. Lorsque le 15 juin dernier, Monseigneur Aupetit célèbre la messe dans Notre-Dame de Paris – la première dans la cathédrale depuis l’incendie –, il faut bien l’admettre : il ne s’agit pas d’une messe comme les autres, bien que les gestes accomplis soient les mêmes qu’à chaque office.
Pas comme les autres, non pas particulièrement en raison des casques de chantier qui faisaient office de mitre ou de mantilles. Mais plutôt parce qu’après une longue séparation, on ne retrouve jamais un ami de la même manière. La poignée de main se fait plus virile. Le regard plus clair. Il y avait du solennel dans l’attitude de l’archevêque de Paris. Dans sa voix, de l’émotion non feinte.
Surtout, il y avait de la gravité. Beaucoup en effet savent que, si l’édifice fut sauvé des flammes, Notre-Dame reste en danger. Un danger d’un autre ordre. Celui d’une sécularisation qui cherche à s’inviter sous cette flèche à reconstruire.
Dès le lendemain de l’incendie, sur TF1, Emmanuel Macron évoquait le drame sans utiliser une seule fois le mot catholique ou chrétien. Peu après, un communiqué élyséen plaidera pour qu’un geste architectural contemporain puisse être envisagé dans la reconstruction de la cathédrale. Christophe Castaner sera ensuite photographié de dos, en contre-plongée, à l’entrée de la nef, de manière à ce que la croix du sanctuaire ne puisse apparaître dans le cliché. Décidément, notre époque est parfois bien curieuse.
Après les hommes barbus qui, sans rougir, se déclarent non-binaires, les hérauts transgenres à l’occasion de l’eurovision et les femen qui se dénudent pour faire valoir leur droits face aux hommes, il faudrait donc obliger Notre-Dame de Paris a une sorte de coming out existentiel : entendez, elle n’aurait jamais été un lieu de prière, mais en revanche, depuis toujours, un emblème national. Seulement.
Il y a fort heureusement un bon sens populaire qui ne ment pas. A l’écolier qui se dissipe, l’institutrice se presse de rappeler que dans cette classe « il n’est pas au cirque ». Les clowns sont faits pour les chapiteaux, les élèves pour apprendre leur leçon. Les policiers pour arrêter les voleurs. Inlassablement, on en revient là : la meilleure façon d’avancer, c’est d’être bien ce que l’on est. A cet égard, il y a toujours quelque chose de désolant, lors d’une homélie paroissiale, de voir un prêtre tenir des propos de café du commerce, comme il serait tout à fait curieux d’entendre un barman parler théologie derrière son comptoir.
Chaque chose à sa place. « Être bien ce que l’on est »
Lors de ce 15 juin, Monseigneur Aupetit ne s’y est pas trompé : la cathédrale de Paris valait bien une messe. Ses mots forts ont raisonné d’une façon particulière, et la voûte éventrée n’y était pour rien : « Notre-Dame est un lieu de culte, c’est sa finalité propre et unique. »
A ce rappel sans équivoque, Témoignage Chrétien réagira en fustigeant dans un éditorial cinglant un « Monseigneur Très Petit ». Le grand maître du Grand Orient de France (GODF) affirmera qu’il ne voit en rien, dans ce monument historique national, un lieu de culte.
Bien-sûr, autrefois on aurait ri. Pour l’archevêque de Paris, il importait simplement de rappeler, au milieu de la confusion, une vérité qui peut faire du bien à tous :
« Être bien ce que l’on est. »
La cathédrale, pour ne pas devenir un corps sans âme, doit rester fidèle à sa vocation fondamentale.
Comme, par exemple, la cour de l’Elysée, pour ne pas devenir un espace sans destin, doit être ce lieu solennel de l’incarnation du pouvoir. Et promis, je ne dis pas cela parce que demain c’est la fête de la musique.
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